"Les étudiants commémoreront le 11 novembre 1940", L'Humanité, 11 novembre 1948
Légende :
Article extrait du journal L'Humanité du 11 novembre 1948
Genre : Image
Type : Article de presse
Source : © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Libre de droits
Détails techniques :
Imprimé
Date document : 11 novembre 1948
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Analyse média
Le 11 novembre 1948 est émaillé d’incidents sur les Champs-Elysées et au Quartier latin sur fond de guerre froide.
Le matin, le ministre de l’Education nationale, Yvan Delbos, a prévu de se rendre à la Sorbonne puis à l’Arc de triomphe avec des délégations de maîtres, d’étudiants et d’élèves pour déposer une gerbe commémorative de la manifestation du 11 novembre 1940. L’Association des anciens combattants de la résistance de l’Education nationale refuse de s’associer à cette manifestation.
L’après-midi, plusieurs initiatives sont prévues pour les défilés et dépôts de gerbes traditionnels. Signe de la division, l’Union française des associations de combattants annonce qu’elle ne se rendra « ni aux cérémonies officielles, ni à la manifestation organisée l’après-midi par diverses associations à caractère politique ». Un certain nombre d'organisations : FTP, Combattants de la liberté, Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF), Fédération des déportés patriotes, Union des syndicats, avaient prévu de se rassembler aux alentours de la station de métro Franklin-D. Roosevelt à 14 h. Or, suivant une réglementation qui remonte à l'avant-guerre, les défilés d'anciens combattants n’étant autorisés le 11 novembre qu'entre l'avenue George-V et l'Etoile, des affrontements ont opposé policiers et manifestants. Des policiers assiégés dans un car ont fait usage de leurs armes.
Au Quartier latin, c’est dans un autre cadre qu’un « Comité des anciens du 11 novembre 1940 » appelle les étudiants à se rassembler à la Sorbonne en fin d’après-midi pour se rendre ensuite sur les Champs-Elysées derrière une banderole « Honneur aux étudiants du 11 novembre 1940 ». Au carrefour Saint-Michel/Saint-Germain, la police veut empêcher le cortège de continuer et des affrontements ont lieu. Quelques centaines d’étudiants parviennent toutefois à se rendre à l’Etoile, mais d’autres sont dispersés, matraqués – comme Georges Suffert dirigeant de la Fédération française des étudiants catholiques – ou arrêtés comme les étudiants communistes Annie Besse, Arthur Kriegel, Henri Becker. Une interview prévue de François Lescure à la radio est annulée. Clarté met en parallèle Stupnagel et Jules Moch.
Une campagne de protestation s’engage dans les jours qui suivent, avec des séances houleuses au Parlement et au Conseil de Paris. Dans les facultés de Lyon, la protestation de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) est soutenue par les différents mouvements politiques et confessionnels étudiants. Ils distinguent les manifestations des Champs-Elysées « dont la presse a parlé » du « caractère incontestable » de la manifestation organisée par le Comité des anciens du 11 novembre 1940. L’histoire se transforme en mémoire. En effet, huit ans après la marche à l’Etoile ce « Comité des anciens »se constitue en 1948. Le parti communiste était soucieux d’apparaître comme l’instigateur de cette manifestation patriotique, mais les membres du Comité des Anciens du 11 novembre 1940 se présentaient par faculté ou lycée d’origine en 1940, sans indication d’affiliation syndicale ou politique. Il s’agit de Jacqueline Anstedt (Faculté de droit), Henri Becker (lycée Charlemagne), Paul Braffort (Lycée Buffon), Ivan Denys (Janson de Sailly), François Lescure (Faculté des lettres), Jean Margat (Faculté des sciences), Roger Morais (Faculté des Lettres), Richard (Faculté de médecine), Georges Suffert (Lycée Saint-Louis). Ce comité formé pour appeler au 11 novembre 1948 n’eût ensuite plus d’activité.
Le 30 mars 2011, à l’aide des documents redécouverts dans ses archives par Paul Bouchet – ancien résistant, de l’AGE de l’UNEF de Lyon et rédacteur de la charte de Grenoble, le GERME et la Cité des mémoires étudiantes réunissaient les acteurs et témoins de ce comité et du 11 novembre 1948 pour confronter dans un « atelier archives et mémoires étudiantes » documents et mémoire, avec Paul Bouchet, Paul Braffort, Henri Becker, Arthur Kriegel et Ivan Denys.
Robi Morder