Affiche en hommage aux martyrs de Chatou

Genre : Image

Type : Affiche

Source : © Archives municipales de Chatou Droits réservés

Détails techniques :

Dimensions : 68 x 40 cm (reproduction)

Date document : [25 août 1944]

Lieu : France - Ile-de-France - Yvelines - Chatou

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Analyse média

Affiche représentant les 27 visages des martyrs de Chatou et portant la citation de Victor Hugo : "Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie ont droit qu'à leurs cercueils la foule vienne et prie". Le document est exposé à la mairie de Chatou. Il s’agit d’une reproduction.


Contexte historique

A la date du 25 août 1944, des prisonniers allemands et des collaborateurs sont gardés par les FFI de Chatou à la villa Lambert, voisine du château de la Pièce d'Eau. Ce jour-là, les Allemands font un retour en force qui s’achève par les exécutions de 27 FFI.


Depuis le 18 août 1944, date de leur entrée en action, les FFI de Chatou ont fait une quarantaine de prisonniers allemands et des civils (collaborateurs, agents de la Gestapo, interprètes...). Le 25 août, les prisonniers sont transférés à la villa Lambert, propriété voisine du Château de la Pièce d'Eau. Les Allemands - il s'agit du détachement Mobile Einhert n°62800 de la 2e Fallschirmjägerdivision commandé par l'Oberleutnant Werner Klein - étant revenus en force dans les environs de Chatou, le commandant Torset, chef des FFI de Chatou, donne l'ordre de dissimuler les armes et les brassards. Des volontaires se présentent pour garder les prisonniers sous le commandement de René Robert. Vers dix heures, les Allemands, sur l'indication d'un collaborateur, attaquent le château avec grenades et mitraillettes, appuyés par deux chars et deux autos-mitrailleuses. Une soixantaine de FFI est faite prisonnière.

Les Allemands réclament que leur soit indiqué le lieu de détention de leurs compatriotes. Pour éviter un inutile massacre, le commandant Torset prend la décision de rendre les prisonniers. Il conduit les Allemands à la villa Lambert. Il demande alors à ses camarades de libérer les prisonniers et conclut son ordre d'un "Vive la France ! Vive de Gaulle !". Les gardiens comprennent alors le sens du cri de ralliement de leur chef et ouvrent le feu. Le commandant Torset est immédiatement abattu d'une balle dans la nuque. Mais devant un ennemi supérieur en nombre, René Robert donne l'ordre de repli. Seul Henri Fisseux, grièvement blessé, reste sur place pour couvrir leur fuite. A court de munitions et ne voulant pas tomber entre les mains des Allemands, il se tire une balle de revolver dans la tête. Les Allemands furieux lui écraseront la tête à coups de crosse.

Les soldats et les civils allemands et français qui viennent d'être libérés désignent une douzaine de FFI qui sont frappés violemment avant d'être fusillés devant le château. Les Allemands n'en restent pas là, ils veulent se venger des "terroristes". Les SS désignent douze nouvelles victimes qui sont frappés violemment avec des tessons de bouteilles et la crosse des fusils. Les Allemands vont jusqu'à leur arracher les yeux. Ils sont ensuite abattus à bout portant. Trois FFI, Martial Fleury, Jean Legarou et André Couespel, sont obligés de creuser une tombe pour les fusillés puis une pour eux avant d'être exécutés à leur tour. Une Allemande, qui vient d'être libérée, désigne Lucien Gauthier, un chef de section. Celui-ci est frappé puis emmené au lieu de l'exécution. A ce moment on intervient auprès du commandant SS en invoquant les bons soins prodigués par Lucien Gauthier aux prisonniers. Au même instant, un motocycliste allemand se présente à l'officier SS et l'informe que les Américains sont signalés de l'autre côté de la Seine. Cette nouvelle sauva la vie de Gauthier. La troupe SS décide donc de quitter rapidement le château et y met le feu.

Le lendemain, 26 août, les corps sont exhumés. Leur identification est très difficile en raison des mutilations qu'ils ont subies. Le même jour, l'armée Leclerc entre à Chatou. Le 27 août, après une cérémonie à laquelle assistent près de 20.000 personnes, les 27 cercueils sont enterrés dans le cimetière de Chatou. Roger Deberdt faisait partie des FFI de Chatou. Son récit explique comment il a pu échapper de justesse au massacre. Le 23 août, il s'est porté volontaire, à la demande de son chef de section, René Robert, pour monter la garde au Château : "Le vendredi 25, la relève est arrivée. J'ai remis mon fusil au jeune Henri Richaume. Il avait seize ans comme moi. Il m'a même demandé ma veste car il avait froid. La nuit avait été calme, on pensait donc qu'ils étaient partis. Les premiers sont partis à 7 heures, ils devaient revenir à midi. Comme nous on était jeunes et qu'on n'avait pas de fiancée, on s'est dit qu'on allait rester là avec nos camarades. Au bout d'un moment, mon copain m'a dit qu'il voulait rentrer chez sa sœur car il avait faim et était fatigué. En cours de route, j'ai décidé de rentrer chez moi pour dormir un peu. J'étais à peine endormi que j'entendais la mitraillette. Ma mère me dit : "Ecoutes. Tu entends tirer. Cela vient du château." Effectivement, ils étaient en train de fusiller 27 personnes. Tout ça c'est le hasard parce qu'on aurait très bien pu rester là-bas. Personnellement, j'avais aucune raison de partir, c'est mon copain qui m'a pousser en me disant qu'il avait faim, soif et qu'il était fatigué". En entendant les coups de feu, Roger Deberdt décide d'aller voir ce qui se passe mais lorsqu'il s'aperçoit que le coin fourmille d'Allemands, il se cache dans un poulailler. "Le lendemain, quand on est revenu au château, on a vu tous les fusillés, dont le petit gars qui m'avait relevé la veille ! C'étaient mes copains d'école. J'avais seize ans et demi à l'époque. Le petit gars qui m'a relevé avait mon âge. Il était de Montesson. Le pauvre gosse, je ne l'ai jamais revu, il a été fusillé." Un monument élevé dans le parc de la Mairie de Chatou perpétue le souvenir de ces 27 martyrs de la Résistance.

Voici la liste des victimes :

- Georges Blaizot, 24 ans, avait été nommé chef de groupe FFI le 22 août 1944. Il attaqua une chenillette allemande avec ses hommes faisant six prisonniers. Le lendemain, il se jeta à l'attaque de vingt SS en tuant quatre et en en blessant deux. Dans l'après-midi de ce même jour, il livra un second combat contre deux miliciens qui arrachaient, près de l'église de Chatou, les affiches appelant les citoyens à la Résistance. Ceux-ci furent faits prisonniers et ramenés au Château de la Pièce d'Eau, PC des FFI.
- André Couespel, 16 ans, demeurant à Chatou, était employé à la SNCF
- Henri Fisseux, 20 ans, demeurait à Chatou. Il travaillait à la Maison Martin à Bougival.
- Martial Fleury, 35 ans, demeurait à Chatou. Lieutenant FN régional et fut l'un des organisateurs des FFI de Chatou.
- Alexis Legendre. Lieutenant de l'armée régulière, il était venu de Paris pour participer aux combats insurrectionnels et avait dirigé l'action des FFI de Chatou.
- Roger Lemoine avait 25 ans. Lieutenant de réserve, il était prisonnier de guerre évadé et avait rejoint la Résistance en 1943.
- Yves Louis, 21 ans, travaillait à l'entreprise Drouard.
- Eugène Le Tyrant, 37 ans, travaillait à la CAMS à Sartrouville. Il avait le grade de maréchal des logis dans la réserve et dans les FFI.
- Jean Mauchaussat, 23 ans, était étudiant. Il occupait la fonction de chef de groupe FTP.
- Gabriel Morel, 22 ans, membre du corps-franc FTP, "s'est courageusement battu à la grenade avant de tomber sous les coups des SS".
- Jacques Mouchard, 19 ans, habitait chez ses parents à Chatou et travaillait aux Etablissements Renault aux Batignolles.
- Robert Noé, 19 ans, travaillait à l'entreprise Drouard.
- Henri Painchaut, 34 ans, demeurait à Chatou.
- Pierre Ramain, 22 ans, demeurait au Pecq. Il était secrétaire du bureau militaire FN-FFI de la région de Chatou.
- Robert Rateau, 33 ans, demeurait à Chatou. Réfractaire au STO, il était devenu chef de groupe FFI.
- Henri Richaume, 16 ans, habitait Montesson. Il n'avait que quinze ans et était agent de liaison.
- Auguste Torset, 56 ans, était marié et père de deux enfants dont un prisonnier de guerre. Il était marchand forain. Lieutenant de réserve, responsable militaire du groupe de Chatou, il a dirigé en personne les opérations contre l'ennemi quand les Allemands ont attaqué le château.
- Louis Gandillet, 20 ans, demeurant à Carrières-sur-Seine, est venu se joindre aux effectifs de Chatou pour le combat contre l'ennemi. Combattant individuel, il menait depuis 1943 la lutte contre l'occupant et avait notamment participé à l'attaque et à la destruction de la citadelle de Grenoble.
- Joseph Marie Grand avait 43 ans et demeurait à Chatou.
- Pierre Jallu, 46 ans, était chef d'équipe à l'usine Ferrodo.
- Eugène Jeffrault, 16 ans, était domicilié à Chatou et travaillait chez Forvil à Nanterre.
- Lucien Jeffrault, 17 ans, était infirmier et brancardier FFI.
- Robert Kurtz, 52 ans, était employé chez Pathé-Marconi et occupait les fonctions de chef de groupe FFI.
- Jacques Lamy, 17 ans, était agent de liaison.

A cette liste de victime gravée sur le monument commémoratif de Chatou s'ajoute le nom de Raymond Acquard, vétéran des campagnes coloniales, mort au combat le 21 août au cours d'un engagement contre les forces allemandes, rue Esther-Lacroix.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources et bibliographie : 
Archives départementales des Yvelines, 1374 W 49-50 (Service de recherche des crimes de guerre, massacre de Chatou). 
Archives municipales de Chatou. 
Rolande Auffret-Follain, Le feu de la foi, Sarcelles, Imprimerie municipale, 1964.