Raymond Winter

Légende :

Raymond Winter, chef régional de la Sixième, organisation clandestine des Eclaireurs israélites de France, pour l'Auvergne.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

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Contexte historique

Raymond Winter naît le 19 février 1923 dans une famille de la petite bourgeoisie juive. Alsacienne depuis plusieurs générations, la famille est très attachée à la France émancipatrice. Ses parents ont perdu une partie de leur pratique religieuse, tout en restant assez traditionalistes. Il effectue sa scolarité dans une école primaire laïque et suit en parallèle des cours dans un Talmud Torah de Strasbourg. Par la suite, il bénéficie des cours d’instruction religieuse dispensés dans le cadre du lycée d’État (sous régime concordataire). Peu désireux de faire de longues études, il aide son père, fatigué par son travail harassant de grossiste en textile. Faute de place dans la troupe de Strasbourg, Raymond n’entre aux Éclaireurs israélites de France (EIF) qu’en 1936, alors qu’il a déjà 13 ans. Cependant il était déjà engagé dans le scoutisme depuis plusieurs années au sein des Éclaireurs de France. Malgré son jeune âge, il est rapidement nommé à des postes à responsabilités locales, fait exceptionnel compte tenu de son jeune âge.

En 1939, à la déclaration de guerre, la famille Winter quitte Strasbourg et, après avoir cherché refuge dans différentes villes, s’installe à Montpellier en juillet 1940. Raymond y crée rapidement une troupe EI. De plus, voyant que le rabbin Henri Schilli, également réfugié d’Alsace, est débordé, il lui propose spontanément de se charger des jeunes, appliquant les méthodes d’éducation découvertes et apprises aux EI. Il devient très vite à la fois chef de troupe, commissaire de groupe local et secrétaire de district. Sous son autorité, les activités communautaires (cours du rabbin Schilli, jeux de société) et scoutes (veillées, chants, discussions) se multiplient. Mais, avec les mesures anti-juives de Vichy, Raymond se rend compte que le travail éducatif ne suffit plus, qu’il s’agit dorénavant de sauver les enfants et leurs parents, traqués par la police française. Il se met en rapport avec l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE) pour laquelle il organise deux colonies de vacances avec l’aide d’un de ses cousins, Marcel Gradwohl (Souris). Outre ces activités, Raymond Winter visite les camps d’internement avec le rabbin Schilli, aumônier des camps d’internement du Sud-Ouest. Ils parviennent à y faire entrer des vivres et des lettres des proches des internés. Troublé par les scènes terribles auxquelles il assiste, Raymond Winter souhaite s’engager davantage. Dès lors, il bascule très vite dans la clandestinité au sein de la Sixième.

Totemisé Girafe énergique, en raison de sa grande taille et de son infatigable activité, il devient responsable régional de la Sixième. Il agit désormais sous une fausse identité (Raymond Vallin) et installe son siège à Millau (Aveyron) à partir de novembre 1942. Il doit trouver des « planques » à tous les jeunes en danger, les visiter, leur fournir enfin des faux papiers et trouver de quoi payer les personnes qui acceptent de les cacher. Il organise aussi des passages clandestins en Espagne ou en Suisse, en lien avec l’OSE. Durant les vacances de Noël 1943, alors que les pensionnats sont fermés, Raymond Winter organise, sous couverture des Éclaireurs unionistes et avec la bienveillance du préfet, un camp scout de deux semaines à Florac (Lozère), en présence de l’aumônier des EIF, le rabbin Samy Klein. C’est l’occasion pour les jeunes cachés de retrouver une ambiance juive, scoute et conviviale ; loin des dangers du quotidien.

Le soir du 6 juin 1944, Raymond Winter reçoit l’ordre de rejoindre le maquis et se rend à Saint-Flour (Cantal). À son arrivée, les maquis d’Auvergne font face à l'attaque des troupes allemandes, deux bataillons de la 2e Division Blindée SS Das Reich épaulés par les miliciens. Raymond Winter ne retrouve pas le « contact » qu’il devait rencontrer sur place. Dans pareil cas, la consigne était de revenir le lendemain au même endroit et à la même heure et, surtout, de ne pas passer la nuit à l’hôtel. Pour une raison qui demeure inconnue, Raymond Winter et ses camarades (ses cousins Marcel et Roger Gradwohl ainsi qu’Edgar Lévy, un responsable de la Sixième adulte) enfreignent cette règle et sont arrêtés à l’hôtel Terminus au cours d’une vaste rafle menée par la Gestapo et la Milice. Enfermés dans l’hôtel, transformé en prison, pendant quatre jours avec une cinquantaine d’autres prisonniers, ils sont interrogés et torturés avant de passer une soi-disant « visite médicale » qui révèlent leur judaïté. Le 14 juin au petit matin, la Milice embarque Raymond Winter, ses camarades et 21 autres prisonniers. Tous sont fusillés au lieu-dit Soubizergues. Les corps sont retrouvés le lendemain et enterrés après que des indices physiques et vestimentaires soient relevés afin de permettre une identification ultérieure. C’est grâce à cela que Franceline Bloch (Moulin) reconnaît son ami.

Le 25 octobre 1944, c’est le rabbin Schilli qui procède à l’enterrement en présence de la famille, des amis et des EIF de Clermont-Ferrand. Après la guerre, le cercueil de Raymond Winter est transféré dans le caveau familial du cimetière israélite de Strasbourg. Son ami Théo Klein lui rend un vibrant hommage dans Lumière, la revue des chefs EI en juillet 1945 : "Raymond n’aura pu réaliser pleinement la tâche à laquelle tout le destinait à la direction du mouvement. Mais il nous aura laissé l’enseignement le plus précieux qu’un chef puisse léguer à ceux qui doivent assurer sa relève : son exemple, sa vie et ce qui aurait pu être sa devise : simplicité, loyauté et service".


Auteur : Mathias Orjekh

Bibliographie :
- Mathias Orjekh, Du scoutisme juif à la Résistance : un même engagement. Quelques figures d’un même itinéraire, mémoire de maîtrise (sous la direction de Danielle Delmaire), 2001 - disponible en ligne