Emeric Epstein, dit Gérard

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 210 115 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Haute-Garonne - Toulouse

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Contexte historique

Originaire de Transylvanie, né à Krasna en Roumanie le 22 avril 1914, Emeric Epstein étudie la médecine en France – il obtient son doctorat en 1939 - et est interne à l’hôpital de Soissons de 1936 à 1940. Fuyant la région parisienne lors de l’Exode, il se réfugie à Cahors en juin 1940, puis Toulouse avec des camarades étudiants hongrois dans l’espoir d’y trouver du travail. Multipliant les petits métiers de marchand ambulant, gare Matabiau, il fréquente un appartement de la rue des Coffres, où Thomas Bauer originaire de Budapest organise des réunions hebdomadaires. Son appartement abrite des conférences autour de la littérature ou de la politique en langue hongroise, suivies de débats animés. Comme tous les étrangers réfugiés, ces jeunes gens ont reçu de la préfecture une assignation à résidence dans différentes communes du département. Afin de pouvoir rester à Toulouse, une inscription à la faculté pouvait faciliter les démarches. Bien que médecin, Emeric Epstein n’est pas accepté en 5ème année à la faculté de médecine, et c’est finalement à la faculté de Lettres qu’il trouve une place en sociologie. En septembre 1940, à la suite du rattachement de sa ville d’origine à la Hongrie, Emeric Epstein perd sa nationalité roumaine et devient apatride (l’ambassade de Hongrie lui refuse la nationalité hongroise).

Juif et désormais apatride, la gendarmerie vient l’arrêter rapidement à son domicile pour le conduire au camp de Clairfond. Emeric Epstein a pu, grâce à la copie de son diplôme, prouver qu’il était médecin et fut employé à ce titre au sein du camp, transféré ensuite au Récébédou. Libéré grâce au paiement d’une caution par ses parents, Emeric Epstein rejoint le Secours rouge et incite les internés à s’évader. Il vient en aide aux cadres des Brigades internationales internés au camp du Vernet d’Ariège.

Avec trois camarades hongrois, il participe à la distribution de tracts, tout d’abord rédigés en français puis après novembre 1942 en allemand, langue que lui et ses camarades maîtrisent. Ils sont chargés de distribuer le journal Soldat am Mittelmeer fabriqué à Lyon par le mouvement Frei Deutschland ou Travail allemand. En contact avec certains membres de ce mouvement, Emeric Epstein multiplie les actions de propagande de démoralisation de l’armée allemande en diffusant les tracts dans les lieux fréquentés par les soldats de la Wehrmacht (café, restaurant, casernes, tramways). Le groupe auquel appartient Émeric Epstein, majoritairement composé de Hongrois, est rattaché à la Main d’œuvre immigrée (MOI) courant 1943, sans lien avec la célèbre 35e Brigade Marcel Langer.

Emeric Epstein travaille régulièrement comme médecin auprès des enfants juifs cachés par des organisations clandestines. Finalement, il convainc le professeur Sorel de l’autoriser à travailler au sein du service pédiatrique de l’hôtel-Dieu. Courant 1944, Emeric Epstein est repéré par la police française, suivi dans la rue avec deux de ses camarades, Georges Engel et Nicolas Holzer. Ces deux derniers sont interpellés et Emeric Epstein parvient à s’échapper et se réfugie chez Blanche Robène à Pechbonnieu (ce lieu était connu de lui depuis longtemps comme étant un abri sûr, régulièrement fréquenté par tous les proscrits).

Revenu à Toulouse en juin 1944, il reprend contact avec le chef du groupe hongrois, A. Sebès dit Kirali, et retourne dans son appartement près de la place Saint-Etienne. En juillet 1944, il retrouve Thomas Bauer, désormais membre actif de l’Armée Juive. Le 22 juillet 1944, il accueille chez lui au petit matin Ariane Fiksman (Knout) et Raoul Léons avant une réunion qui devait avoir lieu rue de la Pomme avec Thomas Bauer. Les résistants de l’AJ étaient inquiets pour la sécurité de leur groupe à la suite d’une arrestation mais déterminés, Ariane Fiksman avait dit "si on craignait tout, on ne ferait jamais rien". Les deux résistants se rendent à la réunion au 11 rue de la Pomme mais la Milice y a tendu une souricière. Thomas Bauer a été arrêté et, à l’arrivée d’Ariane Fiksman et de Raoul Léons, une bagarre éclate. Ariane est tuée sur le coup, Thomas Bauer grièvement blessé est arrêté et Raoul Léons, blessé parvient à s’échapper. Il se réfugie chez Emeric Epstein dont l’appartement est proche. Après l’avoir soigné pendant deux jours, Raoul Léons rejoint le maquis de la Montagne Noire.

Après la Libération, Emeric Epstein rejoint le groupe des FTP-MOI du bataillon Sabatié à Montauban en qualité de médecin. Promu médecin-lieutenant « à titre étranger » le 26 mai 1945 avec prise de rang au 25 décembre 1944, il est affecté à l’Hôpital de Pomponne à Montauban jusqu’à sa démobilisation en avril 1946. Demeuré à Toulouse après la guerre, le docteur Emeric Epstein est resté très attaché à sa culture et a créé l’association franco-hongroise d’Occitanie. Il meurt le 23 octobre 2004 à Toulouse.


Auteur : Elerika Leroy

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16P 210115
Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne - Archives Daniel Latapie – Dossier Emeric Epstein, le groupe hongrois de Toulouse.
Emeric Epstein, « Survivre à Toulouse », Cahiers d'études hongroises, 9/1997-1998.