Exécution du conseiller Faure-Pinguely, 12 décembre 1943

Légende :

"M. Faure-Pinguely, conseiller à la cour d'appel de Lyon, meurt victime d'un attentat",  Le Journal, 13 décembre 1943.

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Droits réservés

Date document : 13 décembre 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon

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Contexte historique

Certaines personnalités dont l’action constitue une menace directe pour la Résistance sont éliminées. C’est le cas notamment de trois magistrats des sections spéciales ayant requis ou prononcé des peines de mort contre des résistants : Pierre Lespinasse, avocat général près la cour d’appel de Toulouse, le 11 octobre 1943 ; Jacques Faure-Pinguely, conseiller à Lyon, le 12 décembre 1943 ; Henri Verdun, président de chambre à Aix-en-Provence, le 18 janvier 1944.

Né le 13 juin 1888 à Oullins (Rhône), Faure-Pinguely est ancien combattant de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle il est grièvement blessé. Pour son action au combat, il reçoit deux citations et est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1931. Jacques Faure-Pinguely accomplit le début de sa carrière de magistrat en Afrique du Nord avant de s’installer à Lyon en 1932 comme juge d’instruction. Président du Tribunal d’honneur de la Légion des Combattants, conseiller à la cour d’appel de Lyon, Faure-Pinguely exerce en 1943 les fonctions de vice-président de la section spéciale de la cour d’appel de Lyon et du tribunal criminel spécial. Il siège également à la section de Lyon du Tribunal d’Etat.

Le 23 novembre 1943, la section spéciale de la cour d’appel de Lyon qu’il préside condamne à mort Simon Fryd, FTP-MOI du bataillon Carmagnole. Il est guillotiné le 4 décembre 1943 dans la cour de la prison Saint-Paul à Lyon. Les camarades de Fryd décident alors de venger sa mort.

Le 12 décembre 1943, Faure-Pinguely se trouve à son domicile, 30 cours Eugénie à Lyon, avec son épouse et ses enfants. Vers 7h30, selon le rapport de police, "quatre individus, dont deux vêtus d’uniformes de militaires allemands et porteurs d’une mitraillette et d’un fusil, ont sonné à la porte du domicile de M. Faure. Ce magistrat les a introduits dans son bureau au rez-de-chaussée de la villa. Quelques minutes plus tard un coup de feu a retenti. (…) Un seul de ces individus parlait français. Ils sont tous repartis à pied en se dirigeant vers l’avenue Lacassagne. (…) Le cadavre de M. Faure-Pinguely a été découvert par ses enfants dans son bureau." Selon le témoignage de son épouse, il avait reçu une lettre de menaces trois semaines avant sa mort suite à une affaire jugée en novembre. Il aurait également été pris à partie sur la radio anglaise, toujours selon les déclarations de son épouse.

Un rapport du commissaire de police de sûreté daté du 23 février 1944 conclut que "les assassins de monsieur le conseiller Faure-Pinguely peuvent être recherchés parmi les membres des organisations terroristes, les jugements sévères que ce magistrat rendait, étaient craints de tous ceux-ci.". Il émet deux hypothèses sur les raisons de son exécution dont celle de la vengeance : "ou bien monsieur Faure-Pinguely a été exécuté pour venger la condamnation à mort de Simon Fryd. Dans ce cas, l’assassinat a été commis par une organisation terroriste dont les membres sont pour la plupart polonais ou tchèques.(…) Les investigations sont demeurées infructueuses." Ses obsèques sont célébrées le 15 décembre 1943 en l’église Notre Dame du Bon Secours sous la présidence du cardinal Gerlier, archevêque de Lyon.

Gilles Najman, responsable technique du bataillon Carmagnole, a apporté son témoignage détaillé sur cette exécution à laquelle il a directement participé. Il se charge de la logistique de l’opération et notamment de la récupération de deux uniformes allemands. Norbert Kugler, chef régional, décide également de prendre part à l’opération en personne. Le commando se compose donc de Gilles Najman et "Denis" déguisés en soldats allemands, Norbert Kugler, "habillé d’un chapeau, d’une gabardine, une serviette à la main et avait vraiment l’air d’un gestapiste", Fred (il s’agit vraisemblablement de Michel Zaltzermann), et Ignasz Krakus alias Roman. Cinq autres hommes sont chargés de la surveillance à l’extérieur. Arrivés au domicile de Faure-Pinguely, "Denis" reste à l’entrée et les quatre autres hommes du commando, se faisant passer pour des policiers français et allemands, se font ouvrir la porte prétextant vouloir s’entretenir avec lui au sujet de terroristes. Jacques Faure-Pinguely les emmène jusqu’à son bureau où les résistants commencent à lui poser des questions sur les jugements prononcés et notamment à l’encontre de Simon Fryd. La réponse du président de la section spéciale – "Simon Fryd, s’il a été condamné et guillotiné, c’est à cause de moi" - déclenche la fureur de Krakus qui le frappe à la tête avec sa matraque en acier. Il a ensuite sorti son revolver et lui a tiré une balle en pleine tête. Le commando quitte ensuite la villa et s’éparpille.


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Archives nationales, 19870802/7/1, dossier n° 15205/1058
Gallica.bnf.fr
Archives Yad Vashem, témoignage de Gilles Najman
Bénédicte Vergez-Chaignon, Histoire de l’épuration, Larousse, « Bibliothèque historique », 2010
Jean-Paul Jean, « Juger sous Vichy et à la Libération », Histoire de la justice, n°29, « Juger sous Vichy, juger Vichy » sous la direction de Jean-Paul Jean.
Paul Garcin, La Haine : reportages clandestins, 1940-1944, Lyon, Lugdunum, 1946