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Lettre codée d'Albert Chabanon, Valmy, au responsable départemental de l'Armée secrète des MUR,24 juin 1944

Légende :

Albert Chabanon fait parvenir du siège de la Gestapo au responsable de l'Armée secrète des MUR, une lettre ordonnant la dispersion des jeunes de l'Organisation Universitaire de Combat.

Genre : Image

Type : copie d'une lettre manuscrite

Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône , 44 J 45 Droits réservés

Date document : 24 juin 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Albert Chabanon, Valmy, responsable du secteur jeunes de l'Organisation universitaire (OU) des Mouvements Unis de Résistance (MUR) est arrêté le 17 juin 1944 et conduit au siège de la Gestapo. Il arrive à faire parvenir à André Aune, Berthier, « cher oncle », une lettre codée. André Aune est le chef départemental de l'Armée secrète des MUR. La clinique est le 425 rue Paradis, siège de la Gestapo. Le traitement électrique est la torture à laquelle Albert Chabanon est soumis. Il pense que son transfert aux Baumettes (hôpital Sainte Marguerite) est imminent et qu'il sera déporté (sana éloigné) ou exécuté. Mais cette dernière hypothèse serait pour lui le fait d'autres arrestations (certaines contagions) qui pourraient révéler à la Gestapo son rang dans la Résistance.
Il fait part de ses soupçons concernant Day qui a joué un rôle trouble au moment de son arrestation (voir contexte historique). Il demande que tous les documents stockés au PC du mouvement, chez la famille Madon, au 10 rue Pierre Puget, soient déplacés. Il enjoint ses camarades de se disperser car nombre d'entre eux sont identifiés par les services allemands. Les noms énumérés aux 4e et 5e paragraphes sont les résistants cités par la Gestapo lors des interrogatoires d'Albert Chabanon. Ils sont devenus particulièrement vulnérables (voir contexte historique). Guy Fabre, Berger, est chargé du « bureau d'études politiques » afin de préparer le programme de la Libération. Norrières est Henri Madon un des cadres du secteur jeunes. Dubosc est le pseudonyme de Georges Cisson, chef régional du NAP (noyautage des administrations publiques) des MUR. Ajax est un réseau de policiers.
Le post scriptum donne en clair une boîte aux lettres et le nom de contacts. La lettre elle-même n'aurait pas trompé la Gestapo si elle était tombée entre ses mains mais sans confiance, la Résistance ne pouvait agir.
Albert Chabanon est fusillé le 18 juillet 1944 à Signes (voir Murel Signes) avec 28 autres résistants. La rue Pierre Puget où était situé le PC des jeunes de l' OU, devient à la Libération la rue Albert Chabanon.
Dans son éditorial de janvier 1944 pour le journal clandestin, Le Marseillais, qu'il avait fondé, Albert Chabanon écrivait : « Volonté de réhabiliter notre Patrie, de la laver des outrages subis. Volonté de la restaurer dans un ordre humain équitable et fécond. Désir de vie, de paix, d'abondance. Désir infini de bonheur. Aujourd'hui, c'est la mort, la ruine, l'action stérile de la haine. »


Auteure : Sylvie Orsoni

Contexte historique

Albert Chabanon est né le 13 mai 1916 à Marseille. Après une scolarité brillante au lycée Saint Charles puis dans les classes préparatoires des lycées Thiers à Marseille et de Louis Le Grand à Paris, il intègre l'Ecole Normale Supérieure (ENS) en 1938. Germanophone, il voyage en Allemagne ce qui lui permet de mesurer les dangers du nazisme. Mobilisé en 1939, il est réformé pour inaptitude physique en avril 1940. En décembre 1941, il est accusé de menées communistes et incarcéré dans diverses prisons avant d'être libéré en février 1943. Il séjourne à l'Etape, institution de réinsertion située dans les Bouches-du-Rhône et dirigée par le frère d'André Aune. Il entre ainsi en contact avec André Aune, Berthier, « cher oncle », membre de Combat. Albert Chabanon devient le responsable régional du secteur jeunes de l'Organisation Universitaire de Combat. Son adjoint est Réné Mariani, Gaillard, et son agent de liaison, Jean Lestrade, Chac, Prado. Le 1er janvier 1944, Albert Chabanon et René Mariani créent le journal local des MUR, Le Marseillais. A la distribution des journaux des MUR s'ajoute le travail de renseignements (repérage de collaborateurs, de miliciens), la préparation à la lutte armée, la réflexion politique pour construire un avenir plus juste. Albert Chabanon est omniprésent.
A partir de juin 1944, la situation devient plus difficile. Le débarquement de Normandie fait espérer aux jeunes Provençaux une action similaire sur leurs côtes. Valmy organise la « montée au maquis » de membres de l'OU. Cette initiative est prématurée et les jeunes doivent refluer précipitamment à Marseille au moment au le SIPO-SD (Gestapo) redouble d'acharnement. Entre juin et juillet 1944, l'OU jeunes est décapitée que ce soit par trahison comme l'envisage Albert Chabanon et ses camarades ou par des filatures et arrestations efficaces. Albert Chabanon, André Aune, Guy Fabre, Jean Lestrade, René Mariani sont fusillés le 18 juillet 1944 dans le vallon de Signes.


Auteure : Sylvie Orsoni

Sources
Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud, 2004.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947) Midi rouge, ombres et lumières. 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.