Photo du camp de Saliers en construction, octobre 1942, 142 W 76

Légende :

photo de la construction des cabanes camarguaises du camp de Saliers (Bouches-du-Rhône), octobre 1942

Type : Photographie

Producteur : MUREL PACA

Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 142 W 76 Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

La photo montre la construction des cabanes camarguaises destinées à héberger les nomades dans le camp de Saliers. Les cabanes, de 4 mètres sur 8 sont réalisées dans le style local : des murs blanchis à la chaux, des toits recouverts de sagnes (roseaux). On peut remarquer l'étroitesse des ouvertures. Les cabanes camarguaises étaient à l'origine conçues pour abriter un homme et son cheval. A Saliers, elles sont prévues pour loger dix personnes. Dans la réalité, 24 nomades de tout âge s'entasseront dans les cabanes sans cheminée, sans électricité, sans eau courante (voire notice inspection sanitaire du camp de Saliers). Les cabanes sont construites par les premiers internés, cinquante à soixante hommes transférés du camp de Rivesaltes qui arrivent en juillet 1942. On constate l'environnement très inhospitalier : le camp n'offre aucune protection contre le mistral et les chaleurs de l'été.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Le 25 mars 1942, une conférence interministérielle décide de créer dans le hameau de Saliers sur la commune d'Arles un camp pour nomades. Les nomades ne sont pas stigmatisés dans la propagande gouvernementale comme les Juifs, les Francs-maçons et les Tsiganes. Ils sont cependant victimes de stéréotypes négatifs qui ont donné lieu à une réglementation spécifique sous la IIIe République : carnet anthropométrique pour les familles nomades, assignation à résidence à partir du 6 avril 1940. Les nomades sont des indésirables bien avant que le terme apparaisse sous la plume des législateurs républicains. Le camp de Saliers n'obéit pas tout d'abord à une volonté d'internement. Il s'agit de sédentariser les nomades tout en les laissant pratiquer leurs métiers traditionnels ou considérés comme tels par la conférence interministérielle « vannerie, tissage, etc.… ». Le règlement intérieur du camp évoque « le reclassement professionnel des nomades ». Mais l'architecte des monuments historiques ne cache pas qu'un autre objectif est poursuivi : faire du camp de Saliers un instrument de propagande pour couper court aux articles très critiques paraissant dans la presse suisse et américaine sur les camps d'internement français. Il faut donc construire un décor donnant l'illusion d'un village camarguais aux observateurs. Il est prévu de construire trente cabanes dans le style local . La photographie permet de se rendre compte des limites de la bienveillance des autorités à l'égard des internés : les cabanes sont peu aérées, sans aucune commodité et destinées à l'hébergement de dix personnes. Seules vingt-quatre cabanes sont construites et plus de vingt personnes s'y entasseront (voire notice rapport sanitaire sur le camp de Saliers). Par souci d'économie, la construction est réalisée par des nomades déjà internés à Rivesaltes   et qui sont transférés en juillet 1942 sur le site pour y travailler pendant cinq mois. L'ensemble des aménagements prévus par l'architecte des Monuments nationaux ne sera jamais réalisé et le camp n'aura jamais le caractère pittoresque du plan prévisionnel de l'architecte (voire album).


Sylvie Orsoni

Sources

Bertrand Francis, Jacques Grandjonc, « Un ancien camp de bohémiens » : Saliers, in Les camps en Provence. Exil, internement, déportation. 1933-1942, (dir. Grandjonc Jacques, GrundtnerTheresia, Aix-en-Provence, Alinea, 1984 

Debilly isabelle, Un camp pour les Tsiganes, Saliers, Bouches-du-Rhône, 1942-1944, dossier pédagogique n°6, Archives départementales, Conseil général des Bouches-du-Rhône, 2001.

Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche,Pari, 1999.

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.