Choix d’Eysses pour la concentration des détenus politiques

Légende :

Première page du rapport de l’inspecteur général adressé au directeur de l’administration pénitentiaire le 5 octobre 1943 au sujet de « la concentration à la maison centrale d’Eysses des condamnés subversifs de zone Sud ».

Genre : Image

Type : Rapport officiel

Source : © Archives nationales (Fontainebleau), 19840465 article 259, dossier de carrière de M. Lassalle. Droits réservés

Détails techniques :

Support papier pelure. Dimensions : 21 x 29,7 cm. 1ère page d’un rapport de 11 pages dactylographiées.

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Suite à une demande du directeur de l’administration pénitentiaire, un inspecteur général est chargé d’étudier la possibilité de concentrer à Eysses les condamnés politiques de zone Sud. Ce rapport est la conclusion de sa mission.
Il comporte deux parties : la sécurité et l’utilisation des locaux. La première partie, qui occupe six pages sur onze, traite de la défense extérieure et la sécurité intérieure. La deuxième partie (quatre pages) concerne le plan d’évacuation destiné à libérer de la place pour les détenus politiques, la contenance de la maison centrale, et le plan d’utilisation de celle-ci. Selon les estimations de l’inspecteur général, il est possible de concentrer à Eysses 1600 hommes. La conclusion de son rapport insiste sur la sécurité qu’il convient de renforcer par l’augmentation du personnel de garde et des améliorations techniques.
Ce document comporte 11 pages ; vous pouvez le consulter dans son intégralité dans l’album joint à cette notice.


Fabrice Bourrée

Contexte historique

En juin 1940, Eysses passe sans transition d’un établissement destiné aux mineurs à une centrale de force. Mais le 30 septembre 1943, la prison ne compte encore, parmi ses 1075 détenus, que 10% de prisonniers politiques. On décide alors d’en faire le principal lieu de regroupement des prisonniers considérés comme les plus dangereux. En zone Sud, trois centrales sont susceptibles de répondre à ces objectifs, pourquoi le choix se porte t-il sur Eysses plutôt que sur Riom ou Nice ?

Accueillir des résistants condamnés, constitue une mission délicate ; lors de la réunion à Paris des intendants de police et de tous les directeurs, au sujet du regroupement des détenus politiques, Jean-Baptiste Lassalle est le seul directeur à accepter de les accueillir. Un inspecteur général est donc chargé d’étudier la possibilité de concentrer à la maison centrale d’Eysses, tous les « condamnés subversifs » de zone sud, et inspecte la prison le premier octobre 1943. Il perçoit dans ce choix certains atouts : «…Géographiquement le choix de la centrale d’Eysses est tout indiqué […] situé dans une région agricole de petite propriété dont la population dans sa grande majorité est calme et ne participerait pas à une action quelconque menée contre l’autorité. Elle se compose principalement de petits propriétaires et de maraîchers indifférents aux idées subversives, d’ouvriers agricoles sympathiques au communisme mais n’ayant jamais milité, et de réfugiés parmi lesquels des juifs commerçants pour la plupart honnêtes et tranquilles, installés dans la région avec leur famille, que les Allemands n’ont d’ailleurs jamais inquiétés […] Le choix d’Eysses est inéluctable les maisons centrales de Riom et de Nîmes de par leur situation géographique sont moins sûres ».

Ce rapport est donc empreint d’une très forte perméabilité aux pressions du discours dominant, l’environnement rural, réputé tranquille, intervient comme un atout déterminant pour Eysses. On voit poindre les idéaux de la Révolution nationale, selon l’adage « la terre elle ne ment pas ! », la ville étant perçue comme un lieu de perversion morale et politique. Un autre élément a pu intervenir, émettons-le simplement comme hypothèse : la réputation de la prison comme bagne d’enfants du fait de la volonté de « mater » les politiques. Les flux carcéraux intenses qui scandent la période d’occupation s’intensifient à partir d’octobre 1943 et Eysses devient le principal pôle de la France pénitentiaire. On décide d’y concentrer tous les « prisonniers spéciaux » pour « menées communistes, terroristes, anarchistes ou subversives » de la zone Sud condamnés par les sections spéciales de cette zone et par le tribunal d’Etat de Lyon. Le 18 février 1944, quand le plafond de population carcérale est atteint (1430 détenus), la centrale est devenue à 90% une prison de politiques.


D'après Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.

Autres sources : Christian Carlier, La prison aux champs. Les colonies d’enfants délinquants du nord de la France au XIXème siècle, Editions ouvrières / Editions de l’Atelier, 1994. Archives départementales du Lot-et-Garonne, registres d’écrou de la centrale d’Eysses. Archives nationales, F1a/4548, prisons Loir-et-cher, rapport IGSA sur la maison d’arrêt de Blois le 3 avril 1944. Archives nationales, F7/14900, dossier transferts.