Demande de passeport de Joseph Mercier (Jean Moulin)

Légende :

Demande de passeport de Jean Moulin, sous le pseudonyme de "Joseph Mercier", faite à Cagnes-sur-Mer le 4 février 1941

Jean Moulin’s passport request under the pseudonym of “Joseph Mercier,” made in Cagnes-sur-Mer on February 4th 1941.

Genre : Image

Type : Document administratif

Source : © Archives départementales des Alpes-Maritimes (ADAM) 28 W 0095 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en noir et blanc.

Date document : 4 février 1941

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Alpes-Maritimes - Cagnes-sur-Mer

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Analyse média

Le document présenté ici est une demande de passeport, faite à Cagnes-sur-Mer en février 1941, par un certain "Joseph Mercier" (Jean Moulin). La photo d'identité montre un homme avec des lunettes et une moustache.  

Grâce à l’intervention de Frédéric-Henri Manhès (un de ses collègues du cabinet de Pierre Cot sous le Front populaire), qui était en bonnes relations avec le commissaire de police de Cagnes-sur-Mer, Jean Moulin put obtenir de la sous-préfecture de Grasse, le 7 février 1941, un passeport au nom de Joseph Mercier muni d’un visa de sortie. Le formulaire administratif montre bien les astuces indispensables pour obtenir des faux papiers crédibles : M. Mercier est déclaré professeur à l’Institut international de New York afin de justifier la sortie du territoire national ; les lunettes et la moustache sont destinées à ne pas reconnaître le visage de Jean Moulin qui est interdit de sortie du territoire depuis le 2 décembre 1940 ; la date de naissance est avancée au 20 juillet 1896 au lieu du 20 juin 1899 ; le lieu de naissance est situé à Péronne, l’une des communes du nord de la France où les combats de juin 1940 avaient entraîné l’incendie des registres d’état-civil.


The document presented here is a passport request, made in Cagnes-sur-Mer in February 1941, by a certain « Joseph Mercier » (Jean Moulin). The photograph shows a man with glasses and a mustache.

Thanks to Frédéric-Henri Manhès (a colleague from Pierre Cot’s cabinet under the Front populaire), who enjoyed a good relationship with the Cagnes-sur-Mer Commissioner of Police, Jean Moulin obtained, from the deputy-prefect of Grasse, a passport under the name of Joseph Mercier. The application shows a shrewdness that was vital for obtaining credible false papers: M. Mercier was declared a professor the International Institute of New York in order to justify leaving the country; the glasses and mustache were designed to make the well-known face of Jean Moulin unrecognizable, as he had been banned from leaving the country since December 2nd 1940; the date of his birth was advanced from June 20th 1899 to July 20th 1896; his birth place was changed to Peronne, one of the villages in northern France where combat had led to a fire in the civilian records office.


Jean-Louis Panicacci

Traduction : Gabrielle Ciceri

 

 

Contexte historique

Jean Moulin avait pris des contacts avec les pionniers de la Résistance en zone Sud et souhaitait gagner Londres afin de rencontrer le général de Gaulle et lui exposer la situation des mouvements existant alors. Il exploita l’opportunité de la présence de son ami Manhès (rencontré le 6 janvier 1941 à Cagnes-sur-Mer où il s’était retiré et qui deviendra son bras droit en zone Nord en 1943) afin d’obtenir le viatique lui permettant de partir pour Lisbonne (tête de ligne des paquebots neutres pouvant franchir l’Atlantique) le 9 septembre 1941 après avoir obtenu ses visas espagnol et portugais le 19 août, puis, après avoir rencontré le personnel diplomatique britannique le 12 septembre, de parvenir en Grande-Bretagne le 19 octobre par hydravion, rencontrant le chef de la France Libre cinq jours plus tard. Le général lui confia deux missions : obtenir la coordination des mouvements Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud ; les inféoder à Londres, d’où son parachutage dans les Alpilles dans la nuit du 1er au 2 janvier 1942.


Jean Moulin had made contacts with the pioneers of the Resistance and wanted to visit London in order to meet General de Gaulle and shed light on the existing Resistance movements. He took advantage of the presence of his friend Manhès (met on January 6th 1941 in Cagnes-sur-Mer where he had retired and who would become his right hand in the North Zone in 1943) with an eye to receiving a stipend to travel to Lisbon (neutral freighters could cross the Atlantic). On September 9th 1941 after securing his Spanish and Portuguese visas on August 9th, and after meeting the British diplomatic staff on September 12th, he reached Great Britain on October 19th by way of hydroplane and met with the leader of France Libre five days later. The General gave him two missions: orchestrate the coordination of the Combat, Franc-Tireur and Libération-Sud movements; and be representative and liaison for London. He left the city and parachuted in the Alpilles on the night of January 1st-2nd 1942. 


Auteur : Jean-Louis Panicacci

Sources : Daniel Cordier, La République des catacombes, Paris, Gallimard, 1999

Jean-Louis Panicacci (dir.), La Résistance azuréenne, Nice, Serre, 1994.

Traduction : Gabrielle Ciceri