Journal Défense de la France, n°6
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°6.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Format 23 x 27 cm. Ce numéro se compose de 4 pages (2 feuillets recto et verso). Le papier jaunâtre, acheté au marché noir, est de médiocre qualité.<
Date document : Rédigée fin décembre 1941
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
Comme les deux derniers, ce journal ne mentionne ni numéro, ni date. Cependant, l’allusion faite, dès le début du premier article, à une décision des autorités d’occupation prise le 14 décembre, nous permet de penser que cette édition fut publiée aux alentours de la fin décembre 1941. Il est tiré à près de 5000 exemplaires.
Ce 6e numéro de Défense de la France porte en exergue le psaume 94 : « Ils égorgent la veuve et l’étranger. Ils massacrent les innocents ». C’est, pour les rédacteurs, une nouvelle occasion d’appeler les Français à réagir face à la barbarie nazie. En outre, ils manifestent leur profond attachement à des valeurs humaines et chrétiennes qui leur interdisent de recourir au crime.
« Profondément croyant, Philippe Viannay ne peut admettre que tout soit permis et doit, au nom de ses valeurs, écarter le meurtre de son répertoire. En ce sens, les formes d’action qu’il propose restent bel et bien tributaires d’une idéologie. » (3)
Six articles sont proposés dans ce journal :
- Le premier signé « Indomitus » est intitulé « Justice ! Justice ! ».
- Le second, signé N… est une « lettre d’un catholique à son éminence le cardinal Baudrillart » dans laquelle l’auteur manifeste, au nom de toutes les générations d’élèves qu’il a formées, sa douleur et son incompréhension face au retournement de cet « ancien maître » dont la parole renie, à présent, sa pensée d’autrefois. Recteur de l’Institut catholique de Paris, il devient rapidement le plus collaborateur des prélats français.
- Sous la plume du « Graisseur de Wagons », Défense de la France revient une nouvelle fois sur « Le pillage de la France » exercé par les Allemands. Les informations données sont fournies et de qualité. Défense de la France bénéficie, de fait, d’informateurs qualifiés par le biais notamment de Marcel Lebon et Paul Ranchon qui disposent de statistiques gouvernementales et les transmettent à Défense de la France.
- Dans son article intitulé « A Saint-Florentin », l’auteur anonyme, sans doute Philippe Viannay dont le maréchalisme est connu de tous, revient de nouveau sur la foi en Pétain qui, « contrairement à son entourage, […] ne recherche que les intérêts de la France ».
- En proposant des extraits d’un discours du Führer, Défense de la France dénonce dans son 5ème article « Les propos du fou » qui entend bien « procéder à une révision historique d’une ampleur unique ».
- Ce numéro s’achève sur une « Histoire désobligeante » qui relate une perquisition de la Gestapo dans l’Oflag X…
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A cette époque, l’impression du journal se fait de nuit, sur la Rotaprint, dans les caves de la Sorbonne. L’entreprise est encore très artisanale, la petite équipe, aux effectifs encore réduits, gère en totale autonomie cette entreprise dont le chef, Philippe Viannay, souhaite conserver une totale indépendance. « A trois et bientôt quatre puis cinq, ils s’occupent de tout : transporter du papier, aller chercher de l’encre, installer la machine, imprimer, faire sécher les pages, mettre les journaux en paquet et les donner à ceux qui allaient les diffuser. » (1)
Ces premiers mois, l’impression, longue et difficile, est faite par Philippe Viannay. Il est alors le seul à connaître le fonctionnement de la machine et délègue difficilement.
« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (2)
Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich.
Sources : (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (2) Olivier Wieviorka Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (3) Ibid.
Like the two previous issues, this newspaper carries neither an issue number nor a date. However, from the beginning of the first article, this issue alludes to a decision made by the authorities of the occupation on December 14, which leads us to believe that it was published around the end of December 1941. Approximately 5000 copies were printed.
This sixth issue of Défense de la France bears an excerpt from Psalm 94: « they slit the throats of the widow and the stranger. They massacre the innocent ». For the writers, this was a new way of calling on the French to act out against the Nazi barbarism. In addition, they manifested their strong attachment to humanitarian and Christian values, which forbid one to run from the scene of a crime. « Deeply faithful, Philippe Viannay could only admit that everything was permissible and right, on behalf of his values, removing murder from his repertoire. In this sense, the actions that he proposed remained truly dependent upon an ideology. » (3
Six articles were put forth in this newspaper:
- The first, signed « Indomitus » was entitled « Justice! Justice! ».
- The second, signed N..., is a « letter from a Catholic to His Eminence, Cardinal Baudrillart » in which the author, on behalf of all of the generations of students that he educated, expressed his pain and his incomprehension of this « former master »'s present reversal of his past opinions.
- Under the pen of « Graisseur de Wagons » (the Cars' Grease-gun), Défense de la France returned once again to the theme of the « pillaging of France » by the Germans. The information given was extensive and quality. Défense de la France benefited from qualified informers, most notably through Marcel Lebon and Paul Ranchon who had access to government statistics and transmitted them to Défense de la France.
- In his article entitled « To Saint-Florentin », the anonymous author, most likely Philippe Viannay, whose support of the Marshall Pétain was well-known, returned again to his faith in Pétain, who « as opposed to his entourage, [...] looked to do only the best for France ». - Along with excerpts from one of the Führer's speeches, in its fifth article, Défense de la France denounced « the crazy ideas » intending to « pursue a revision of history to a singular extent. »
- This issue finishes with a « Disagreeable Story » that relates the Gestapo's search in l'Oflag X...
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At this time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne in Paris. The operation was still very artisanal, and the small team, workforce already diminished, managed to remain autonomous. The leader, Philippe Viannay, wanted to conserve this total independence. « At three, soon four, then five, they did everything: transportation of papers, finding ink, setting up the machine, printing, drying the pages, packaging the papers, and giving them to those who would diffuse them ». (2)
During these first months, the printing, which was long and difficult, was done by Philippe Viannay. He was the only one who knew how to operate the machine, and had a hard time delegating responsibilities. « The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (3)
In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.
Source: (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Ibid.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
L’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe. Malgré l’entrée en guerre des Etats-Unis depuis l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l’ennemi gagne du terrain. Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 1941 n’incitent guère à l’optimisme. De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique.
« Les années 1941-1942 sont des années très longues, très lourdes ». L’espoir d’une victoire rapide en 1940 est déjà loin et au fur et à mesure que les mois passent la guerre tisse sa toile. Elle s’étend et s’enracine partout.
En France, la répression allemande à l’encontre des résistants, des Juifs et des civils est de plus en plus violente, notamment depuis le décret Nacht und Nebel promulgué les 7 et 12 décembre 1941.
Pourtant, peu à peu, le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. La rigueur d’un hiver qui s’éternise ne fait qu’accentuer cette morosité.
Toutefois, dans ce contexte de plus en plus difficile, la Résistance intérieure et extérieure s’organise progressivement.
Sources : Clarisse Feletin, « Hélène Viannay, l’instinct de Résistance de l’Occupation à l'école des Glénans », édition Pascal, 2004.
The evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. Despite the United States having entered the war following the Japanese attack on Pearl Harbor on December 7, 1941, the enemy was gaining ground. The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism. For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific.
« The years of 1941 to 1942 were very long, very difficult ». The hope of a rapid victory in 1940 had already long dissipated. As the months dragged on, the war wove a web of ever greater complexity, ensnaring more and more of the continent in its fatal trap.
In France, the German repression of resistants, of Jews, and of civilians became more and more violent, notably since the Nacht und Nebel decree promulgated the 7th and 12th of December, 1941.
Little by little, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing, the daily restrictions that were inflicted by a German occupation growing heavier and heavier, as the rigor of a winter that dragged on for months only accentuated this gloom. However, in this context that was becoming more and more difficult, the Resistance, both inside France and overseas, continued to organize.
Source: Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi