Journal Défense de la France, n°16, 10 mai 1942
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°16, May 10, 1942.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Numéro édité sur un seul feuillet dans le format 21 x 31 cm, au recto et au verso. Le papier jaunâtre, acheté au marché noir, est de médiocre qualit&
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
Cette 16e publication de Défense de la France datée du 10 mai 1942 est imprimée sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès le printemps 1941. A cette époque le tirage s’élève à environ 10 000 exemplaires. Malgré de « redoutables problèmes d’approvisionnement en encre et en papier notamment », il se maintient et tend à augmenter au fil du temps.
Il porte en exergue la mention « Ni nazisme, ni communisme, Français ».
Cette courte édition, présente aux lecteurs « un document sur l’économie allemande », « destiné à montrer la fragilité de la prospérité et de la victoire allemandes ». (1)
Dans cet unique article, non signé, sont abordés les thèmes économiques suivants : le « charbon », le problème de « la main d’œuvre », « l’énergie », « l’alimentation », « les transports », « les chaussures » et, pour conclure, Défense de la France évoque « le mirage russe ».
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Aux mois d’avril et mai 1942, suite à une fausse alerte, Défense de la France décide de quitter les caves de la Sorbonne (Paris), où s’effectue depuis la fin du mois d’août 1941 l’impression, et s’installe dans le logement du professeur Alphonse Dain, situé rue de Dantzig dans le 15ème arrondissement de Paris. C’est le cinquième déménagement de la Rotaprint qui, de format réduit, se transporte aisément lorque la sécurité l’exige.
Inconfortablement installée dans la salle de bain du professeur, l’impression ne se fait pas bien. « On faisait beaucoup de ratés que l’on déchiquetait en petits morceaux pour les brûler dans la cheminée du salon. Le professeur Dain nous avait demandé de ne pas envahir complètement son appartement et de nous cantonner à la salle de bain ! Alors c’était un peu délicat », raconte Hélène Viannay. (2)
Depuis le mois de février 1942, l’imprimeur Grou-Radenez offre son concours au mouvement et lui permet ainisi de sortir très progressivement de sa phase artisanale en passant « de l’offset au stade professionnel ».
« Outre la fourniture du matériel, ce professionnel promet de dépanner Défense de la France pour l’impression de certains documents » (3), de mettre en relation le mouvement avec des photograveurs et des techniciens et, surtout, de former, les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et notamment à l’ensemble des règles de la typographie.
Parmi eux Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement. Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, rue du Montparnasse (Paris).
Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.
« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support. […] Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (4)
Cette préprofessionalisation du mouvement s’accompagne d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue en une organisation nationale et élargit par ailleurs le champ de son action. » (5)
« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (6)
Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich.
Sources : (1) Marie Granet, Le journal Défense de la France, Presses universitaires de France, 1961. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (3) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (4) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (5) Olivier Wieviorka, Op.cit. (6) Ibid.
This newspaper is the sixteenth issue of the Défense de la France movement. It is dated May, 10 1942 and was printed on the Rotaprint acquired by the movement in the Spring of 1941. At the time, around 10,000 copies of this issue were printed. Despite the «formidable problems of ink and paper supplies», the printing was maintained, and over time, even augmented.
It bears the inscription: «Neither Nazism, nor Communism, but French».
This short publication presents its readers « a document on the German economy», «destined to show the fragility of their prosperity and of the German victory» (1). In this sole, unsigned article, the following economic themes are discussed: coal, the problem of manual labor, energy, food production, transportation, shoes, and to conclude, Défense de la France evokes the «Russian mirage».
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In the months of April and May 1942, following a false alarm, Défense de la France decided to leave the basement of the Sorbonne, which had been their base since the end of August 1941. The movement decided to move to the home of Professor Alphonse Dain, on Rue de Dantzig in the 15th Arrondissement in Paris.
In fourteen months, the Rotaprint thus came to know its fifth move. In a reduced format, this printing press moved easily when security demanded. Uncomfortably set up in the Professor's bathroom, the printing was not well done. « We made a lot of mistakes that we shred into tiny pieces to burn in the fireplace in the main room. Professor Dain asked us not to completely invade his apartment and to station ourselves in the bathroom! It was kind of a delicate situation » recounted Hélène Viannay. (2)
Since February 1942, this professional offered his support to Défense de la France, and allowed it to pass from an entirely artisanal operation to « formatting the paper on a professional stage [...]. » « In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents » (3). This created a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography.
Among them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement. From then on, the movement operated out of a workshop at 41, Rue du Montparnasse in Paris. These apprenticeships at the printers help the young pioneers, on the whole, to learn on the job. «Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compels us to leave our little ghetto.» (4)
This pre-professionalism of the movement was accompanied by a desire to expand. «From Parisian, it transformed into a national organization and extended the reach of their action.» (5)
«The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: «Indomitus» for Viannay, «Robert Tenaille» for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, «Maître Jacques», or Alphonse Dain «Francin, Klein, Pelletier». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper». (6)
In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.
Source: (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, l'instinct de résistance de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit. (5) Ibid. (6) Clarisse Feletin, Op.cit.
Traduction: Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
L’année 1942 est une année charnière dans l'évolution du conflit devenu mondial.
Les forces de l'Axe sont à leur apogée : en Europe, le Reich contrôle la majorité des territoires et n'a subi aucune défaite mise à part la « non-victoire » face à l'Angleterre. En Afrique du Nord, il ne manque que l'Egypte à l'Afrika Korps. Dans le Pacifique, le Japon contrôle la majorité des îles.
Mais à partir du printemps 1942, le cours de la guerre change ; les Alliés, Américains, Britanniques et Soviétiques se rencontrent plusieurs fois depuis le début de l’année pour mettre en place une stratégie commune.
Les Etats-Unis, qui mettent toute leur puissance industrielle au service de la guerre depuis l’attaque de Pearl Harbor sont bientôt en mesure de porter des coups et de relancer la reconquête de l'océan Pacifique, île par île.
Partout, les différents fronts se bloquent et les forces de l'Axe stoppent leur avancée. les Allemands relancent progressivement leur offensive vers l’est, en direction de la Volga et des pétroles du Caucase. Mais leurs troupes subissent de lourdes pertes et restent bloquées devant Stalingrad.
En Afrique du Nord, les Britanniques reprennent peu à peu l’initiative et commencent à repousser Rommel et l'Afrika Korps vers l’ouest.
En France le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. L’impopularité de Pierre Laval, devenu chef du gouvernement le 18 avril, l’augmentation de la repression qui se traduit par des rafles et des persécussions multiples, favorisent le rejet de la collaboration et font de 1942 un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours des six premiers mois de 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
En ce printemps 1942, c’est « l’époque de l’apparition des grands mouvements de résistance ».
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
The year of 1942 was a pivotal year in the evolution of the war, as it began to become global. The Axis forces were at their peak: in Europe, the Reich controlled a majority of the territories and was subjected to no defeats apart from the «non-victory» against England.
In North Africa, the Afrika Korps controlled all but Egypt. In the Pacific, Japan controlled a majority of the islands.
But starting in the Spring of 1942, the war began to change; the Allies, Americans, British, and Soviets had met several times since the beginning of the year to establish a common strategy. The United States, who had put all of their industrial strength behind the war effort following the attack on Pearl Harbor, were soon in a position to deal blows and to undertake the reconquest of the Pacific Ocean island by island.
Everywhere, the different forces retreated as the Axis stopped the advance. In the East, the Germans launched a counter-offensive toward the Volga and the oil reserves in Caucasia. However, their forces fell victim to heavy losses and they were blocked by the Russians before Stalingrad.
In North Africa, the British began to retake initiative, little by little, dispelling Rommel and the Afrika Korps toward the west.
In France, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation that were growing heavier and heavier. The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.
In Spring 1942, it was «the time of the appearance of the great movements of the Resistance».
Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
© Archives nationales, fonds Défense de la France (don Jean-Marie Delabre) - droits réservés.