Journal Défense de la France, n°23, 1er décembre 1942
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°23, December 1, 1942.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Numéro imprimé recto-verso sur un seul feuillet dans le format 21 x 31 cm. Le papier jaunâtre, acheté au marché noir, est de médiocre qualité.
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
Ce 23e journal de Défense de la France est daté du 1er décembre 1942 et imprimé, comme les précédents, sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès le printemps 1941.
Malgré de « redoutables problèmes d’approvisionnement en encre et en papier notamment », le tirage passe de 10 000 à 30 000 exemplaires en cette fin d’année 1942.
La périodicité du journal est, depuis la première édition, presque bimensuelle. Défense de la France a réalisé l’un de ses objectifs : « une publication à la régularité satisfaisante » (1).
Ce journal porte, de nouveau, en exergue la formule « Ni Allemands, ni Russes, ni Anglais ». Défense de la France demeure méfiant à l’égard de toute intervention étrangère rappelant que la « libération ne doit pas être seulement l’œuvre des Alliés ». Cette indication perdure jusqu’à l’édition du 1er janvier 1943.
Dans ce numéro, Défense de la France traite trois principaux sujets :
- Le journal s’ouvre sur une question adressée aux Français : « Que va faire la France ? » Dans son article, « Indomitus » réagit à la précipitation des derniers événements internationaux et nationaux survenus à la fin du mois de novembre. Le débarquement allié en Afrique du Nord, l’occupation allemande de la zone Sud, le sabordage de la flotte à Toulon et les « combinaisons » du chef du gouvernement bouleversent radicalement la face du conflit.
- Pour Défense de la France une seule consigne prévaut : « se faire une mentalité de combattant » et « tout sacrifier à la France ». Bien qu’il ait finalement abandonné, à cette époque, le mythe d’un Pétain résistant, Philippe Viannay conserve dans son discours une certaine nostalgie à l’égard du Maréchal et se dit « prêt à obéir à ce qu’il ordonnera ».
- Parmi ces événements, le sabordage de la flotte française à Toulon est largement commenté par Défense de la France. Le journal rend hommage aux « marins de France » tandis qu’il « accuse avec la dernière violence les criminels de ce désastre » en la personne de l’amiral Darlan.
- Le troisième et principal article est consacré à « la situation militaire ». Robert Salmon, dresse un état des lieux des « Effectifs », des « Bombardements », de « La production de guerre », et de la « Stratégie ».
- Défense de la France publie également deux brèves : l’une présente rapidement la situation de « l’Empire hitlérien » de plus en plus fragilisé sur ses différents fronts ; l’autre dénonce la traîtrise et la folie de M. Constantini, publiciste utilisé par les Allemands.
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Depuis la fin du mois de septembre, Défense de la France ne se sent plus en sécurité dans les caves de la Sorbonne et décide d’installer son imprimerie dans un appartement la rue Gazan loué par Jean Mennerat et Marguerite-Marie Houdy, militants du réseau.
Ce changement de lieu marque une étape importante dans le développement du journal. Défense de la France installe « une imprimerie qui fut une des plus belles réalisations techniques de Défense de la France ». Cet appartement, loué par Jean Mennerat et Margueritte-Marie Houdy, est « complètement transformé de façon à devenir totalement insonorisé à l’aide de revêtements en liège nécessitant tout un travail d’architecture réalisé par Mennerat, Philippe et Hélène Viannay. Cette insonorisation nécessita 27 m2 de liège. » (2)
Par ailleurs, le soutien apporté au mouvement par Jacques Grou-Radenez depuis le mois de février, contribue très largement à cette expansion de Défense de la France en lui permettant de sortir progressivement de sa phase artisanale.
« Outre la fourniture du matériel, ce professionnel dépanne DF pour l’impression de certains documents. » (3). De plus, il met en relation le mouvement avec des photograveurs et des techniciens qui n’hésitent pas à former les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et à l’ensemble des règles de la typographie.
Parmi eux, Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement. Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, de la rue du Montparnasse (Paris).
Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.
« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support. […] Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (4)
Cette préprofessionalisation du mouvement s’accompagne d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue, en une organisation nationale et élargit par ailleurs le champ de son action. » (5)
Nul doute, en cette fin d’année 1942, Défense de la France entre dans une seconde phase.
L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance. La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal.
Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin de ne pas trahir leur citoyenneté.
Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers.
Sources : (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (2) Extrait d’un « Exposé synthétique de ce que fut le mouvement Défense de la France », document non daté. Mais la nature de ce document d’archive nous permet de situer sa rédaction dans les années 1945-1950, collection Jean-Marie Delabre. (3) Olivier Wieviorka, Op.cit. (4) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (5) Olivier Wieviorka, Op.cit.
This 23rd issue of Défense de la France is dated December 1, 1942 and was printed on the Rotaprint, which was acquired by the movement in the Spring of 1941.
Despite the « formidable problems of ink and paper supplies », the printing passed from 10,000 to 30,000 copies by the end of 1942.
The frequency of the newspaper had been, since the first publication, almost biweekly. Thus Défense de la France had realized one of its objectives: to be « a publication with satisfying regularity ». (1)
The motto, « Neither Germans, nor Russians, nor English » is, once again, inscribed across the top of the newspaper. Défense de la France remained untrusting of foreign intervention, reminding its readers that « liberation must not solely be the work of the Allies ». This opinion would endure until their publication on January 1, 1943.
This publication is composed of three articles:
- The paper opens with a question directed to the French people: « What is France going to do? » In his article, « Indomitus » reacts to the precipitation of the most recent events on both the national and international stages occurring at the end of the month of November. The Allied landing in North Africa, the German occupation of thee Southern Zone, the sinking of the fleet at Toulon, and the « combinations » of the head of state overwhelmed the population in the face of the conflict.
- For Défense de la France, one sole order prevailed: « to create the mentality of a combatant » and « to sacrifice everything for France ». Though he had finally abandoned the myth of Pétain in resistance, in his discourse, Philippe Viannay conserved certain nostalgia in regards to the Marshall, declaring himself « ready to obey his commands ».
- Among the most recent events, the sinking of the fleet at Toulon received the most attention from the Défense de la France. The paper paid homage to the « French marines » while « forcefully accusing the criminals of this disaster »: Admiral Darlan.
- The third, and principal, article was devoted to the « military situation ». Robert Salmon addressed the topics of « real strength, bombardments, war production, and strategy ».
- Défense de la France also published two short news bulletins: the first presented the status of the « Hitlerian Empire » growing more and more fragile on its different fronts; the second denounced the betrayal and the stupidity of Monsieur Constantini, the publicist used by the Germans.
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Since the end of September, Défense de la France no longer felt safe in the basement of the Sorbonne, deciding to install its printing press in an apartment rented by two members of the movement, Jean Mennerat and Marguerite-Marie Houdy, on Rue Gazan. This change of location marked an important step in the development of the newspaper.
Défense de la France set up « a printing press that was one of the most beautiful technical achievements of the movement ». This apartment, rented by Jean Menneret and Margueritte-Marie Houdy, was « made completely soundproof using cork covering and made possible by serious architectural work by Mennerat, Philippe and Hélène Viannay. This soundproofing required 27 m² of cork. » (2)
Since February 1942, the professional printer, Grou-Radenez, offered his support to Défense de la France, and contributing greatly toward its professionalization.
« In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents » (3).
This created a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography.
mong them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement. From then on, the movement operated out of a workshop at 41, Rue du Montparnasse in Paris.
These apprenticeships at the printers helped the young pioneers, on the whole, to learn on the job. « Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compels us to leave our little ghetto. » (4)
This pre-professionalism of the movement was accompanied by a desire to expand. « It transformed from a Parisian into a national organization and extended the reach of their action. » (5)
Without a doubt, at the end of 1942, Défense de la France was entering a second phase.
The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.
While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French so as to not betray their citizenry.
Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles.
Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Exposé synthétique de ce que fut le mouvement « Défense de la France » collection de JM Delabre. (3) Olivier Wieviorka, Op.cit. (4) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (7) Olivier Wieviorka, Op.cit.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
La fin de l’année 1942 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Amorcé depuis le printemps, ce changement résulte, notamment de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.
Le débarquement allié en Afrique du Nord survenu le 8 novembre change progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan national comme sur le plan international. Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.
En France, le maréchal Pétain perd définitivement en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante, devenue totale depuis le 11 novembre.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution de la relève le 22 juillet 1942 favorisent le rejet de la collaboration et font de 1942 un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942 de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit lui impose une véritable mutation. Cantonnée jusqu’à présent à une simple protestation symbolique sans réelle incidence pratique, la Résistance va s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir.
En outre, l’action entreprise par Jean Moulin, délégué du général de Gaulle, depuis le début de l’année, permet aux dirigeants des principales organisations de résistance de travailler progressivement à un processus d’unification de leurs forces.
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
The year of 1942 was a pivotal year in the evolution of the war, as it began to become global. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.
The Allied landing in North Africa that occurred on November 8, progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.
In France, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation that were growing heavier and heavier hid bottom on November 11.
The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.
The evolution of the conflict caused a real mutation in the Resistance. Having been previously confined to a simple, symbolic protestation, the Resistance was to soon gain influence and adapt to the coming events.
Thanks to the actions undertaken by Jean Moulin, delegate of General de Gaulle, the principle organizations of the Resistance began to work toward the unification of their forces.
Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi