Journal Défense de la France, n°31, 20 avril 1943
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°31, April 20, 1943.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/ Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Format 23 x 31 cm. Le papier, acheté au marché noir, demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
L’impression de ce 31e numéro est vraisemblablement confiée à l’imprimeur Grou-Radenez. Contrairement au tirage des autres numéros, en forte croissance depuis le début de l’année 1943, ce journal n’est tiré quà 30 000 exemplaires.
Ce journal se découpe en neuf articles et diverses rubriques :
- « Indomitus » consacre son premier article au « sens de la Résistance française » qui « a tout surmonté… même la lâcheté et la veulerie, la délation et la trahison de ceux qui déshonorent leur nom de Français ». Philippe Viannay souligne qu’elle « est en marche vers la victoire ». Il souhaite que « la France et le monde connaissent la signification profonde de ce fait considérable que représente la Résistance française ».
- Dans son deuxième article, « Paix aux morts », Défense de la France adresse « ses condoléances les plus sincères » aux familles des victimes du bombardement du 4 avril.
- La revue de la presse proposée par « Scrutator », Jean-William Lapierre présente, d’une part, des extraits de la presse et des radios allemandes dénonçant ainsi le collaborationnisme des journalistes et écrivains, Brasillach, Luchaire et Crouzet, et, d’autre part, des passages de journaux clandestins exprimant ainsi son engagement dans le processus d’unification des mouvements de la Résistance.
- « Le comité de propagande » du mouvement adresse aux lecteurs un « avis important » dans lequel il appelle les Français à « recréer l’unité et à chasser l’ennemi du territoire » et leur apporte la certitude qu’ils ne sont pas « seuls dans la Résistance. »
- Dans son cinquième article Défense de la France présente un extrait d’un texte du général de Gaulle dans lequel il réaffirme l’engagement de la France combattante auprès des Alliés mené afin de « recouvrer son indépendance, sa souveraineté, sa grandeur ». La retranscription de ces « Paroles de chef » illustre parfaitement le soutien de Défense de la France au général de Gaulle, à l’égard duquel il affiche désormais une loyauté sans faille.
- Le journal présente ensuite un décret de La Convention nationale daté du 7 sptembre 1793 concernant les Français déclarés « traîtres à la Patrie ».
- Le septième article est la retranscription d’une « lettre de M. Michel Clémenceau au Président Laval ».
- Dans son avant dernier article, Défense de la France réagit à la traîtrise de Mme Elichabe, Directrice du lycée Fénelon, qui « renvoya du lycée » une de ses élèves distribuant des tracts.
- Le journal s’achève sur une mise en garde destinée aux « policiers et inspecteurs » coutumiers de la délation. Défense de la France leur promet à ces « mouchards » et à ces « délateurs » une épuration au fer rouge. Dans la continuité du précédent article, le mouvement manifeste, une fois de plus, son indignation à l'égard des individus qui entravent son action.
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A cette époque, Défense de la France finalise ses installations professionnelles engagées en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métiers – Jacques Grou-Radenez et Alain Radiguer avant tout – qui permettent au mouvement d’acquérir des machines professionnelles, du matériel divers mais aussi et surtout le savoir-faire.
Par l’intermédiaire du premier, Défense de la France se dote en avril 1943 d’une Teisch, une presse fort puissante qui augmente considérablement le tirage du journal. Dès lors, la Rotaprint, utilisée depuis le printemps 1941, est définitivement mise de côté.
Contrairement à cette dernière, la nouvelle machine pèse plus d’un tonne et ne peut se transporter aisément. « Le mouvement recherche donc des emplacements sûrs afin d’éviter des déménagements complexes à réaliser. […] La Teisch est ainsi initialement abritée dans un garage situé rue de Sèvres avant d’être installée, en juillet 1943, dans les établissements Larbordière à Aubervilliers. […] Hormis les heures de tirage, la machine, placée dans le local des expéditions, est recouverte d’une énorme caisse que manœuvre un système de poulie. Ce camouflage soustrait la Teisch au regard indiscret des Allemands qui exploitent cette usine. » (1)
Afin de pallier la désorganisation qu’impliquent ces dernierss aménagements, Grou-Radenez prend à sa charge l’impression de cette 31ème édition et assure ainsi la transition, ce qui explique certainement la réduction très ponctuelle de ce tirage.
Très vite, l’acquisition de ce matériel renforce l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. « Surtout, ces presses améliorent la présentation du journal tout en accroissant la vitesse d’impression. » (2)
L’accroissement des effectifs permet l’extension de la diffusion et impose donc une augmentation des tirages qui confirment le succès de la professionnalisation.
L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance. La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement.
C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal. Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi. »
Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers.
De même, l’instauration du STO le 16 février 1943 permet au mouvement de fournir des mots d’ordre clairs appelant les jeunes Français à la désertion. Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées, passent au second plan. En outre, « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » (3)
La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat.» (4)
Sources : (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, édition du Seuil, 1995. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Ibid.
This is the 31st issue of the underground newspaper, Défense de la France. It seems likely that the printing of this issue was limited to Grou-Radenez's personal printer, as only 30,000 copies were made rather than the figure of 120,000 that other issues at this time were achieving.
This issue is made up of nine articles and several sections:
- « Indomitus » dedicated the first article to « the Meaning of the French Resistance » who « have overcome everything ... from cowardice and spinelessness to informants and betrayals by those who dishonor the name of France ». Philippe Viannay insisted that the Resistance was « on its way to victory ». His hope was that « France and the rest of the world would know the profound significance of this fact to the French Resistance ».
- In the second article, « Peace to the Dead », Défense de la France gave « its sincerest condolences » to the families of the victims of the April 4th bombardment.
- In the press review presented by « Scrutator », Jean-William Lapierre shared excerpts of German press and radio broadcasts denouncing the collaboration of journalists and writers – Brasillach, Luchaire, and Cruzet. Lapierre also presented passages from other underground newspapers that showed their involvement in the process of unifying the various Resistance movements.
- The movement's « propaganda committee » shared an « important notice » in which they called the French to « reunite and chase the enemy from their country » and they brought the certainty that they were not « alone in the Resistance ».
- In the fifth article, Défense de la France presented an excerpt from a text by General de Gaulle in which he reaffirmed the French commitment to battle alongside the Allies so as to « recover their independence, their sovereignty, their greatness ». The retranscription of these « Paroles de Chef » (Words of a Leader) perfectly illustrates the DF's support of General de Gaulle, to whom they would remain loyal until the end.
- Next, the newspaper shared a decree by the National Convention dated September 7, 1793 concerning the French that were condemned as « traitors to the motherland».
- The seventh article is a retranscription of a « letter from M. Michel Clémenceau to President Laval ».
- In their final article, Défense de la France reacts to the betrayal of Madame Elichabe, the Director of Fénelon High School, who expelled a student for distributing pamphlets.
- The newspaper finished with a warning to « policemen and inspectors », the customary informers. Défense de la France promised these « sneaks » and these « informers » a branding.
Throughout the preceding article, the movement once again expressed its indignation at those who hinder action.
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At this time, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.
Through Grou-Radenez, the movement managed to equip itself with a Teisch printer in April 1943. The Teisch machine was a powerful printer than enabled the group to considerably augment its printing quantities.
From this point on, the Rotaprint, which had been used since the Spring of 1941, was set aside. Unlike its predecessor, this new machine weighed more than a ton and could not be easily transported.
« Therefore, the movement looked for a site where they could avoid the nearly impossible task of having to move the machine. [...] The Teisch was thus initially sheltered in a garage on Rue de Sèvres until it was installed in the premises of Labordière in Aubervilliers. [...] Save for the hours of printing, the machine was hidden in the shipping department, covered in a giant box that was maneuvered with a system of pulleys. This camouflage protected the Teisch from the Germans that used the factory ». (1)
To compensate for the disorganization resulting from these movements, Grou-Radenez took charge of the printing of the 31st issue, thus assuring the transition, which certainly explained the reduction in copies being printed.
The acquisition of these materials quickly made the assistance of the professional printers unnecessary, also greatly reinforcing the independence of the movement.
« This printing press improved the presentation of the newspaper all while increasing the rate of production ». (2)
An increase in membership allowed the movement to extend its diffusion and print more copies, confirming the success of the professionalization.
The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations.
Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.
While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy ».
Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles.
At the same time, the Service du Travail Obligatoire (STO) was established on February 16, 1943, which forced young French men to be deported to Germany to work and aid the war effort, as Germany's labor force was weakened by the need of more troops.
The establishment of the STO gave Défense de la France the opportunity to provide clear orders calling the young French to desert.
In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat.
Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » (3) The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ». (4)
Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Ibid.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmnauelle Benassi
Contexte historique
Le début de l’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment, de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.
Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre.
Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande. Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.
En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre sur l’ensemble du territoire.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du traval obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation.
Elle s’organise grâce notamment à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces dans le cadre du Conseil national de la Résistance, créé en février.
1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.
From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November.
These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.
In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that grew stronger and stronger since November 11.
The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.
The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification through the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), created in February.
1943 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory. Source:
Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmnauelle Benassi