Journal Défense de la France, n°41, 11 novembre 1943
Légende :
Newspaper "Défense de la France", n°41, November 11, 1943.
Genre : Image
Type : Presse clandestine/Clandestine Press
Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés
Détails techniques :
Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 24 x 32 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien so
Lieu : France - Ile-de-France
Analyse média
41e journal publié par le mouvement Défense de la France imprimé sur des presses professionnelles.
Cette 41e édition se consacre presque exclusivement à la publication des plus grands textes gaulliens que vient illustrer une petite photographie des généraux Giraud et de Gaulle.
Le haut de la première page porte en exergue la mention de Charles de Gaulle : « Vaincre ! Il n’est pas d’autre voie... »
- Dans le premier article intitulé « 11 novembre. Fête des martyrs » « Indomitus » rend hommage à tous les « fils et filles de France qui ont souffert dans leur chair, dans leur cœur, pendant ces trois années ». Défense de la France veut « témoigner » afin que le monde entier sache ce qui a été commis sur la terre de France.
- La suite du journal propose des extraits de la presse allemande datés de 1918 puis des communiqués du GQG du Führer de septembre et octobre 1943 et du Dr. Goebbels de septembre 1943 également.
- Défense de la France propose ensuite une série d’extraits de textes gaulliens se rapportant aux « étapes vers la victoire et la rénovation » manifestant ainsi son effort de propagande en faveur du Rebelle.
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Au mois de novembre 1943, le mouvement est doté de deux machines : la Teisch et la Crafftmann. La première, acquise au mois d’avril, est installée depuis juillet dans les établissements Labordière à Aubervilliers. La seconde, une Crafftmann, offerte au mois d’octobre par leur ami Alain Radriguer, est abritée dans un lavoir désaffecté que tient madame Cumin, âgée de 84 ans.
Ces dernières acquisitions finalisent les installations professionnelles engagées en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métier – Jacques Grou-Radenez et Alain Radriguer avant tout – et renforcent l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. Ce nouvel équipement permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal (les compositions sont désormais irréprochables) et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression et donc d’augmenter le nombre de tirages.
En outre, Défense de la France décentralise ses imprimeries, notamment en zone sud, suite à un accord conclu entre Philippe Viannay et Claude Bourdet au mois d’octobre. Ce dernier « cherchait à me joindre pour faire participer Défense de la France à l’opération de regroupement qu’il tentait en zone nord, faisant suite à celle qui avait déjà été réalisée en zone sud avec les Mouvements unis de la Résistance (MUR) » se souvient Philippe Viannay. (1)
Défense de la France s’engage à imprimer et diffuser Combat en zone nord et à équiper ses imprimeries de Lyon d’une Crafftmann automatique et du matériel nécessaire, grâce à la générosité d’Alain Radiguer.
En retour, l’équipe de Bourdet, sous la houlette de Velin, prend en charge le tirage et la diffusion de Défense de la France pour la zone Sud.
Les deux rédactions « restent absolument indépendantes tout en réalisant, en commun, un pool d’informations et de photos ».
Cette décentralisation accroît considérablement le tirage du journal en cette fin d’année. Ce numéro est tiré à 250 000 exemplaires.
Ainsi, la dissémination des ateliers – composition, clicherie et imprimerie – la spécialisation des permanents, une efficace stratégie de diffusion et une organisation rigoureusement cloisonnée répondent aux exigences voulues par Philippe Viannay et assurent à Défense de la France une protection irréprochable.
Nul doute, l’année 1943 marque une étape importante ; le mouvement change de dimension et passe dans une organisation industrielle.
L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance. La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal. Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi ». Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers. De même, l’instauration du STO le 16 février 1943 permet au mouvement de fournir des mots d’ordre clairs appelant les jeunes Français à la désertion.
Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées, passent au second plan. En outre, « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » (3)
La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat. » (4)
Enfin, après une brève parenthèse giraudiste, le discours du journal affiche, sous l’influence de Jean-Daniel Jurgensen, une loyauté sans faille à l’égard du général de Gaulle qu’il considère, finalement, comme l’unique chef de la France combattante.
Sources : (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (2) Olivier Wieiviorka, Une certaine idée de la résistance, Défense de la France, 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (3) Ibid. (4) Ibid.
This 41st issue of Défense de la France was printed on official printing machines.
This issue is almost exclusively devoted to the publication of large texts: the top of the first page bears de Gaulle's motto: « Victory! There is no other option... ».
- In the first article, titled « November 11, Martyr's Day », « Indomitus » pays homage to all of those « sons and daughters of France who have suffered in flesh and in their hearts during the past three years ». Défense de la France wants to « bear witness » so that the entire world knows what atrocities were committed on French soil.
- The rest of the paper presented excerpts from the German press dated 1918 then communications from GQG from the Führer from September to October 1943 and from Dr. Goebbels in September 1943.
- In the third article, Défense de la France follows with a series of excerpts from Gaullist texts reporting the « steps toward victory and renovation », showing its propaganda efforts in favor of rebellion.
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In November 1943, the movement had two machines at its disposal: the Teisch machine that it had acquired in April, which had been installed in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers. The second, a Crafftmann, was given to the movement in October by their friend, Alain Radriguer, and was sheltered in an abandoned wash house owned by Madame Currin, an 84 year-old woman.
This new professional equipment allowed the movement to greatly increase its printing speed and augment the number of copies it could diffuse, which would increase continuously since the beginning of the year. At this point in time, the average printing reached approximately 150,000 copies.
At this time, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.
In addition, at this time, Défense de la France decentralized its printers in the Southern Zone following the conclusion of an agreement between Philippe Viannay and Claude Bourdet.
The latter « sought to contact me so that Défense de la France might participate in the unification operation in the Northern Zone, following the efforts already in place in the Southern Zone with the Mouvements unis de la Résistance (United Movements of the Resistance) » recalled Philippe Viannay. (1)
Défense de la France engaged in the printing and diffusion of Combat in the Northern Zone and in equipping the printing workshops in Lyon with a Crafftmann automatic press and the necessary materials, thanks to the help of Alain Radriguerf. In return, Bourdet's team, under the leadership of Velin, took over the printing and diffusion of Défense de la France in the Southern Zone. The two editions « would stay completely independent while realizing a pool of common information and photos ».
This decentralization considerably increased the printing of the newspaper at the end of 1943, as this issue achieved 250,000 copies. Thus the dispersal of the workshops – composition, template-making, and printing – allowed for a permanent specialization, an efficient strategy of diffusion, and a rigorous system of organization to respond to the demands of production from Philippe Viannay and to guarantee the movement's protection.
Undoubtedly, 1943 was an important year in the development of the movement, as it became an industrial organization. The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper.
While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy ».
Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles. At the same time, the Service du Travail Obligatoire (STO) was established on February 16, 1943, which forced young French men to be deported to Germany to work and aid the war effort, as Germany's labor force was weakened by the need of more troops.
The establishment of the STO gave Défense de la France the opportunity to provide clear orders calling the young French to desert. In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat.
Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » (3)
The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ». (4) Finally, after a brief Giraudist period, with the influence of Jean-Daniel Jurgensen, the newspaper exhibited an undaunting loyalty to de Gaulle, who it considered to be the sole leader of the French struggle.
Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de Résistance et l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (3) Olivier Wieviorka, Op.cit. (4) Ibid. (5) Ibid.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi
Contexte historique
L’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.
Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942. A l’été 1943, les Allemands ont définitivement perdus l’initiative sur le front de l’Est tandis que les forces de l’Axe capitulent en Italie. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre.
Les bombardiers alliés pilonnent sans relâche les centres industriels et les postes militaires stratégiques du Reich et des territoires occupés par la Wehrmacht.
Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande. Désormais, l’ensemble des forces alliées peut s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.
En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre sur l’ensemble du territoire.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du travail obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre.
L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation.
Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des "maquis" dans des zones peu habitées. L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.
Elle s’organise, en outre, grâce à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces. Ainsi se constituent, en janvier 1943, les Mouvements unis de Résistance (MUR) réunissant les trois principaux mouvements de zone sud, Combat, Libération et Franc-Tireur et le 27 mai se tient la première réunion du Conseil national de la Résistance, représentants des formations des mouvements de Résistance des deux zones.
1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.
Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.
The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.
From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942. In the summer of 1943, the Germans definitively lost their momentum on the Eastern Front, while the Axis forces capitulated in Italy. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November. The Allied bombardments relentless pounded the industrial centers and military posts of the Reich and the territories occupied by the Wehrmacht.
These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.
In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.
The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population.
The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.
The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events. Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.
The influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification.
Thus in January 1943, he created the United Movements of the resistance, united three principal movements in the Southern Zone – Combat, Libération, and Franc-Tireur. On May 27, he organized the first meeting of the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), which would represent the formation of movements across the two zones.
1943 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory.
Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Emmanuelle Benassi
Author: Emmanuelle Benassi