Faux tampon de la préfecture de la Drôme

Légende :

Tampon réalisé par Marcel Robert.

Genre : Image

Type : Photo

Source : © MRN Droits réservés

Détails techniques :

Tampon en liège

Date document : février 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

La vie clandestine des résistants les obligeait à changer d’identité, plusieurs fois pour certains, chaque fois que leur sécurité était en danger ou qu’ils soupçonnaient une dénonciation. Plusieurs résistants s’étaient spécialisés dans la fabrication des faux papiers. Il fallait que chaque clandestin soit muni d'un jeu complet de faux papiers, carte d'identité, permis de conduire, cartes de ravitaillement, etc. qu’imposait la bureaucratie vichyste.

Les techniques de fabrication étaient diverses, dépendaient des matériaux et des outils à disposition, de l’habileté des « faussaires ». 


Les réseaux résistants procurent des cartes vierges, des tampons de mairies, de préfectures, de commissariats, cartes d'alimentation, de textile, de tabac, confisqués par les maquis. Mais il faut souvent fabriquer de nombreux faux tampons.
Muni de tire-ligne avec lame de rasoir cassée en pointe, Marcel Robert fabrique des tampons de la Wermarcht, de commissariats, de préfectures, de mairies, suivant les nécessités. Des heures et des heures sont nécessaires à la confection des "outils" et des nombreux faux papiers. Il élabore des tampons de plus en plus complexes. Le matériel de faussaire, de plus en plus sophistiqué, exige deux valises pour le planquer. Seules les photos lui sont fournies !

Ici, le faux tampon a été réalisé par Marcel Robert sur du liège à l’aide d’un appareil de pyrogravure. C’est la reproduction d’un tampon de la préfecture de la Drôme.

Le matériel de faussaire de Marcel Robert a été déposé au Musée de la Résistance Nationale à Champigny-sur-Marne.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Marcel Robert a commencé son action de Résistance au lycée à Valence. En février 1944, il est dirigé sur Lyon où il s'occupe du service d'identité du Front national (FN).

Marcel Robert est né le 27 janvier 1924 à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme). En 1942, il est élève-maître au lycée Émile Loubet, à Valence-sur-Rhône, l’École normale ayant été supprimée. Il adhère à un réseau clandestin du Front national de la Résistance, Lucien Mazelier (gérant d'un garage à vélos) étant son responsable. Il collecte de l'argent auprès des lycéens ; une quinzaine d'entre eux cotisent régulièrement à la fin de l'année. 


En 1943, le groupe s'élargit. Le groupe FN, constitué au lycée, essaime au collège et au lycée technique de la ville. Il distribue des tracts dans l'établissement, dans les boîtes aux lettres, en reproduit au papier carbone. Il participe à la création d'un journal, Toujours, adressé aux lycéens valentinois dénonçant l'occupant et le gouvernement de Vichy ; Plantier, un surveillant, est dans l'équipe. En novembre il rédige un tract à l'intention des grands élèves tandis que, par l'intermédiaire de Lucien Mazelier, une liaison s'établit avec un maquis FTP (Franc-Tireur et partisan) de la Drôme méridionale.

Durant l'hiver 1943-1944, une information circule selon laquelle la classe 44 doit être dirigée vers le STO (Service du travail obligatoire). Marcel Robert est l'un des 14 lycéens qui, munis de faux papiers, rejoignent les FTP dans le sud de la Drôme, le 24 janvier 1944. Il est exclu du lycée. Les Écoles normales sont supprimées mais les élèves sont scolarisés dans les lycées. Marcel Robert perd donc sa qualité d’élève-maître (gratuité de la scolarité, prise en charge de l’ancienneté dès 16 ans…).

Il est 15 jours berger au pied de la Lance, puis il est dirigé sur Lyon où il est incorporé le 15 février 1944 dans les FTP. À la fin février 1944, et jusqu'à la Libération, Marcel Robert, sous le nom de « Georges », devient responsable du service d'identité de la jeunesse du FN pour la zone Sud. Lorsqu'un nouveau résistant arrive, il lui faut un jeu de faux papiers complet.

Les réseaux résistants lui procurent un certain matériel : tampons de mairies, de préfectures, de commissariats, cartes d'alimentation, de textile, de tabac, confisqués par les maquis. Mais il doit fabriquer lui-même de nombreux faux tampons comme "Lyon 3ème". Muni de tire-ligne avec lame de rasoir cassée en pointe, il fabrique des tampons de la Wermarcht ou de n'importe quel commissariat. Des heures et des heures sont nécessaires à la confection des "outils", des heures et des heures pour réaliser les faux papiers, qu'il faut compter peut-être par centaines ; seules les photos lui sont fournies ! Que de nuits passées à la miniaturisation des objets et des fausses reproductions. Il élabore des tampons de plus en plus complexes, utilisant parfois des pommes de terre pour arriver à ses fins, ce que certains ont appelé "la patatogravure". Le matériel de faussaire, de plus en plus sophistiqué, exige deux valises pour le planquer.

Le jour, Marcel porte les jeux d'identité à ses correspondants chargés eux-mêmes de les transmettre aux clandestins. « Chaque fois, la chance est avec moi ; c'est lorsque j'ai déjà remis mon matériel, que l'on me fouille ». Intrigant les voisins par ses allées et venues, pendant les huit mois à l'Identité, il doit changer dix-sept fois de chambre à Lyon, à Villeurbanne.

Tous ses camarades n'ont pas eu sa chance : un de ses logeurs tenant un magasin de vêtements est arrêté dans son magasin, interrogé sur place, embarqué pour toujours ; Marcel déménage en catastrophe pendant l'interrogatoire. Les patrouilles allemandes se faisant plus fréquentes, les rafles se succédant, ses correspondants, Odette et Émile, tombent dans un rendez-vous près de l'hôpital Édouard Herriot, "un quart d'heure avant le rendez-vous que j'avais avec Odette".

Ce n'est qu'à la fin août qu'il abandonne sa mission pour participer aux combats de la libération de Lyon. Il est réintégré à l'École normale, malgré son désir de poursuivre la lutte, le 25 octobre 1944. Fin août, il abandonne sa mission et participe aux combats de la Libération de Lyon. Il est réintégré à l'École normale de Valence, le 25 octobre 1944. À la fin de sa scolarité, il est nommé instituteur. La plus grande partie de sa carrière se déroule à Grignan, dont il devient maire en 1983 jusqu'en 1995. 

Plusieurs fabricants de fausses cartes s'étaient spécialisés, comme Jeanne Barnier secrétaire de mairie de Dieulefit, Jean Chancel, le pharmacien de Saint-Donat, Léon Rozier et René Bonneton, de Saint-Barthélemy-de-Vals et Saint-Uze, Roger Maisonny de Valence, et bien d’autres. Le nombre – difficile à évaluer – de faux papiers ainsi confectionnés doit se chiffrer par plusieurs milliers pour le département de la Drôme.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve, Jean Sauvageon
Sources : Entretiens oraux avec Marcel Robert. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.