Groupe de résistants posant devant une pièce d'artillerie légère
Légende :
Canon de 25 mm dans le Vercors.
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Inconnu
Source : © Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en noir et blanc.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - La Chapelle-en-Vercors
Analyse média
La photo représente un groupe de résistants entourant une pièce d'artillerie légère, en l'occurrence un canon antiaérien de 25 mm.
26 jeunes hommes posent autour d'un canon léger. La plupart sont coiffés d'un bonnet de police, pièce qui semble être le seul élément d'un uniforme. Des bérets sont également visibles ainsi que des chemises militaires. Il n'y a rien de martial, ni dans les vêtements, ni dans l'attitude. La légende de la photo extraite du livre de Joseph La Picirella, Témoignage sur le Vercors, précise que le canon a été pris au camp militaire de Chambaran situé au nord du département. Il est noté que la pièce est en position ce qui est erroné. Le train de route est juste à côté du canon alors qu'il devrait être plus éloigné. L'affût n'est pas déployé, le canon n'est pas braqué vers le haut. Une autre photo représente la pièce en position et en action de tir, une troisième le canon en ordre de route.
Ce canon de 25 mm est une des rares pièces d'artillerie possédée par la Résistance drômoise. Plusieurs photos ont été prises de cette pièce antiaérienne ce qui tend à prouver qu'elle était perçue comme une arme importante et symbolique pour les résistants. La Résistance ne disposera de 2 canons de 37 mm qu'après les combats de Montclus le 20 juin 1944 où les Allemands abandonnent un important matériel.
Auteurs : Claude Seyve
Contexte historique
L'armement de la Résistance est un sujet qui soulève de nombreuses questions. Était-il suffisant en quantité et en qualité ? Est-ce que les résistants avaient la capacité à utiliser correctement les armes individuelles et surtout les armes collectives lourdes ? Devaient-ils être dotés d'armes lourdes pour atteindre les objectifs qui leur étaient assignés par leurs supérieurs et par les Alliés ?
Dans de nombreux lieux la Résistance ne pouvait disposer d'armes lourdes. Il est évident que la Résistance armée urbaine n'avait guère la possibilité d'utiliser une artillerie même légère. La cache et le déploiement de telles armes étaient quasiment impossibles. On imagine mal le camouflage, le déplacement, du canon de 25 dans une ville, encore moins d'une pièce de 75. Le problème est différent pour la Résistance organisée en maquis en milieu rural, particulièrement dans les massifs montagneux comme le Massif central ou les Alpes. C'est le cas pour les maquis du Vercors.
Le plan, ou plus exactement, le projet Montagnards élaboré par Alain le Ray prévoyait une dotation en artillerie relativement importante et bien adaptée aux combats en montagne. Les 7 500 hommes prévus pour le réaliser devaient disposer de 5 canons antichars et de 15 mortiers. Même si les canons antichars pouvaient avoir une fonction antiaérienne, cette dernière ne semble pas avoir suffisamment retenu l'attention de l'auteur du projet. La dotation ne sera pas réalisée malgré les demandes réitérées des chefs militaires du Vercors, surtout pour les mortiers, pièces à tir courbe indispensables dans un relief mouvementé.
Posséder des armes collectives lourdes était une chose, savoir les utiliser correctement présentait des difficultés quand on constate que beaucoup de Résistants n'avaient aucune formation militaire. Quelques-uns avaient effectué leur service militaire, ce qui n'était pas une preuve de leur capacité à servir des armes, même légères. Le témoignage de Jean Veyer, à ce sujet, est révélateur.
« Le 18 juin [1944], j'ai fait ce matin le recensement des armes de notre groupe : trois FM (fusils-mitrailleurs) Bren, vingt fusils Remington, quinze mitraillettes Sten, plusieurs containers de munitions et de grenades. En somme, l'armement normal d'une section. Nous aurons de quoi combattre. [...] J'étais surtout curieux d'apprendre quelque chose sur le lance-grenades Piat, arme nouvelle dont dispose la défense du pont de Pontaix et que j'ignore. [...] Serge Basset, dit "Alexis", et deux de ses hommes ont sauté sur le ponceau qu'ils étaient chargés de détruire à Pontaix. Inexperts dans le maniement des explosifs, ils ont utilisé, au lieu de mèche lente, le fameux cordon orange, en principe réservé aux engins incendiaires, et qui, en fait, allume n'importe quoi, avec une rapidité identique à celle du cordon détonant. La guerre ne s'improvise pas. [...] Je fais appel à un instructeur FTP (Franc-Tireur et partisan) pour le démontage du FM et du fusil Remington. Nous nous apercevons que le brave garçon n'en sait pas beaucoup plus que nous. Heureusement, ces armes ne diffèrent pas trop de celles en usage dans l'armée française de 1939. Nous finissons par nous en tirer. [...] Une confirmation déprimante est donnée aujourd'hui à mon pessimisme. J'avais organisé une manœuvre avec exercice de tir, à quelques kilomètres de Die, près de Romeyer. Les hommes ont fait connaissance avec le FM Bren, le fusil Remington. Les résultats ne sont pas fameux. Je m'aperçois avec stupeur que la plupart de ces hommes n'ont aucune expérience militaire, que certains d'entre eux, revenus du service avec le grade de caporal ou de sergent, savent à peine manier un fusil. Il faudrait des semaines, peut-être des mois, pour parvenir à un minimum d'efficacité militaire. Nous en laissera-t-on le temps ? »
On imagine les difficultés présentées par l'utilisation d'armes lourdes par des servants non qualifiés.
La faiblesse en armes lourdes est imputée également à la mauvaise volonté des Alliés. Ils n'auraient pas voulu équiper la Résistance, notamment dans le Vercors. Est-ce par volonté délibérée ou par impossibilité matérielle et technique ?
Cela pose la question fondamentale des objectifs que les Alliés assignaient à la Résistance.
La mission "d'assaut d'infanterie" n'est pas celle attribuée à la Résistance par les Alliés. Ce qu'ils parachutent définit la mission de la Résistance : postes radios afin de transmettre les renseignements recueillis par les réseaux, explosifs pour les sabotages, armement léger pour l'autodéfense, la guérilla. II n'est donc pas nécessaire de fournir des pièces d'artillerie légère ou moyenne. Même si les Alliés avaient livré des armes lourdes aux résistants, ceux-ci se seraient montrés incapables de les utiliser avec un bon rendement, compte tenu du faible nombre de spécialistes formés chez les maquisards. Les Allemands, récupérant déjà une partie de l'armement léger, ne se seraient pas privés de récupérer l'armement lourd, tôt ou tard abandonné par des résistants n'ayant pas les moyens de le transporter. Comment déplacer, en restant discret, avec rapidité, un canon de 75 mm nécessitant un camion lourd à la puissance bridée par le gazogène ? Des résistants sont conscients de ces difficultés. Après la réception du parachutage du 14 juillet 1944 à Vassieux-en-Vercors, Henri Faure constate qu'il y a : « de quoi armer pas mal d'hommes ! Il n'y avait malheureusement pas de mortiers car il aurait fallu une dotation convenable d'obus pour qu'ils soient efficaces, ce qui représente un poids considérable à transporter ».
Le SOE (Special operation executive), en charge de l'armement de la Résistance, n'a ni la capacité, ni la volonté de fournir un armement lourd à la Résistance. De nombreux maquis, en particulier celui du Vercors, ne cessaient d'en demander. Le SOE leur refusait systématiquement. La raison en était simple : même s'il était envisageable de parachuter de l'artillerie, il n'aurait pas été possible de fournir des munitions en quantité suffisante.
Il y a aussi une impossibilité technique à fournir un armement lourd. On ne parachute pas des canons légers, encore moins de calibre supérieur. On ne peut que les déposer en utilisant le planeur. Son avantage est d'amener le matériel en évitant la casse qui fait perdre parfois plus de 30% des armes parachutées (à moins que le planeur ne s'écrase lui-même, ce qui n'est pas rare). Son utilisation pour approvisionner en armes lourdes, voire en véhicules, les maquis du type de celui du Vercors est un problème fort discuté au niveau du commandement supérieur. À Londres, en mars 1944, les entretiens entre le commandant Dupérier et le général Mockle-Perryman sont révélateurs. « Mockle-Perryman a exposé à cet officier (Dupérier) qu'il était peu probable que l'on puisse à aucun moment des opérations en France utiliser les planeurs pour effectuer le ravitaillement des maquis. [...] La capacité des planeurs modernes permet de transporter de grands volumes et des charges élevées sans risque de casse (radios, canons légers, jeeps etc). Il a précisé qu'en raison de la politique des "emballages perdus" qu'il faudrait adopter, on ne pouvait fonder beaucoup d'espoir sur le retour des pilotes de planeurs aux unités air bornes (parachutées) une fois les livraisons effectuées. Or, à l'heure actuelle, l'armée britannique est extrêmement à cours de pilotes et cet état de chose empirera évidemment après les pertes inévitables dues aux opérations de la première phase du Débarquement. [...] Conclusion. Si le principe peut être admis par les Britanniques ainsi que le SOE qui y verront certainement le plus grand intérêt - et si Air supérieur à Alger veut bien collaborer de toutes ses forces, il est peut être possible, à condition de ne perdre aucun temps, de former en Afrique du Nord, avec la coopération de la RAF Royal Air Force, de l'USAAF United States Army Air Forces et des troupes Airbornes qui s'y trouvent, la phalange de pilotes français de planeurs qui permettra, après le jour J, de ravitailler en matériel lourd les maquis de Résistance en France. […] ». Aucune disposition n'est prise en Afrique du Nord pour y former des pilotes de planeurs français pour atterrir sur des zones tenues par la Résistance, même si la volonté a pu y être exprimée. Alger n'en a ni les moyens, ni une réelle volonté. Dès avril 1944, les milieux militaires français d'Alger ou de Londres savent donc que les Alliés n'enverront pas de planeurs sur le Vercors. Or, à Vassieux, on s'active en juin et surtout juillet 1944 à l'aménagement d'une piste d'atterrissage capable de recevoir des planeurs mais aussi des avions lourds (pour l'époque) comme le DC3/C47 Dakota. Le message envoyé le 23 juillet 1944, alors que, ce jour-là et le 21, se sont posés les planeurs allemands traduit l'angoisse, la colère des responsables militaires qui ne comprennent pas l'absence d'un soutien réel des Alliés : « Ce que font les Allemands, les Anglais peuvent le faire ». Une profonde rancœur naîtra de cette situation.
L'armement lourd de la Résistance a soulevé et déclenche toujours de multiples polémiques. À ceux qui reprochent à Londres, à Alger, aux Alliés de ne pas parachuter des armes lourdes, ces derniers répliquent qu'ils n'en ont pas les moyens, que la Résistance est incapable d'utiliser correctement le matériel. De plus, la question de l'emploi des armes lourdes dépasse le simple aspect technique et peut cacher un enjeu politique. Moins avoué, réel, mais sûrement bien plus faible que la rumeur ne le transmet, le danger politique créé, après guerre, par des groupes lourdement armés est aussi un élément à prendre en compte pour expliquer l'attitude de certains des décideurs. Pour le Vercors, l'argument du risque politique, né de la possession d'armes lourdes par la Résistance, n'est guère plausible. Le Vercors, à large dominante Armée secrète, ne pouvait constituer un danger politique, après la guerre, comme certains le craignaient avec les FTPF.
Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Joseph La Picirella, Témoignage sur le Vercors, Imprimerie Rivet, 1980. Martin Patrick, La Résistance dans la Drôme, 1940-1944, thèse de doctorat, Paris IV Sorbonne, auto édition, 2002, 520 pages. Venner Dominique, Les armes de la Résistance, Paris, Jacques Grancher, 1976, 335 pages. Veyer Jean, Souvenirs sur la Résistance dioise, 1941 – 1944, Cayol, Die, édition définitive, 1986, 111 pages.