Carte de l’exode pénitentiaire du 10 au 21 juin 1940
Légende :
Carte de l’exode pénitentiaire du 10 au 21 juin 1940, au départ de la prison de la Santé (annexe de la prison militaire de Paris).
Genre : Image
Type : Dessin
Source : © Fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes Droits réservés
Détails techniques :
Dessin réalisé par René Blanchet
Lieu : France
Contexte historique
En juin 1940, l’avancée rapide de l’armée allemande sur Paris incite le Gouvernement à évacuer les prisons vers le sud de la Loire. On cherche tout simplement à soustraire aux Allemands, qui certainement les libéreraient, des dizaines de prisonniers parmi lesquels les plus germanophiles des « politiques ». Les prisons parisiennes de la Santé et du Cherche-Midi sont évacuées manu militari à partir du lundi 10 juin 1940, sur ordre de Georges Mandel, ministre de l’Intérieur. Le repli concerne plus de deux mille détenus.
Pierre Pédron, sous-directeur de la prison de la Santé de 1989 à 1992, fait une relation détaillée de l’évacuation des prisons parisiennes par les autobus de la TCRP (ancêtre de la RATP), réquisitionnés avec leurs conducteurs, « circulant tous stores baissés et par voitures cellulaires. Certains détenus vont rester dix-huit heures confinés deux par deux, les chaînes aux pieds, dans des cellules miniatures (50 centimètres sur 50). Au départ, les prisonniers peuvent emporter quelques affaires de toilette (savon, brosse, peigne) et des victuailles (chocolat et sucre). […] Une pagaille indescriptible préside à ces transferts en catastrophe. Les conditions de déplacement sont précaires, tant au point de vue de l’encadrement que de l’alimentation. Les prisonniers sont accompagnés de leurs gardiens, mais aussi parfois d’unités armées. Ces terribles conditions ne sont rien cependant relativement aux exactions dont vont être victimes certains détenus. Outre le traumatisme créé par le bruit de la bataille et des avions qui survolent ces autobus bondés d’hommes enchaînés et qui tremblent de peur, des exécutions sommaires parachèvent ce tableau d’apocalypse d’une administration en déroute» (Pédron (Pierre), La prison sous Vichy, Paris, Les Éditions de l’Atelier, coll. « Champs pénitentiaires » dirigée par Christian Carlier, 1993, p. 44).
Tard dans la nuit du 10 au 11 juin, l’étrange procession parvient non sans peine jusqu’à Orléans, via Étampes. Elle se dirige vers la prison de la ville. La maison d’arrêt d’Orléans n’ayant aucune place à leur offrir, les surveillants doivent chercher un autre asile pour les prisonniers dont ils ont la garde. Ils vont échouer non loin de là, au camp des Grouës, situé à proximité de la gare des Aubrais. Ils y restent jusqu’au 15 juin 1940.
Le départ du camp des Grouës a lieu le samedi 15 juin, au soir. Les prisonniers reçoivent l’ordre de quitter le camp et de se diriger à pied, vers le sud, encadrés par le personnel du Cherche-Midi. Les raids incessants de l’aviation allemande terrorisent les détenus et leurs gardiens. Orléans bombardé est en flammes, l’incendie rougeoie dans le ciel. Un grand nombre de prisonniers profite de la confusion générale pour s’évader.
Le dimanche 16 juin, au terme d’une marche harassante de plusieurs heures, les prisonniers venant du camp des Grouës sont rassemblés puis conduits en autobus en direction de Bourges. À peine arrivé au camp militaire d’Avord (Cher), le lundi matin 17 juin, le groupe doit remonter dans les véhicules pour fuir… devant la poussée de l’armée allemande. Le départ se fait dans la confusion la plus totale. Gardes mobiles et prisonniers mêlés ne pensent qu’à une chose : fuir ! « Seuls quelques gardiens du Cherche-Midi, pistolet au poing, essayent d’ordonner la cohue. »
Le mardi 18, le convoi roule en direction de Bordeaux et se fraye un chemin sur les routes de la France en débandade. Au cours du voyage, les prisonniers apprennent la démission de Paul Reynaud, le 16 juin, l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain, nommé chef du gouvernement, et sa demande d’armistice. Ces nouvelles sont différemment appréciées, en fonction des opinions politiques des uns et des autres…
L’arrivée à Bordeaux a lieu le jeudi 20 juin. Une certaine effervescence gagne les uns et les autres. Les officiers sont en quête d’ordres, tandis que les détenus pensent être parvenus au terme de leur épuisant voyage. C’est finalement le vendredi 21 juin, après cinq jours de voyage, que par centaines les Parisiens des prisons de la Santé et du Cherche-Midi arrivent au terme de leur exode. Le terminus se nomme « camp de Gurs ». Deux jours plus tard, le 23 juin, un deuxième convoi arrive lui aussi de Paris. La plupart des 1 020 prisonniers parvenus au terme de ce tragique exode resteront là jusqu’à la fin de l’année 1940. De Gurs, ils seront expédiés dans les prisons militaires de Dordogne : Bergerac, Périgueux et Nontron, le camp de Mauzac ou bien celui de Nexon, en Haute-Vienne.
Jacky Tronel, « Le repli de la prison militaire de Paris à Mauzac. Un exode pénitentiaire méconnu », Criminocorpus [En ligne], Varia, mis en ligne le 23 mars 2012, consulté le 29 octobre 2014.