Rapport du commissaire de Nîmes au Préfet du Gard, 11 mars 1941
Légende :
Copie d'un rapport du commissaire de Nîmes au Préfet du Gard, 11 mars 1941, rendant compte de la seconde perquisition effectuée au domicile de Jean Chauvet.
Genre : Image
Type : Rapport
Source : © Service historique de la Défense, DAVCC (Caen) Droits réservés
Détails techniques :
Une page dactylographiée
Date document : 11 mars 1941
Lieu : France
Analyse média
Faisant suite à son rapport du 10 mars 1941, le commissaire de Nîmes informe le Préfet du Gard qu'une seconde perquisition a été effectuée au domicile de la famille Chauvet à Nîmes. Elle a entraîné la découverte d'une ronéo et de 50 kilos de papier blanc. Le commissaire signale en outre qu'il s'agit du même papier que celui utilisé pour l'impression du Cri du Gard.
Avant la guerre, ce journal communiste est tiré à près de 4500 exemplaires, essentiellement dans la région d'Alès. Le 29 août, Le Cri du Gard et Rouge Midi sont suspendus, puis, le 4 septembre, c'est au tour du Paysan, imprimé à Nîmes, organe de la Fédération nationale des travailleurs de l'agriculture, ces trois journaux étant accusés de propagande communiste. Le Cri du Gard circule, de manière clandestine, dans la région alésienne à partir de février 1941.
Fabrice Bourrée
Sources : CD-ROM La Résistance dans le Gard, AERI, 2009.
Contexte historique
Né à Nîmes le 11 septembre 1921, Jean Chauvet est ouvrier-ajusteur au dépôt des machines à vapeur de Nîmes. Il participe, dès l'adolescence, aux activités militantes de son père, qui vend le journal communiste Le Cri du Gard, cache des Républicains espagnols, et participe au fonctionnement de différentes associations liées au Parti communiste français (PCF). En 1939, Jean Chauvet est fiancé à Eliette Rigon, ouvrière en confection et militante des Jeunesses communistes. Son père, cheminot affecté aux ateliers du PLM (Paris-Lyon-Méditerranée), est arrêté le 5 décembre 1940 et interné administrativement successivement à Eysses, Carrères puis Sisteron d’où il s’échappe le 8 juin 1944 pour rejoindre les rangs de la Résistance. Jean ne supporte pas de voir son père, ancien combattant de la Grande Guerre, jugé « indésirable » par l’Etat français.
Eliette Rigon, la fiancée de Jean, participe à l'activité clandestine du PCF après sa dissolution et l'arrestation de ses principaux responsables gardois fin 1940. Avec son frère Franck, lui aussi membre des Jeunesses communistes clandestines, elle distribue tracts et journaux pour dénoncer le régime de Vichy. En 1941, elle est chargée, par le Front national de lutte pour la liberté et l'indépendance de la France, de diffuser la presse clandestine sur la région nîmoise et d'aider les militants pourchassés par le régime. Son groupe comprend notamment Jean Chauvet, Henri et Andrée Julien, Odette Gonzalès (arrêtée en avril 1942, Eliette sera condamnée à huit ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Marseille, incarcérée aux Baumettes à Marseille, puis à la Centrale de Rennes, d’où elle sera déportée le 6 juin 1944 à Ravensbrück, via le fort de Romainville. Elle sera rapatriée en France en mai 1945).
Le 10 mars 1941, Jean Chauvet est surpris la nuit par des gardiens de la paix alors qu’il circule sur son vélo sans éclairage et porte une musette remplie de tracts. Il parvient à leur échapper. Mais son adresse est identifiée grâce à la plaque d’identité de la bicyclette. Des perquisitions effectuées à son domicile amènent la découverte de nombreux tracts et journaux. La mère de Jean est alors arrêtée. Jean Chauvet quitte alors Nîmes pour se réfugier en Lozère chez des paysans qu’il connaît pour y avoir passé des vacances. Ces derniers le dénoncent à la police. Il est arrêté le 16 juillet 1941 et conduit à la prison de Pont-de-Montvert puis à celle de Mende le 18 juillet 1941.
Dirigé ensuite sur la mlaison d'arrêt de Nîmes puis au fort Saint-Nicolas à Marseille, il est jugé par le tribunal militaire spécial de la 15e région, le 4 octobre 1941, et condamné à cinq ans de prison. Conduit à la prison Saint-Pierre de Marseille, il est transféré le 24 décembre 1941 à la maison centrale de Nîmes, où il devient, avec Jean Coin, Henri Auzias, Pierre Doize, un des dirigeants de l'organisation clandestine des détenus. Le 16 octobre 1943, il est transféré avec la quasi-totalité des détenus politiques de la zone Sud à la Centrale d’Eysses où il aura des responsabilités au sein des Jeunesses communistes. Au cours de l’insurrection du 19 février 1944, il est en première ligne mais sa mitraillette s’enraie. Reconnu comme ayant pris part activement aux combats, Chauvet est jugé par une cour martiale réunie à Eysses, condamné à mort et fusillé le 23 février 1944. En novembre 1944, sa dépouille est ramenée à Nîmes pour y être inhumée.
D'après Corinne Jaladieu, Michel Lautissier, Douze fusillés pour la République, Association pour la mémoire d’Eysses, 2004