Notice individuelle de Stéphane Fuchs
Légende :
Notice individuelle de Stéphane Fuchs établie à Eysses le 4 mars 1944
Genre : Image
Type : Notice judiaicire
Source : © Archives nationales, Fontainebleau Droits réservés
Détails techniques :
Formulaire recto-verso, format A4.
Date document : 4 mars 1944
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Analyse média
Le recto de la notice individuelle comprend dans sa partie gauche, la description physique de la personne incarcérée. La partie centrale reprend les éléments d'état-civil, le dégré d'instruction, la "situation de fortune", la situation militaire...
La 2e partie du formulaire retrace l'historique pénal du détenu : "Condamné le 10 mars 1943 à 3 ans de prison par la section spéciale d'Aix pour atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat".
Le verso de la notice est intitulé "condamnations" : le commentaire nous apprend que Stéphane Fuchs a été "arrêté le 20 février 1944 à Eysses par les services de la 8e brigade régionale de police de Sûreté pour mutinerie armée, déféré au Parquet et écroué".
Contexte historique
Le 19 février 1944, Eysses est le théâtre d'une ambitieuse tentative d'évasion collective. Après plusieurs heures de combat et face aux menaces des autorités allemandes de bombarder la centrale, l'état-major du bataillon d'Eysses décide de déposer les armes le 20 février à 5 heures.
Se trouvant à Vichy, Joseph Darnand, Secrétaire général au maintien de l'ordre, est avertis dans la nuit de cette situation exceptionnelle. Il se rend d'urgence à Eysses, où il arrive dans l'après-midi du 20 février. Il dirige alors en personne la répression, donnant l'ordre de renforcer la garde extérieure et d'introduire des forces de police dans la centrale, ce afin d'organiser une fouille générale des locaux et des détenus. Il repart pour Vichy le lundi 21 février dans la matinée, après avoir exigé « cinquante têtes ». L'enquête menée par les brigades mobiles de Limoges et de Toulouse permet de désigner les prétendus meneurs de la mutinerie. Les détenus sont tous rassemblés dans les préaux, ceux qui sont désignés sont mis à l'écart et conduits au quartier cellulaire.
Seize personnes sont immédiatement mises en cause - « comme meneurs actifs et armés de la mutinerie ». Seuls deux des principaux responsables, Auzias et Bernard, sont mis en cause. Le seul détenu « dénonciateur », est un blessé : L. Lucien, qui, sans doute dans l'espoir de voir sa vie épargnée, se déclare immédiatement disposé à raconter tout ce qu'il sait sur les événements du 19 février. Parmi les mille deux cents détenus interrogés, c'est le seul qui parlera, et ses déclarations seront lourdes de conséquences...
Le mercredi 23 février, à quatre heures du matin, la cour martiale se réunit pour l'examen de quatorze procès-verbaux, parmi les seize initialement choisis. Deux détenus échappent donc de justesse à la cour martiale : le dénonciateur en contrepartie de ses révélations et Brinetti, mis hors de cause par l'inspecteur qui ne reconnaît pas en lui l'homme désigné comme son agresseur. Notons que Pascal Fieschi, accusé d'avoir capturé le directeur, est lui amené à comparaître car il a été formellement reconnu par ce dernier comme étant son assaillant. Les témoignages recueillis auprès du personnel sont donc déterminants.
Les procès-verbaux sont remis à la cour martiale qui délibère à huis clos. Douze détenus sur quatorze sont condamnés à mort, les deux autres, Fieschi et Canet devant être présentés devant le procureur de la République afin d'être poursuivis par la section spéciale de la cour d'appel. A dix heures, le président de la cour martiale, assisté de deux juges, a déjà lu la sentence aux condamnés, qui sont passés par les armes à onze heures. Six heures au plus se sont donc écoulées entre la remise des procès-verbaux à la cour martiale (une quarantaine avec ceux des accusateurs) et l'exécution de la sentence, sans aucune défense ni plaidoirie. Outre les deux « rescapés » de la cour martiale, Canet et Fieschi, dix-neuf autres dossiers doivent être soumis à la section spéciale dont Stéphane Fuchs. Les détenus visés sont tous suspectés, soit d'avoir participé activement à la mutinerie (sept détenus), soit d'avoir joué un rôle dans l'organisation clandestine des prisonniers (douze détenus). Au total, vingt et un dossiers sont renvoyés devant la section spéciale d'Agen ; ces hommes sont envoyés au quartier cellulaire avec une trentaine d'autres détenus contre lesquels aucune charge particulière n'est retenue, mais qui ont été mis de côté lors de la sélection du 20 février, soit en raison de leur insubordination, soit après avoir été désignés par le personnel. Le quartier cellulaire devient alors pour les détenus et la Résistance extérieure le « quartier des otages ». Trente six détenus du quartier cellulaire seront transférés vers la prison de Blois le 18 mai avant de rejoindre Compiègne pour être déportés. Les autres, dont Fuchs, sont livrés aux autorités allemandes le 30 mai 1944.
D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan, 2007