Enfants posant avec leurs étoiles jaunes

Légende :

Georges (12 ans), Clément (10 ans) et Bernard (8 ans) Bidermann, posant avec l'étoile jaune, rue des Pyrénées à Paris XXe, juin 1942.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah, CDJC, MIII_296 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : Juin 1942

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Le 29 mai 1942, la huitième ordonnance allemande anti-juive interdit en France aux Juifs de la zone occupée, dès l'âge de six ans, de paraître en public sans porter l'étoile jaune. Cet insigne doit être placé, à partir du dimanche 7 juin 1942, bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, et solidement cousu sur le vêtement. La distribution des étoiles se déroule entre le mardi 2 et le samedi 6 juin dans les commissariats de quartier et de circonscription selon l'ordre alphabétique. Les infractions à cette ordonnance sont punies d'emprisonnement, d'amende ou d'internement. Fixée pour le mois de mars 1942, la promulgation de cette ordonnance est repoussée à plusieurs reprises pour des raisons à la fois technique (fabrication des 400.000 étoiles), administrative et politique. Le retour de Pierre Laval au gouvernement en avril 1942 et l'arrivée de Louis Darquier de Pellepoix au Commissariat général aux questions juives incitent en effet les autorités d'occupation à retarder l'ordonnance, espérant que Vichy la promulgue de son propre chef en zone occupée comme en zone libre. Mais cet espoir est déçu : considérant que l'insigne effacerait la distinction entre Juifs français et Juifs étrangers, et craignant une réaction hostile de l'opinion, Vichy refuse de légiférer sur cette mesure. Finalement, la volonté d'impressionner le nouveau chef de la police allemande en France, Karl Oberg, et d'exploiter les attentats récents contre l'armée allemande, dont la responsabilité est imputée aux Juifs, poussent l'ambassadeur d'Allemagne en France, Otto Abetz, à précipiter la promulgation de la loi sur le port de l'étoile : promulguée le 29 mai, elle est rendue publique le 31 et entre en vigueur le 7 juin.

En rendant les Juifs immédiatement visibles et reconnaissables en public, l'étoile facilite leur contrôle, leur dénonciation, ainsi que l'arrestation de ceux qui refuseraient de se soumettre à l'ordonnance, même si les autorités allemandes n'ont pas attendu juin 1942 pour mettre en place des moyens efficaces de contrôle (recensement, fichage, tampon juif sur les pièces d'identité), ni pour arrêter massivement les Juifs (rafles de mai, août et décembre 1941). Le contrôle sert en réalité une politique de ségrégation, comme en témoigne la mise en place de nouvelles mesures, telles que l'obligation pour les Juifs de monter dans le dernier wagon du métro (8 juin 1942), l'interdiction de fréquenter les lieux publics, ou encore la contrainte de se rendre dans les magasins uniquement entre 15 et 16 heures (neuvième ordonnance du 8 juillet 1942). Cette ségrégation tend à exercer une influence d'ordre psychologique et propagandiste : en imposant cette forme archaïque d'identification, les Allemands espèrent en effet anéantir un peu plus les Juifs en suscitant chez eux honte et humiliation. Ils souhaitent aussi inspirer aux "non-Juifs" un sentiment de rejet et de dégoût à l'égard de ces hommes et de ces femmes considérés dans la vision national-socialiste du monde comme des êtres inassimilables, impurs et parasites, proches de l'animalité comme voudraient le faire croire les nombreuses caricatures les représentant sous forme zoomorphique. L'ordonnance sur le marquage, effective deux mois après le départ du premier convoi de déportation le 27 mars 1942, s'inscrit ainsi dans un ensemble de mesures sanitaires destinées à préserver la "race aryenne", et participe à l'accélération du processus d'extermination physique des Juifs de France.


Extrait de Cédric Gruat, "Des "non-Juifs" étoilés à Paris" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004