Renseignements sur terrains d’atterrissage et de parachutage
Légende :
Recto : terrain d'Ussel Thalamy (Corrèze)
Verso : terrain de La Courtine - Les Fagettes (Creuse)
Genre : Image
Type : Rapport de renseignement
Source : © Archives nationales, 72AJ 627 Droits réservés
Détails techniques :
Dimensions : 27 x 21 cm
Date document : 28 août 1942
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Limousin)
Analyse média
Ce document fait partie d'une série de papiers enterrés en 1942 par Philippe de Vomécourt dans sa propriété près de Saint-Léonard (Haute-Vienne) dans une boîte en fer. En 1951, après avoir fait abattre un chêne, il s'est souvenu avoir enfoui cette caisse métallique. Retrouvée, la boîte avait souffert de l'humidité et les papiers qu'elle contenait était très abîmés.
Le premier document (recto) concerne le terrain d'Ussel-Thalamy en Corrèze. Au moment où Philippe de Vomécourt reçoit ce rapport, le terrain a déjà été repéré et utilisé par le réseau Alliance. En effet, dans ce document, il est fait mention d'un atterrissage d'un avion britannique sur ce terrain dans la nuit du 26 août [1942]. Cette nuit-là, effectivement, le terrain a été utilisé dans le cadre de l'opération "Achille"
Le second document (verso) concerne le terrain de La Courtine - Les Fagettes (Creuse).
Fabrice Bourrée
Contexte historique
Le terrain de Ussel-Thalamy
La Corrèze devient le théâtre de quatre pick-up sur le terrain de Ussel-Thalamy :
- en août 1942 : opération "Mercure"
- dans la nuit du 26 au 27 octobre 1942 : "Achille"
- du 14 au 15 janvier 1943 : "Ajax" avec le pilote John BRIDGER
- du 25 au 26 novembre 1942 : "Apollon" avec Peter VAUGHAN-FOWLER.
Le réseau Alliance organise ces opérations avec l’équipe "Avia", composée du capitaine Pierre DALLAS "Cornac", de Jean-Baptiste ANDREANI, du colonel Henri CORMOULS "Pégase", de Jacques DEVORT, des opérateurs radio Arthur GACHET-CROWLEY "Héron" et Ferdinand RODRIGUEZ "Pie" ainsi que du comité de réception local : "Danois", "Fox", "Labrador", "Cigale", André et Henri BELCOUR.
L’opération "Platon", prévue vers le 15 mars 1943, échoue, le terrain ayant été préalablement piqueté et la ville d’Ussel, investie par le S.D.
Le terrain d'aviation d'USSEL-THALAMY a été créé par l'armée de 1936 à 1938. Lors de la retraite de 1940, il a recueilli des avions dont la plupart n'ont pas pu redécoller, le sol n'étant pas suffisamment compact (drainage insuffisant) et ont été brûlés sur place. Après l'armistice, ce terrain a été remis au Secrétariat Général à l'Aviation Civile, service embryonnaire à l'époque, qui remet l'entretien et la surveillance au Service des Ponts et Chaussées. C'est la subdivision d'USSEL EST qui reçoit cette charge dans ses attributions. En janvier 1942, la subdivision de LAPLEAU étant supprimée, L. DUBOIS, ingénieur des travaux publics, chef du Service Mirage et membre de l'A.S. Corrèze, est muté à USSEL pour assurer l'intérim de la subdivision d'USSEL EST, son titulaire, Monsieur A. GUILLON, étant prisonnier. Il rejoint ce poste le 1er février 1942. L'hiver 1942 très rigoureux et enneigé ne lui permet pas de voir l'aérodrome avant le début du mois d'avril. Après examen, le premier travail à faire est de nettoyer l'aire d'atterrissage des débris restants des avions incendiés en 1940 et de ramasser méticuleusement les obus de 20 mm qui la parsèment et sont dangereux. Cette tâche est exécutée par M. NIFLE, cantonnier, qui demeure dans un village proche et qui assure l'entretien du C.D. qui longe l'aérodrome. L'aviation étant un des loisirs de DUBOIS, le terrain l'intéresse et il veut le rendre le plus possible à sa destination première, mais l'absence de crédit rend la tâche très difficile et c'est toujours NIFLE qui va être mis à contribution pour le nettoyage des puisards et des collecteurs du réseau de drainage qui sont garnis de cailloux arrivés là on ne sait trop comment. Au mois de mai s'est posé le problème du fauchage. Une petite partie du terrain, environ 7 hectares, était assez bien engazonnée et les herbes étaient très hautes. Avec la complicité de M. PARLANGES, l'inspecteur des Domaines, ce point a été résolu par voie de troc (pratique plutôt illégale mais justifiée par les circonstances). Les agriculteurs des villages voisins contactés par NIFLE se sont vus proposer 1 ha de prairie à faucher et dont le foin leur appartiendrait moyennant le fauchage en contre partie d'une surface déterminée de bruyère, ce qui permettait de dégager les abords de l'aire dite d'atterrissage. Cette solution fut acceptée et au mois de juin, l'aérodrome retrouvait ainsi un aspect plus conforme à sa destination.
DUBOIS ne pensait pas à l'époque qu'il serait utilisé aussi vite puisqu'au mois d'août, il voyait se poser un Lysander dans la nuit du 26 au 27. Dans ces campagnes, que ce soit de jour ou de nuit, rien ne peut se passer sans écho. Aussi, le lendemain, il était prévenu qu'un avion avait utilisé le terrain. Il allait donc sur place et, dans l'herbe humide, la trace des roues du Lysander était parfaitement visible. NIFLE est là et lui sortit de sa poche une superbe paire de gants en cuir qu'il lui dit avoir trouvés en suivant la trace des roues. Ces gants portaient sur le bouton " Made in England " ; le raid était signé. Il conseilla alors à NIFLE de déclarer sa trouvaille à la mairie de Saint Exupéry sans faire de commentaire, d'indiquer comme lieu de sa découverte une portion du C.D. 45 dont il a la charge d'entretien, c'est à dire fort loin du terrain, et de garder les gants chez lui en mentionnant qu'il les tenait à la disposition du propriétaire. Quant à DUBOIS, il signalait à l'Administration qu'un véhicule avait circulé sur le terrain en occasionnant deux ornières. L'affaire ne sembla pas avoir fait de vagues. Cependant il faut noter que fin septembre, DUBOIS eu la visite sur le terrain d'une commission d'armistice composée d'un capitaine de la Werhmacht accompagné de quatre sergents S.S. et d'un capitaine d'aviation français (qui l'avait prévenu téléphoniquement de cette visite qui aurait dû être secrète). Sur question du capitaine allemand, il lui déclara que le terrain très humide ne supportait pas le passage de véhicule quelconque (la présence de joncs confirmait sa thèse) et il ne pouvait servir qu'au pacage de moutons. Ce qui avait eu l'air de le convaincre. Le 10 octobre, DUBOIS quittait USSEL, rappelé à TULLE pour être affecté au bureau de l'ingénieur en chef.
Sur l'aérodrome actuel, une stèle perpétue le souvenir de ces opérations. Elle porte l'inscription "Hommage reconnaissant du réseau Alliance aux glorieux pilotes RAF de Lysander qui atterrirent clandestinement quatre fois en 1942 et 1943 à Thalamy".
La région "Hôpital et ses actions" (extraits reproduits avec l'aimable autorisation de Thierry Fauris)
Site Aérostèles