Stèle dédiée aux victimes des combats du 6 août 1944 à Jouqueviel (Tarn)
Légende :
Monument situé sur la place de l'église de Jouqueviel
Genre : Image
Type : Monument
Source : © Wikimedia commons Libre de droits
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn - Jouqueviel
Contexte historique
En février 1944, la direction de la MOI délègue dans le bassin minier de Carmaux un militant communiste, Roman Piotrowski. C'est un jeune mineur venant de la région de St Etienne, où il est recherché par la police, et qui arrive le 28 mars 1944 dans le bassin. Il devient " Maurice " et constitue son groupe de maquisards FTPF dans les montagnes aux environs de Carmaux avec Gach " August ", Jozef Gdula, Antoni Goral, Jozef Pereczko, ainsi que les agents de liaison Katarzyna Tereczko, Magdalena Radzynska et Olga Goalowa. Une campagne de recrutement est organisée, permettant l'arrivée de très nombreux autres volontaires polonais.
Après le débarquement des Alliés du 6 juin 1944, un Comité insurrectionnel est créé dans le Bassin, rassemblant des Français et des Polonais. Dans ce cadre, plusieurs compagnies de maquisards sont également constituées, dont la 4214 formée essentiellement de Polonais et commandée par Roman Piotrowski. Un appel à la grève générale est aussi lancé dans tout le bassin houiller du Tarn. Les mines sont occupées par les milices patriotiques ; 3.500 mineurs cessent le travail, dont 1.500 Polonais.
Le 13 juillet, toutes les compagnies locales du maquis FTPF attaquent Carmaux. Le détachement allemand est contraint de se replier sous la pression, en laissant le champ libre aux maquisards. Le 14 juillet, jour de la fête nationale, on chante devant le monument aux morts de Carmaux, La Marseillaise ainsi que l'hymne polonais Jeszcze Polska nie zginela. Mais après quelques heures de liberté retrouvée par les Résistants, les Allemands contre-attaquent brutalement, à la nuit tombante. Le combat est intense, mais en dépit de leur courage, les détachements FTPF doivent céder du terrain, puis quitter la ville. Malheureusement Wladyslaw Krawczyk est arrêté par les Allemands, puis affreusement mutilé avant d'être fusillé.
Entre le 15 et le 16 juillet 1944, la compagnie polonaise 4214 reçoit le renfort de 60 combattants Turkmènes qui désertent avec leurs armes pour rejoindre les maquisards. Ce sont des anciens soldats soviétiques prisonniers de la Wehrmacht en URSS et intégrés dans les armées allemandes. Le 17 juillet, à la tombée du jour, le détachement polonais de Piotrowski participe à la nouvelle attaque de la ville de Carmaux. Le combat se poursuit durant toute la nuit. Mais devant la supériorité en armes des Allemands puis l'arrivée de renforts SS, les détachements de maquisards doivent se replier au petit jour et regagner la montagne. Dans le même temps, des civils polonais notamment des femmes polonaises, grâce à la proximité des langues slaves, invitent les soldats géorgiens des troupes allemandes à déserter. C'est ainsi que le 4 août 1944, plusieurs dizaines d'entre eux rejoignent, en armes, le maquis, emmenant avec eux leurs officiers allemands prisonniers. Avec ce dernier renfort, la compagnie 4214 polonaise est forte de 185 partisans.
Mais les Allemands ne laissent pas de répit aux maquisards. Ils recherchent activement leur cantonnement afin de l'anéantir et de châtier les déserteurs. Sur la base de renseignements fournis par deux indicateurs, le camp des maquisards est localisé deux jours après dans le village de Jouqueviel, situé sur la route entre Carmaux et St Christophe. Le 6 août à 15h00, les Allemands déclenchent une attaque surprise contre le village. Nous sommes un dimanche ; les partisans prennent un peu de repos, entourés de parents et d'amis venus les rejoindre, et nombre d'entre eux sont encore attablés et sans armes. C'est le drame. Les sentinelles sont réduites au silence, le village est rapidement encerclé, puis les Allemands attaquent au centre. C'est la panique, chacun essaye de fuir en direction de la forêt toute proche. Les Allemands progressent irrémédiablement dans le village, appuyés par les tirs d'engins blindés. Les maisons sont incendiées. Roman Piotrowski, assisté de quelques amis, se retranche alors dans le bâtiment de l'hôtel qui leur sert de PC. Il tire sans relâche avec son fusil mitrailleur sur les Allemands pour couvrir la retraite des maquisards qu'il invite à rejoindre la forêt. L'hôtel est bientôt bombardé, puis incendié et son toit s'écroule sur les partisans retranchés. Cependant les agents de liaison Henriette Podlejska et Irène Zamojska réussissent à s'enfuir, en dépit de leurs graves brûlures. Les Allemands donnent alors l'assaut, puis tous les autres défenseurs périssent. Roman Piotrowski est retrouvé brûlé vif, les mains crispées sur son fusil mitrailleur. Ajoutons que Rajmund Walas, d'abord grièvement blessé, tombe aux mains des Allemands qui le brûlent vif. Le bilan est très lourd : onze partisans polonais, deux Français et quatorze maquisards de nationalités diverses sont tués. Les pertes allemandes sont également très nombreuses.
Le 15 août 1944, date du débarquement des forces françaises et américaines en Provence, donne le signal du soulèvement général dans le Bassin minier du Tarn. La Compagnie polonaise 4214 est reconstituée avec 120 hommes, puis placée sous le commandement de Stanislas Laskawiec, de son vrai nom Boleslaw Tachman, Capitaine Stasiek. Les partisans polonais s'impliquent alors dans les combats pour libérer Carmaux, puis Albi. Des câbles électriques sont coupés sur la ligne Albi-Castres, des barricades sont édifiées et des barrages organisés sur les routes de Carmaux-Rodez et Carmaux-Bourgnounac. Ils tiennent l'aile ouest durant l'attaque livrée par l'ensemble des partisans sur Carmaux. Ils luttent aussi dans la ville même, pour chaque rue, et chaque maison. Enfin, à la fin de la journée, les Allemands capitulent. Carmaux est libre. Le 19 août, les combats se déplacent vers Albi. Vers 14 heures, la compagnie polonaise entre la première dans le chef-lieu du département. Mais deux jours après, les Allemands tentent de reprendre la ville, en menant une contre-attaque le 21 août du côté de Villeneuve-sur-Vère. De nombreux Polonais tombent au cours de ces combats. Le 24 août 1944, la compagnie polonaise 4214 qui, par ses effectifs, devient un bataillon, se trouve dans la ville libérée, avec le sentiment d'avoir accompli son devoir patriotique jusqu'au bout. Elle est mise au repos dans une caserne. L'aspiration de ses combattants est maintenant de marcher sur Berlin, puis de rejoindre la Pologne.
Extrait de Jean Medrala, "La compagnie FTP-MOI 4214 du Tarn" in DVD-ROM La Résistance polonaise en France, AERI, 2013