Analyse média

Au mois d’août 1944, l’usine Mibau dans laquelle Pierre Provost doit travailler jusqu’alors est détruite par un bombardement des Alliés. Suite à la récupération de 5 kg de bronze dans les décombres de l’usine, Pierre Provost se met à exécuter plusieurs croquis qui vont lui permettre de réaliser un peu plus tard une série de briquets sur les tours et fraiseuses des usines de l’Optik et de la DAW, qui ont échappé au bombardement.

La conception et la réalisation de ce briquet traduisent toute l’ingéniosité de Pierre Provost. Il a fabriqué lui-même les outils nécessaires au gravage, et a conçu un système de double allumage qui permet d’éviter les pannes à un objet assurément utile dans le contexte qui l’a vu naître.

Le briquet est gravé avec une extraordinaire minutie. L'avers représente le crématorium du camp surplombé de la mention « Buchenwald 1945 Croix-Rouge ». Sur le revers sont représentées la Croix rouge dans le ciel et une vue du camp de la route de Weimar.

Cet hommage à la Croix-Rouge s'explique au vu d'une lettre envoyée par Pierre Provost à son épouse, après son retour en France : "Deux Allemands m'ont alimenté en cachette. Les rares colis qui nous sont parvenus, ceux de la Croix-Rouge et les tiens, m'ont sauvé la vie".

En 1946, un des briquets est exposé à la Bibliothèque nationale ; plus tard, le modèle sera même déposé à l’Institut National de la Propriété intellectuelle.

 

Contexte historique

Né en 1895 en Ile-de-France, Pierre Provost est formé aux Arts du métal dans les ateliers du compagnonnage. Lors de la Première Guerre Mondiale, il combat notamment à Verdun et, comme bien des "Poilus", s'adonne à l'artisanat de tranchées, ciselant et gravant des douilles d’obus pour en faire des vases. Entre les deux guerres, il travaille chez l’avionneur Hispano-Suiza comme dessinateur de projets puis chef d’atelier.

Mlilitant du PCF dès les années 1920, il participe à la résistance communiste sous l'occupation allemande, fabriquant notamment des faux papiers et l'outillage nécessaire à leur confection, avant d'accéder en mai 1943 à une fonction importante au sein de l'appareil technique des Francs-Tireurs et Partisans français. Mais il est arrêté le 27 juillet, incarcéré à Fresnes avant d'être envoyé au camp de Compiègne, puis déporté en Allemagne, en janvier 1944, vers le camp de concentration de Buchenwald.

En raison de ses qualifications, il est affecté à l'usine Mibau, rattachée au camp, pour travailler sur les systèmes de guidage des bombes volantes V1. Tout en participant aux efforts de sabotage de la production, il profite des moments où la surveillance se relâche pour dessiner et graver, à la demande de ses camarades, des médailles ou d’autres petits objets avec les matériaux qu’il a à sa disposition à l'usine ou dans le camp. Un véritable symbolisme se manifeste à travers les motifs décorant ses productions: ils témoignent de l’épreuve de la déportation et de l’esprit de solidarité et de résistance qui se déploie envers et contre tout au sein du camp.

Pierre Provost rentre chez lui seize jours après avoir pris part à la libération du camp, survenue le 11 avril 1945. Dans la suite de sa vie, il a consacré une bonne partie de son temps à la mémoire des déportés de Buchenwald. Il est décédé en 1986 à Villejuif.