Eugène Thiot

Légende :

Eugène Thiot, gérant de la boulangerie coopérative du quartier de la Galine, et bras-droit du responsable des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) de Saint-Rémy-de-Provence, Casimir-Pierre Mathieu, dit Saint-Clair

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Collection R. Mencherini Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique de couleur sépia.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Saint-Rémy-de-Provence

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Eugène Thiot, né le 1er juin 1909 à Rainvillers (Oise), fils d’Auguste Théophile Thiot, charretier, et de son épouse Mathilde Augustine Capiaux, est issu d’un milieu modeste. Bien qu’originaire du nord de la France, marié avec une Méridionale, Anne-Marie Richard, il est, au début des années 1940, installé à Saint-Rémy et gère l’Amicale, la coopérative de boulangerie du quartier de la Galine. En 1944, Eugène Thiot élève dans ces locaux ses cinq enfants, âgé de quatre à douze ans, avec son épouse, enceinte d’un sixième. Marcel Bonnet, chroniqueur de Saint-Rémy, le présente comme « un homme jeune, actif, laborieux, disert, hospitalier », animateur, avec sa femme, de la coopérative boulangère qui constitue un lieu de sociabilité important dans ce quartier très agricole. On vient facilement y discuter autour du pétrin et du fournil.

Les sentiments très républicains d’Eugène Thiot l’amènent à ravitailler en pain des réfractaires, à héberger des pourchassés. Engagé dans la Résistance, il devient le lieutenant de Casimir-Pierre Mathieu, Saint-Clair, responsable des MUR à Saint-Rémy. Chargé plus particulièrement de l’armement et de l’action, Eugène Thiot mène, à ce titre, plusieurs opérations de sabotage de voies ferrées ou de pylônes de lignes électriques à haute tension, faisant preuve, selon plusieurs témoignages, de témérité et de courage.

Lors du débarquement de Normandie, la Résistance est appelée à se mobiliser. On pense même, dans la région, qu’un autre débarquement est imminent en Provence. Dès le 7 juin 1944, sur ordre de Saint-Clair, Eugène Thiot commence à répartir les armes et munitions dissimulées. Mais les occupants sont également sur le qui vive et interviennent rapidement contre les tentatives de constitution de maquis. Sans que l’on sache très bien comment ils sont informés, le 9 juin 1944, les Allemands bouclent le quartier de la Galine où, parallèlement, des commandos de légionnaires français de la 8e compagnie Brandebourg s’infiltrent pour jouer la comédie des faux résistants, avant de se dévoiler. Ce qu’ils font dans plusieurs mas de la Galine, puis à la boulangerie, où ils demandent même à madame Thiot de cuire un agneau volé.

Lorsqu’Eugène Thiot regagne la boulangerie dans la soirée du 9 juin, il se trouve nez à nez avec l’un de ces commandos qui tient en garde sa femme et plusieurs Saint-Rémois victimes du piège. Arrêté par les légionnaires Brandebourg qui tombent le masque, Eugène Thiot est conduit dans la gloriette proche avec Pierre Barriol*, Charles Gras*, Delfo Novi*, Louis et Marcel Roudier*. Ils sont très durement torturés, tandis qu’enfermés dans une chambre voisine, la femme et les enfants d’Eugène Thiot entendent leurs cris de douleur. Celui-ci succombe vraisemblablement sous les mauvais traitements. Les Allemands alléguèrent une tentative de fuite, thèse reprise par les rapports de gendarmerie. Son corps inerte est hissé sur un camion amené par les soldats allemands, dans lequel est déjà probablement enfermé un jeune Lyonnais, René Neyrand*. On y fait également monter les autres hommes arrêtés et le véhicule prend la route d’Orgon. Trois kilomètres plus loin, au lieu-dit « Les Agriottes », les Allemands jettent dans le fossé le corps d’Eugène Thiot, dépouillé de ses chaussures, de sa montre et de son alliance. Sa dépouille mortelle est découverte au petit matin.

Eugène Thiot fut reconnu responsable d’un groupe des Mouvements Unis de la Résistance (MUR), des Corps francs de la Libération (CFL) et de l’Armée secrète (AS). Mais Casimir-Pierre Mathieu fait également état de son appartenance aux FTPF, tout en certifiant qu’il était placé directement sous ses ordres, ce qui est possible au cours de l’évolution d’un groupe composite comme celui de la Galine. Titulaire des cartes de combattant de la Résistance et combattant volontaire de la guerre de 1939-1945, Eugène Thiot fut homologué sous-lieutenant et promu ensuite lieutenant à titre posthume. Il obtint les mentions « Interné résistant » et « Mort pour la France ». Il fut décoré, à titre posthume, de la Croix de guerre avec étoile de bronze, puis avec palme, et, en juin 1961, de la Croix de chevalier de la Légion d’honneur.

Une plaque commémorative a été disposée à l’endroit où son corps gisait, dans le fossé, en contrebas de la route de Saint-Rémy à Orgon. Son nom figure sur les deux plaques apposées sur le mur de l’ancienne coopérative de la Galine, sur la plaque « Guerre de 1939-1945 » du monument aux morts de la place de la République. Il est gravé sur celle des FTPF, scellée au début de l’avenue de la Résistance au centre de Saint-Rémy et sur le monument aux morts de la Résistance du cimetière de cette ville. Une rue de Saint-Rémy porte le nom d’Eugène Thiot, qui est également inscrit sur le monument aux morts de Rainvillers.

 

[*Se référer aux biographies dans le bandeau des médias.]


Auteur : Robert Mencherini

Sources :

Dossier DAVCC Caen, 21 P 159970 ;

Archives départementales du Gard, 3U7, article 252, dossier Paolino Honoré ;

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 129, rapports de gendarmerie, 11, 12 et 16 juin 1944 ;

Casimir-Pierre Mathieu, La résistance à l’oppression, la première et deuxième guerre mondiale, La Résistance, Saint-Rémy, chez l’auteur, Cavaillon, Imprimerie Mistral, 1978, pp. 316 et sq. ;

Marcel Bonnet, « Le massacre de “La Galine”, 9-10 juin 1944 », Revue de l’Amicale laïque de Saint-Rémy-de-Provence, 1984, reproduit (avec des documents) in Marcel Bonnet, Le massacre de “La Galine”, 9-10 juin 1944, présenté par André Bonafos et par Rémy Bonein (chef de groupe du quartier de la Galine 1940-1943), Eyrargues, Édition espace culturel Eyrarguais, 1991 ;

Véronique Sassetti, « Saint-Rémy-de-Provence pendant la Seconde Guerre mondiale », mémoire de maîtrise, dir. R. Mencherini, Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, 1996, dactylographié ;

Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944), Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011 ;

Robert Mencherini, notices de La Galine, lieu d’exécution, et biographies des victimes, Dictionnaire Maitron des Fusillés (et sur le site Internet Maitron en ligne) ;

État-civil.