Pierre Vauthier, 1er correspondant du CH2GM

Légende :

Pierre Vauthier, ancien résistant et déporté, premier correspondant départemental de la Commission d’Histoire sur l’Occupation et la Libération de la France (CHOLF), puis du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale

Genre : Image

Type : Ecrits

Source : © AN 72AJ/1908, mouvement Résistance Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur (2016). Voir également l'album lié.

Date document : 15 avril 1950

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne

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Analyse média

Responsable de la SFIO pour le département de l'Yonne avant-guerre, résistant jovinien, responsable civil du mouvement Libération-Nord dans l'Yonne, Pierre Vauthier fut arrêté avec son épouse en mars 1944, puis déporté à Neuengamme. Libéré en 1945, guéri de la tuberculose en 1948, il prend contact avec Henri Michel, historien résistant animateur de la Commission d’histoire sur l’Occupation et la Libération de la France (CHOLF) et devient délégué départemental de cette institution, puis du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale qui lui succède. Il entreprend alors de sillonner le département à la recherche d'anciens résistants qu'il connaît ou qu'on lui a signalés, procède à des entretiens et transcrit leurs témoignages.

Ce document est l'ébauche manuscrite d'une première synthèse sur l'implantation du mouvement Résistance dans l'Yonne. Il y évoque surtout le premier noyau de la résistance sénonaise, affilié au mouvement Ceux de la Libération, ainsi que le résistant du BOA dont le pseudonyme est Etienne, qui fut à l'origine d'une série d'arrestations en octobre 1943 dans le Sénonais, puis au printemps 1944 dans l'Yonne et dans la Nièvre, dont d'ailleurs celles de Pierre Vauthier et de son épouse Germaine.

Les notes de Pierre Vauthier furent déposées, après sa mort, par son épouse Germaine aux Archives départementales de l'Yonne, où elles sont conservées dans la série 33 J. Mais on en trouve aussi dans les papiers du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, sous la cote 72 AJ/208 aux Archives nationales. Celles-ci sont intégrées dans un dossier consacré au mouvement Résistance, sous la cote 72 AJ/1908 des Archives nationales (fonds Yvette Gouineau).


Auteur : Joël Drogland

Sources :

Archives départementales de l'Yonne, 33 J 1.

Archives nationales, 72 AJ/208 et 72 AJ/1908.

Contexte historique

Pierre Vauthier fut d'abord un acteur de la résistance icaunaise, il fut ensuite le premier à contribuer à en écrire l'histoire. Ses travaux réalisés au début des années 1950 ont été une source essentielle aux historiens de la fin du XXe siècle.

Né en 1901 à Saint-Amand-en-Puisaye (Nièvre), fils d'un petit paysan, Pierre Vauthier est nommé professeur d'histoire-géographie au collège de Joigny en 1927. Dans cette ville, il fonde le cercle Jean-Jaurès, cercle d'éducation populaire. Adhérent à la Ligue des droits de l'Homme, il rejoint très tôt la SFIO et devient secrétaire fédéral en 1933. Il le reste jusqu'en 1940. Au sein de la SFIO de l'Yonne, il défend les thèses de Léon Blum. Pendant l’Occupation, Pierre Vauthier participe avec son épouse à la fondation du groupe jovinien Bayard. En juin 1943, il est contacté par Henri Ribière, membre de la direction nationale de Libération-Nord et chargé d’implanter le mouvement dans l’Yonne ; il en devient le responsable civil. Pierre et Germaine Vauthier sont arrêtés le 21 mars 1944 sur la dénonciation de Marius Guillemand (Etienne), qu’ils avaient reçu à leur domicile. Germaine Vauthier est libérée mais son mari est emprisonné à Auxerre, torturé puis déporté à Neuengamme le 6 juin 1944. Après avoir travaillé dans les kommandos les plus durs, il est transféré à Sachsenhausen où l'Armée rouge le libère en mai 1945. Il revient des camps gravement malade ; il est soigné pour tuberculose pulmonaire de 1945 à 1948. Il reprend ensuite ses fonctions de secrétaire fédéral de la SFIO et fonde en 1955 le journal socialiste Le Réveil de l'Yonne, journal à parution régulière jusqu'en 1978. Au sein de la SFIO, il défend les positions de Guy Mollet. Il demeure secrétaire fédéral jusqu'à sa mort en 1967.

Dans l'Yonne comme partout ailleurs, l'histoire de la Seconde Guerre mondiale a d'abord été celle de la Résistance, et elle a d'abord été faite par les résistants eux-mêmes. Dès la fin de la guerre ont été mises en place des institutions nationales destinées à constituer des archives, à recueillir les témoignages des acteurs, pour « saisir les événements avant qu’ils ne soient entrés dans l’histoire » d’une part, pour commencer un travail d’histoire, d’autre part. Il s’agit de la Commission d’Histoire sur l’Occupation et la Libération de la France (CHOLF), à vocation documentaire, créée dès le 20 octobre 1944, et du Comité d’histoire de la guerre, fondé le 6 juin 1945. La CHOLF est dirigée par Edouard Perroy, résistant, historien spécialiste du Moyen-Âge ; le Comité est constitué d’historiens connus, comme Lucien Febvre et Pierre Renouvin ; le secrétaire général est Henri Michel, résistant et historien. Ces deux structures fusionnent en 1951 pour former le Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, où Henri Michel joue un rôle essentiel. Il est décidé qu’il y aura un correspondant dans chaque département. La préoccupation principale était de recueillir le maximum de documents, d’archives, de témoignages, avec le sentiment de l’urgence : les souvenirs sont encore « frais ». Cela a permis que soient regroupés des documents précieux dans une série des Archives nationales créée à cet effet, 72 AJ, dont la consultation est encore aujourd’hui un passage obligé pour tous ceux qui travaillent sur cette période. Ces archives ont leurs limites, que les historiens connaissent bien, qui découlent des règles de la sociabilité : les enquêteurs ont privilégié les témoignages des camarades qu’ils connaissaient, avec lesquels ils ont lutté, qui appartenaient à leur organisation.

Dans l’Yonne, le premier correspondant de la CHOLF puis du Comité d'Histoire de la Deuxième Guerre mondiale a été le résistant Pierre Vauthier. Resté en fonction jusqu'en 1956, il a beaucoup travaillé de 1950 à 1953, entretenant une correspondance fournie avec Henri Michel. Les correspondants suivants ont travaillé dans le cadre de grandes enquêtes nationales dirigées par Henri Michel et quelques universitaires. René Regnard, militant socialiste dans les années 1930, résistant membre du Front national et du Bureau des opérations aériennes, déporté, vice-président de l’ADIF à son retour, a établi la Carte de la souffrance – réalisée dans tous les départements – et participé à l’enquête sur la déportation, puis son épouse, Mme Regnard, a rédigé plusieurs milliers de fiches pour établir une chronologie de la Résistance et a dépouillé à cette occasion les rapports de police et de gendarmerie. Résistants eux-mêmes, militants de la mémoire au sein d’associations, ces premiers historiens avaient vécu les années noires et disposaient de réseaux qui leur ont permis de recueillir des témoignages qui seront exploités par la génération des historiens qui leur succédera.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI - ARORY, 2004.

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J. Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éd. Tirésias, 2007.
 
Joël Drogland, « Écrire l'histoire de l'Yonne dans la Seconde Guerre mondiale. Sources, méthodes, enjeux », in Bulletin de la Société archéologique de Sens, Tome IX, 2016, pp. 149-184.