La guerre des haies

Légende :

Un char léger Stuart, vient de traverser avec succès une haie.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © National Archives and Records Administration, Washington Libre de droits

Date document : 15 juin 1944

Lieu : France - Normandie (Basse-Normandie) - Manche

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Analyse média

Ce blindé léger est équipé du dispositif "hedge-cutter" lui permettant de sectionner les haies. La photographie a été prise le 15 juin 1944 lors de la démonstration de ce dispositif devant le général Bradley. 



Contexte historique

La configuration du bocage normand, compsée de petites prés bordées de haies, rend impossible l'alignement d'un front d'attaque et facilite les prises de flancs. L'état-major américain qui n'imaginait pas de livrer des combats intenses dans cette zone, avait sous-estimé la configuration du terrain rendant problèmatique le mouvement des hommes qui ne pouvaient pas avoir une bonne visibilité et des blindés. Chaque haie présente un nouveau retranchement à conquérir, exposant l'infanterie et les blindés aux tirs des défenseurs. Elles favorisent les positions défensives allemandes et leur camouflage.

Les blindés alliés ne peuvent progresser sur ce terrain, où les routes sont étroites et bordées de hautes haies s'exposant aux tirs de l'artillerie ennemie. Même dans le cas où les blindés traversent les haies, la manoeuvre découvre le dessous du char non-blindé aux tirs de panzerschrecks (bazooka allemand), embusqués. L'avance américaine est très lente et coûteuse en vies humaines. Il faut parfois plus d'une dizaine de morts pour prendre un prè ou une haie. 7 000 GI's seront tués ou blessés pour libérer le bourg de Sainteny, entre Carentan et Périers. 10 000 autres vont subir le même sort pour prendre la Haye-du-Puits, le 8 juillet et Lessay une semaine après, bien que cette dernière n' est distante que de 8 km. Le moral des troupes américaines est atteint dans cette guerre d'usure, où chaque haies prise avec difficulté ressemble terriblement à la précédente. Début juillet les Américains vont perdre un homme par métre de progression de la ligne de front. Les pertes seront encore plus sévères lors de la prise de Saint-Lô, âprement défendue par un régiment parachutiste allemand depuis les collines au Nord de la ville. Juillet sera probablement le mois le plus difficile pour les Alliés sur le front de l'Ouest. Selon leurs plans à D+60, ils auraient dû libérer la Bretagne et avoir atteint la Loire, alors qu'ils sont bloqués au Nord d'une ligne Caen/ Saint-Lô, n'ayant progresser que de quelques kilomètres en plus de trois semaines. L'état-major américain est inquiet à ce rythme, il craint de livrer un mois de combat supplémentaire pour pouvoir atteindre Coutances.

Afin de permettre un accompagnement blindés des troupes dans le boicage normand, l'US Army chercha des solutions pour que les chars puissent franchir les haies. Des bulldozers furent utilisés, mais ils étaient en trop petits nombres, des canons de gros calibres pour pulvériser les haies furent testés, des unités de blindés développèrent leur propre techniques par explosifs, mais les résultats restèrent mitigés. Un sergent tankiste Curtis G. Culin, trouva la solution simple mais efficace au problème. Il fixa sur l'avant de son char des lames d'acier permettant de trancher les haies à leur base. Ces lames étaient fabriquées avec les hérisson tchèques, sortes de chevaux de frise en poutrelles d'acier que les Allemands avaient disposés sur les plages et qui depuis le 6 juin étaient encores très nombreux. Le 15 juillet, le général Omar N. Bradley fut invité pour venir voir une démonstration du dispositif et convaincu, il ordonna que le plus de chars possibles en soient équipés, d'autant que une grande opération s'annonçait l'opération Cobra. Lors de la percée sur Saint-Lô, trois chars sur cinq possèdaient un hedge-cutter (coupeur de haies). l'aspect du dispositif valut aux tanks équipés le sobriquet de " rhino" pour sa ressemblance avec la corne de l'animal. Les Alliés ne sortiront de ce piège du bocage qu'avec le lancement de l'opération Cobra et le percement des lignes allemandes avec une nouvelle tactique définie par le général Bradley dite du "tapis de bombes" ( carpet- bomber). Le 25 juillet, 1 500 bombardiers saturent de bombes un couloir étroit de quelques kilomètres seulement entre les villages de la Chapelle-en-Juger et Hébécrevon, au Nord de la grande route joingnant Saint-Lô à Coutances, afin d'annihiler toute résistance allemande et de créer la brèche par laquelle les armées américaines vont s'engouffrer, marquant ainsi la fin de la Bataille des Haies. Les troupes allemandes usées elles aussi par deux mois de combats et manquant d'effectifs, ne pourront reconstituer rapidement une ligne de défense, permettant la percée d'Avranches et une guerre de mouvement plus favorable aux Allies .


Source : "La bataille des haies. 13 juin/24 juillet 1944" in Normandie-1944, L'été de la Liberté