La tête de pont de Mantes (19-23 août 1944)

Genre : Carte

Type : Carte

Source : © Département AERI de la Fondation de la Résistance Droits réservés

Date document : 19 au 23 août 1944

Lieu : France - Ile-de-FranceMantes-la-Jolie

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Contexte historique

Le 20 août au matin, la 79e division US traverse la Seine afin d'établir la tête de pont, le 313e régiment par le barrage de Méricourt et le 314e avec des embarcations entre Mantes-Gassicourt et Dennemont. La traversée du fleuve se déroule sans incident. Très vite les unités américaines étendent leurs positions occupant tout le secteur entre Vétheuil à l'ouest et Porcheville à l'est, soit un front de 15 kilomètres. Seule une résistance allemande a été rencontrée dans les bois de Follainville et Fontenay-saint-Père avec des éléments d'avant-garde de la 18e division d'infanterie de la Luftwaffe.

Après avoir pris une part déterminante dans la neutralisation des derniers occupants, Mantes se trouve libérée et aux mains de la Résistance, il en est de même pour la plupart des localités le long de la Seine, de Bonnières aux Mureaux. A l'arrivée des Américains, nombreux sont les résistants et volontaires qui veulent continuer le combat aux côtés des Alliés. Des actions concertées ont eu lieu sur La Roche Guyon et Villers en Arthies, mais l'engagement côté américain restera faible avec quelques véhicules de reconnaissance, et les Allemands réagiront violemment.

Dès le 18 août, le Commandant Schweitzer, chef régional des FFI-FTP sortant de la clandestinité, avait rejoint la région mantaise et  coordonnait les actions en collaboration avec les responsables locaux les lieutenants Thieffine et Nicolle des FTP. A Limay les Américains interdisent aux résistants de tirer. René Martin président du Comité de Libération en liaison avec le CIC américain (Counter Intelligence Corps) s'évertue à modérer les tirs dévastateurs de l'artillerie US qui a tendance à ouvrir le feu sur de maigres objectifs, provoquant d'inutiles destructions et victimes. 

Philippe Viannay mentionne dans ses mémoires le contact établi auprès des Américains à Vétheuil. : "Je fus informé par Jean-Jacques Bernier, un des jeunes médecins du secteur, que le commandement américain voulait me rencontrer. Les éléments les plus à l'ouest de notre groupe avaient eu plusieurs contacts avec les Américains, en particulier avec un officier de liaison français, le capitaine Marin. Marguerite-Marie Houdy et Marinette Bodénand le voyaient presque chaque jour, en passant à travers les lignes allemandes. Nous décidâmes de nous retrouver à Vétheuil où était l'état-major du corps d'armée. Les poches bourrées de croquis et d'informations, nous partîmes chacun de notre côté. Le brigadier Noël me prit en croupe sur sa moto. Il me conduisit au point où je devais rencontrer Marinette. En route nous rencontrâmes des chars allemands en train de se mettre en position. Dans un mauvais chemin, notre moto s'enlisa. Des soldats à l'uniforme noir, celui des chars, nous tirèrent d'affaire. J'en ai encore un peu honte. Passant à travers champ et des petits chemins, nous retrouvâmes la grande route. Un premier poste américain deux soldats mâchant du chewing-gun – nous accueillit. Le capitaine Marin nous attendait sur la place et nous prit en charge. Je communiquais mes renseignements ; l'officier américain qui les notait fut stupéfait que nous ayons pu passer au milieu du dispositif ennemi et mis quelques minutes à nous croire. Il transmit le tout au commandement et, quelques minutes après, de violents tirs d'artillerie commencèrent sur les positions que nous avions indiquées.
Viannay continue alors sa mission auprès des Américains, il part alors en compagnie de Jean Marin à l'état-major de Patton au Mans où il rencontre le Général Koenig, chef des forces de la résistance française.

Pendant ce temps, dans Mantes libéré où le bruit tonne constamment avec le Corps d'artillerie qui tire depuis la rive sud sur le Vexin, chacun essaie de survivre dans la cité en ruine. Le couvre-feu règne : seuls des laissez-passer permettent les déplacements d'une population qui reste à l'abri, réfugiée dans les villages avoisinants. De plus les nombreuse attaques aériennes allemandes sur Mantes même et les positions américaines près des ponts, sèment la panique et la consternation. Les Américains sont persuadés qu'il y a des espions dans la population. Ordre est donné de mener des patrouilles de police, de gendarmerie et de FFI sur tous les points marquants de la cité. Les tours de la collégiale sont perquisitionnées. En attendant de meilleurs auspices, les volontaires de la Résistance ayant récupérés les biens et les denrées abandonnés par l'ennemi, pourvoient à l'approvisionnement des sinistrés de la cité dévasté.

Sur le terrain, les Américains de la 79e division du Général Ira Wyche subissent les attaques quotidiennes de la 18e division du Général von Treskow, renforcée par l'escadron des chars Tigre du 503 Panzer Abteilung du Hauptmann Scherf. De plus, durant cinq jours, la Luftwaffe envoie la plupart de ses escadrilles disponibles sur le front de l'Ouest, soit près d'une centaine d'appareils qui chaque jour, viennent harceler les troupes et bombarder les passages sur la Seine. La DCA du 23e groupe antiaérien comptabilise au soir du 25 août une quarantaine d'appareils abattus, l'aviation américaine ayant perdu une dizaine de chasseurs.

Une contre-attaque a lieu le 23 août et Limay se trouve menacée d'être reprise. Les Américains, obligés de se replier, abandonnent Vétheuil, Drocourt, Guitrancourt, Gargenville. Ils sont contraints de se retrancher derrière un réseau de mines et de barbelés sur un front d'une dizaine de kilomètres entre St Martin la Garenne et Porcheville. Le cours de la Seine est traversé par un barrage de mines flottantes alors qu'en amont, Les Mureaux, Flins et la Mauldre ont été repris par le Kampfgruppe blindé du Major Pulkowski.

Une contre-attaque a lieu le 24, le 25, et surtout le 26 où les Allemands, ayant reçu le renfort de l'escadron des Tigres du 101e SS,  tentent une dernière fois d'emporter le verrou de Fontenay St. Père héroïquement défendu par les hommes du Colonel Teague.
Seul le considérable Corps d'artillerie avec près de 500 pièces parvient à briser les assauts, laissant par centaines les morts allemands sur le terrain. Les pertes sont effrayantes, près de 500 Allemands tués et 2.000 blessés et prisonniers. Les Américains ne déplorent que quelques dizaines de morts et 300 blessés.


Bruno Renoult in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004