La château d'Arthies

Légende :

Le château d'Arthies : lieu d'un affrontement entre un corps francs de Défense de la France et des Allemands le 21 août 1944 qui se solda par des terribles représailles

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © wikimedia Libre de droits

Détails techniques :

Photographie numérique couleur

Date document : 21 août 1944

Lieu : France - Ile-de-France - Val-d'Oise - Arthies

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Contexte historique

A Arthies à mi chemin entre Mantes et Magny en Vexin, un corps franc de Défense de la France improvisé par le châtelain du pays, le lieutenant Gérard de Francmesnil, décide de passer à l'action. Le 21 août, ses membres interceptent une avant-garde de la 18e division de la Luftwaffe, soit huit cyclistes qui sont désarmés et faits prisonniers. L'armement récupéré sert aussitôt à de nouvelles actions. Les résistants embusqués dans l'allée du château tombent sur une voiture Traction Avant Citroën, les Allemands surgissent mitraillettes au poing, un camion suit chargé d'une trentaine de soldats suivi d'un blindé léger. De Francmesnil et ses hommes attaquent, Ansel parvient à jeter des grenades sur le camion qui prend feu et explose avec les munitions qu'il transportait ; le mitrailleur du blindé est abattu. Après une demi-heure, l'ennemi se replie sur le village, puis reflue emportant morts et blessés, soit une quinzaine d'hommes dont deux gradés. C'est alors qu'un deuxième véhicule blindé de reconnaissance arrivant de Magny, est aussi repoussé et le mitrailleur abattu. Le blindé, attaqué à la grenade et au fusil n'a pas dépassé le village. Vers 16h30 on observe un petit convoi venant de Magny puis stationnant à l'entrée d'Arthies, un canon antichar, ouvre le feu un peu au hasard, des chenillettes blindées assurent la protection pendant que les Allemands relèvent leurs morts et blessés. Les Français comptent quatre blessés. Francmesnil envoie un messager vers les Américains alors au château de Fontenay, il fait savoir qu'il détient huit prisonniers et demande un soutien.

Au château du Mesnil, les hommes de la reconnaissance américaine voient arriver une femme à bout de souffle. Voici ce qu'elle leur déclare ou tout du moins ce qu'ils en ont retenu : "40 FFI ont capturé 40 Allemands qui sont détenus dans un château assiégé par 40 autres Allemands ! Les Français n'ont plus de munitions, ils demandent de l'aide." En fin d'après-midi vers 18h30, trois voitures blindés de la 3e section de Reconnaissance de la " C " Troop du Lieutenant Dove se rendent à Arthies, mais après avoir vainement attendu les Allemands, ils se replient laissant Arthies et ses habitants dans l'incertitude. Sur le moment les Américains n'ont pas compris ce qui s'était réellement passé et n'ont évidemment pas envisagé les représailles qui allaient suivre. Le FFI Paul Didier écrit : "Le soir de la bataille d'Arthies, je suis revenu avec les Américains que j'ai suppliés de venir nous aider, malheureusement les Allemands ne sont pas revenus ce soir là. Après avoir attendu un peu, les Américains sont repartis avec les prisonniers et ce pauvre Henri, qui était venu avec ceux d'Aincourt, m'a donné un coup de main à transporter Louis Fréville de Maudétour qui agonisait avec une balle dans le ventre. J'ai quitté Henri à la porte du Docteur Armandon qui l'a fait transporter au poste de secours américain de Follainville . Henri voulait que je passe la nuit chez lui, mais un pressentiment me disait qu'il ne fallait pas que j'y aille." Paul Didier échappera ainsi au destin tragique de son camarade qui sera pris dans la rafle le lendemain et fusillé à Charmont.

A la suite de l'action d'Arthies, les FFI s'étant retirés et n'ayant pas reçu le secours espéré des Américains, les Allemands revinrent en force, tirant au hasard dans les rues, jetant des grenades dans les cours et mettant le feu à un hangar. Un motocycliste informa le maire M. Pellé qu'ils allaient revenir brûler le village. Le lendemain, 22 août, une unité de police, probablement des SS, commencèrent les représailles. Une première prise d'otage est effectuée à Arthies : le lieutenant Gérard de Francmesnil et le garde Georges Delage sont embarqués dans un camion. Une nouvelle rafle est opéré à Aincourt, Alexandre Palombe un Mantais de 43 ans réfugié dans la commune est saisi, mais il résiste et est abattu sur place ainsi qu'un autre habitant Maurice Parent. Cinq autres personnes d'Aincourt sont contraintes de monter dans le camion : Lucien Aguilhon, 16 ans ; Gabriel Bailly, 34 ans ; Jean Beaudouin, 36 ans ; Léon Karczewcki et Lucien Delattre de Mantes-la-Ville. Le camion reprend la route d'Arthies et embarque les deux jeunes frères Andrieux, Lucien et René ; Emile Doriac, 58 ans ; Georges Mercier, 39 ans et Henri Lambert, 58 ans. Le véhicule prend alors la route de Magny mais s'arrête à Charmont, il est environ 9 heures. Les nazis obligent Louis Blampain, un réfugié de Boulogne de 42 ans, à monter dans le camion, il tente de s'évader et est abattu. Yves Martin, 65 ans, sort de son jardin, il est abattu aussitôt et achevé à terre. Archange Biard, 84 ans, le grand-père de l'actuelle maire, rentre chez lui précipitamment, il a à peine refermé la porte qu'une rafale de mitraillette la transperce, blessé, il mourra plus tard de ses blessures. D'autres hommes sont pris en otage, mais Mme Wathier, qui est d'origine hollandaise et parle allemand, obtient la libération du jeune Victor Corbeau, âgé de 15 ans, et de Jean Meslay, le plus âgé de ses ouvriers agricoles. Le camion chargé d'otages prend la direction de Banthelu et s'arrête en rase campagne au lieu-dit "La Butte Rouge". Un autre camion, également chargé d'otages, arrive en provenance de Magny. S'adressant à Karczewski qui connaît leur langue, les policiers SS lui donnent l'ordre de dire aux prisonniers de retourner chez eux ! Ils font à peine trente mètres que le tir des mitraillettes les couche au sol ; il y a des tués et les blessés sont achevés par des grenades. Plusieurs réussissent à se sauver : Gérard de Francmesnil, Jean Drocourt, Célestin Groult et Louis Drouard, qui avaient été pris comme otages le matin même à 7 h 30 ; Lucien Noncher, Lejeune, et Maurice Lajoie. Les blessés, qui n'ont pu fuire, font le mort ; les Allemands ne s'attardent guère sur place car l'aviation alliée survole les lieux à ce moment. Treize corps reposent sur le sol mais trois des martyrs pourront être secourus peu après. Ont été tués : Lucien Aguilhon, Lucien et René Andrieux, Gabriel Bailly, Henri Beaudoin, Emile Doriac, Georges Delage, Léon Karczewski, Henri Lambert et Roger Mercier. A Aincourt, ont été tués Alexandre Palombe et Maurice Parent. A Charmont, ont été tués Louis Blampain, Yves Martin et Archange Biard.

A la suite du massacre, plusieurs personnes sont allés au-devant des Américains à Fontenay Saint Père et Vétheuil, pour chercher des secours pour les blessés. Certes les Américains en avait récupéré un certain nombre. Citons la section de reconnaissance de la 79e division commandée par le Lieutenant Robert Dove qui, prévenue à Fontenay, vient à Arthies : "Nous avons attendu autant que possible jusque tard dans la nuit un éventuel retour des Allemands, puis nous avons du nous retirer." Une première tentative est exécutée par Jean Jacques, médecin auxiliaire du secteur C, qui arrive à Arthies le 23 août à 6 heures du soir, après avoir traversé les lignes allemandes : "On me prévient qu'il s'y trouve deux blessés, l'un avait l'épaule traversée par une balle. Dans son état seule solution possible : demander du secours aux Américains. Pensant pouvoir revenir avec l'ambulance, je pris avec moi une jeune fille d'Arthies qui s'offrit spontanément pour cette mission dangereuse, Renée Lejeune épouse Rosentritt. La traversée des lignes fut délicate, nous passons à travers un barrage d'artillerie américaine à Saint-Cyr-en-Arthies, puis d'un barrage allemand à Vétheuil. J'obtins de l'hôpital de Mantes une ambulance qui repartit le 24 août à 8 heures du soir, conduite par un interne, avec moi comme guide, pour Vétheuil et Arthies. Malheureusement, un bombardement intense de la route de Vétheuil par les Allemands, nous obligea à rebrousser chemin. Je décidai de passer coûte que coûte, à pied, par Vétheuil. A la sortie vers 3h30 je suis arrêté par une patrouille allemande qui attaquait la localité, puis gardé par une soldat et un sous-officier. Vers 8 heures du soir, à 200 mètre d'un PC où le sous-officier était parti " m'annoncer " au commandement, je profitais d'une seconde d'inattention de la sentinelle pour m'enfuir à travers prés, enjambant mûrs et clôtures. On tira sur moi sans m'atteindre et plongeais dans le lit d'un ruisseau. Dissimulé là en laissant passer les patrouilles qui me recherchaient, je passais la nuit là entouré des éclatements de l'artillerie allemande et américaine. Le 25 août au petit jour, je remontais en rampant le cour de la rivière. J'atteignis un petit village d'apparence calme et inoccupé… (probablement Vienne-en-Arthies, ndla) Une heure après les Allemands y entraient. Je disparus encore une fois dans un buisson au fond d'un ravin, au milieu du village, les soldat venant prendre position à dix mètres de moi."

Malgré l'échec de l'odyssée de Jean Jacques, les blessés devaient être soignés. Le 24 août l'infirmier Michel parvient à Arthies, où il fait du sérum anti-gangreneux aux deux hommes qui sont dans un état alarmant. (ces blessés se trouvaient à la ferme du maire Mr Pellé veillé par leurs familles, ndla). Aussitôt il part pour Vallangoujard au PC sanitaire de la résistance pour y prévenir "Tristan" ( le docteur Claude Dufourmentel du mouvement Défense de la France ). Celui-ci réussit à atteindre Arthies à travers le no man's land, avec une ambulance, son équipe, et du matériel chirurgical. Les deux blessés sont opérés chez l'habitant, à 7 heures du soir, grâce à l'éclairage de secours. Sous un bombardement intense, Tristan pratiqua dans des conditions sommaire une désarticulation de l'épaule. Jusqu'au 29 août, les blessés reçurent des soins réguliers de Michel. Ce jour là les Américains arrivaient, et une heure plus tard ils prirent en charge les blessés dont l'état restait, malgré tout, satisfaisant.

A l'emplacement du massacre, un monument commémoratif a été élevé à l'initiative des habitants qui viennent s'y recueillir chaque 22 août.


Bruno Renoult in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004