Installation de la nouvelle municipalité de Saint-Donat-sur-l’Herbasse
Légende :
Le 4 juin 1941, le préfet de la Drôme procède à l’installation d’une nouvelle équipe municipale.
Genre : Image
Type : Document officiel
Source : © Archives communales de Saint-Donat-sur-l’Herbasse Droits réservés
Détails techniques :
Registre avec des textes manuscrits, à l’encre noire.
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Donat-sur-l’Herbasse
Analyse média
Il s’agit de la délibération d’installation de la nouvelle municipalité de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, nommée de façon arbitraire par le préfet de la Drôme.
Le document comprend deux colonnes préétablies :
- à gauche « Objet de la délibération »,
- à droite, « Texte de la délibération ».
Les textes sont manuscrits, à l’encre noire.
Transcription de la délibération :
Le 4 (quatre) juin, mil neuf cent quarante-un, quatorze heures,
M. le Préfet de la Drôme a procédé à l’installation de la nouvelle municipalité, désignée par les arrêtés ci-dessous.
Arrêté préfectoral en date du 29 avril 1941 :
M. Merlin Gustave, négociant, est nommé Maire de St-Donat-s/l’H.
Arrêté préfectoral en date du 6 mai 1941 :
MM. Barret Henri, notaire
Grenier Charles, cultivateur
sont respectivement désignés 1er et 2ème Adjoints au Maire de St-Donat-s/l’H.
Arrêté préfectoral en date du 6 mai 1941 : MM. Astier Fernand, négociant ; Barret Henri, notaire ; Bonin Jean, bourrelier ; Bouvarel Gaston, entrepreneur de transport ; Catil Georges, menuisier ; Chotan Louis, cultivateur ; Clément Henri, contremaître ; Durand Léon, retraité ; Grenier Charles, agriculteur ; Grenier Élie, agriculteur ; Monier Henri, coupeur en chaussures ; Monier Paul, agriculteur ; Rolland Louis, agriculteur ; Roybet Alexandre, industriel ; Rissouan Paul, officier en retraite (illisible) [ dans la marge : démissionnaire le 3 janvier 1943. Remplacé par M. Morette, arrêté du 20 janvier 1943]; Meunier Joseph, agriculteur. Mme Sauvageon Louis.
Tous domiciliés à St-Donat. Ils conserveront leur mandat pendant la durée d’application de la loi du 16 novembre 1940. Mme Sauvageon Louis a été rajoutée (arrêté du 9 octobre 1941), une recommandation ou une exigence de Vichy était qu'il y ait une femme (pour s'occuper des affaires familiales et sociales, des bonnes oeuvres ...).
Six des « nouveaux » conseillers étaient déjà membres du Conseil municipal élu en 1935 (Monier Paul, Roybet Alexandre, Rolland Louis, Grenier Charles, Merlin Gustave, Grenier Élie). L’ancien maire reste conseiller municipal, l’ancien 1er adjoint est nommé maire. Nous ne connaissons pas les raisons de la démission de l’ancien maire (raison de santé, de disponibilité ?). Il ne s’agit certainement pas d’une divergence politique puisqu’il reste conseiller. On remarque aussi que l’ancien maire, petit industriel, et le nouveau, négociant, appartiennent à la même couche sociale. Par contre, 15 conseillers élus de l’ancienne municipalité sont éliminés, certainement parce qu’ils sont considérés comme hostiles à l’orientation politique de l’État français.
À noter que c’est le préfet qui nomme le maire, les adjoints et les conseillers. Il n’y a même pas de vote au sein du conseil pour en désigner les responsables.
Auteurs : Jean Sauvageon
Contexte historique
Le régime de Vichy avait besoin de municipalités favorables à sa politique ou, tout au moins, ne manifestant pas leur hostilité. Celles qui n’étaient pas dans la ligne étaient destituées et remplacées par une nouvelle désignée et non élue ou, par la suite, par une « délégation spéciale ». La destruction de la préfecture de la Drôme par le bombardement d’août 1944 fait que nous pouvons difficilement faire un inventaire exhaustif des communes concernées dans l’ensemble du département. Celles concernant les arrondissements de Nyons et de Die ont pu être conservées dans les sous-préfectures et nous permettent de se faire une idée du climat détestable qui régnait.
Dans l'arrondissement de Nyons
On constate que le nombre de démissions volontaires de maires, d'adjoints et de conseillers municipaux est extrêmement élevé. La plupart du temps, ce sont des raisons de santé qui sont évoquées pour justifier ces retraits des maires :
Villeperdrix le 6 septembre 1940 ; Valouse et Sainte-Jalle en novembre 1941 ; Montjoyer en avril 1941 ; La Charce, en février 1942 ; Eygalayes, en juillet 1942 ; Mollans, en janvier 1943 ; Le Pègue, au début 1943 ; Venterol, en octobre 1943 ; La Roche-sur-le-Buis, en août 1943 ; Barret-de-Lioure, en octobre 1943 ; Bésignan, en janvier 1944 ; Châteauneuf-de-Bordette, en mars 1944 ; Laborel, en avril 1944, parfois la surcharge de travail comme à Saint-Ferréol-Trente-Pas, en décembre 1941. La bureaucratie mise en place par Vichy, ne serait-ce que la multiplicité des cartes de rationnement à distribuer, les enquêtes multiples, pèse sur nombre de petites communes où le maire remplit toutes les tâches.
Est-ce que ce sont les véritables raisons ? Sous ces prétextes, n'y a-t-il pas une divergence avec la politique du gouvernement de Vichy ? Dans quelques cas, ce sont les difficultés à résoudre les problèmes qui amènent la démission, comme le manque de pain, par exemple à La Baume-de-Transit ou aux Granges-Gontardes, en avril 1943.
L'évolution des sentiments de la population de plus en plus favorables à la Résistance a influé aussi sur ces décisions. Cela est dit très clairement par le conseil municipal des Pilles qui démissionne collectivement le 6 juin 1944 bien que "fermement attaché à la Rénovation nationale", mais qui n'est pas sûr de la confiance de la population.
Le maire de Bouchet est suspendu de ses fonctions par le préfet, le 13 octobre 1939, jusqu'à la fin des hostilités, sans autres précisions.
Émile Chazalon, maire de Saint-Restitut, est démissionné d'office, le 18 novembre 1941, parce que "son nom figure sur la liste des dignitaires et officiers des loges de la franc-maçonnerie" parue au Journal Officiel du 18 octobre 1941.
Le nombre de municipalités dissoutes, par arrêtés ministériel ou préfectoral est important. Les raisons ne sont pas toujours explicitées. Les municipalités sont remplacées par des "délégations spéciales" dont les membres doivent être de fidèles serviteurs du régime. Une note du ministre, secrétaire d'État à l'Intérieur du 6 décembre 1941 aux préfets précise : "J'attire votre attention sur la nécessité de ne pas omettre de préciser dans vos rapports l'âge, la profession, la situation de famille, l'état des services militaires, le passé politique et les tendances actuelles des candidats". Pour trouver ces candidats ou les membres de la délégation spéciale, bien dans la ligne, le sous-préfet fait appel, comme à Donzère, au président de la Légion française des combattants.
Dans quelques cas, les raisons sont clairement indiquées dans le dossier. Pour Tulette, le commissaire spécial du gouvernement s'adresse, le 16 décembre 1940, au préfet de la Drôme pour dénoncer la municipalité Front populaire, composée aux trois-quarts de communistes, et le secrétaire de mairie. "À mon avis, la dissolution du conseil municipal et la révocation de la municipalité s'imposent d'urgence", dit-il. Ce qui est fait par arrêté ministériel du 3 avril 1941. Le préfet installe une délégation spéciale par lettre du 6 mai 1941 et en nomme Raoul Mathieu président, assisté d’Albert Monier et Albert Rouit. Auparavant, Albert Jean, adjoint, avait été révoqué après condamnation par la Cour d'appel pour propos antinationaux.
Même situation à Buis-les-Baronnies dénoncée par une lettre du préfet au sous-préfet de Nyons, en date du 10 octobre 1940 : "L'attention de Monsieur le ministre de l'Intérieur a été appelée sur la situation de la commune de Buis-les-Baronnies dont le conseil municipal, à l'exception d'un membre, Monsieur le docteur Bernard, serait communiste. Je vous serais obligé de vouloir bien me faire connaître si le fait est exact et de me donner, le cas échéant, votre avis sur la suspension de cette assemblée, et la nomination d'une délégation spéciale dont vous voudrez bien me proposer la composition. Je vous demande également de vouloir bien m'adresser d'urgence un rapport sur les municipalités de votre arrondissement à l'encontre desquelles il vous paraîtrait opportun de prendre une mesure identique. Signé : Le préfet, J. Rivalland".
À Buis, la municipalité est dissoute et la délégation spéciale est rapidement désignée, M. Roustan en est le président assisté de messieurs Bernard et Laffont.
Le rapport du sous-préfet a dû être prompt et motivé puisque suivront la dissolution des conseils municipaux suivants et leur remplacement par une délégation spéciale, par arrêtés ministériels :
À Aulan, le 1er juin 1941, c'est le comte Charles de Suarez d'Aulan qui devient président, assisté de MM. Aubert et Prudon.
À Suze-la-Rousse, le 18 juillet 1941, c'est Albert Ponçon, assisté de MM. Armand et Boyer.
À Rochegude, le 31 octobre 1941, c'est M. Combe, assisté de MM. Gilles et Bocret.
À Bouchet, le 13 janvier 1942, c'est Clément Cabassut, assisté de MM. Jouran et Blanchard.
À Donzère, sur les conseils du président de la Légion, c'est Joseph Chopard, assisté de MM. Vabre et Gauthier.
À Reilhanette, le 4 juin 1942, c'est M. Joubert, assisté de MM. Girard et Arnoux.
Dans l'arrondissement de Die
Nous y faisons les mêmes constatations. Le nombre de démissions de maires, ou d'adjoints, est impressionnant : Eygluy, Rimon-et-Savel, Saint-Sauveur-en-Diois, Arnayon, Brette, Rottier, Autichamp, Chabrillan, Divajeu, La Roche-sur-Grâne, Aucelon, La Bâtie-des-Fonds, Fourcinet, Barsac, Die, Laval-d'Aix, Molières-Glandaz, La Chapelle-en-Vercors, Crest, Saint-Roman, Divajeu, Grâne. Les raisons évoquées sont surtout l'âge, l'état de santé, le travail trop important, le manque de secrétaire de mairie. Mais est-ce que ce sont toujours les véritables raisons ? Parfois, c'est le décès du maire qui entraîne son remplacement.
Même dans ces cas de démissions volontaires, la forme démocratique des remplacements n'est pas respectée. C'est le préfet qui nomme le nouveau maire et non le Conseil municipal qui l'élit.
En 1940 et début 1941, ce n'est pas encore la pratique des délégations spéciales qui est en cours, mais un remaniement du conseil municipal lorsque celui-ci n'est pas favorable à la révolution nationale, faisant fi de l'avis des électeurs qui l'a élu. C'est le cas de Crest. Par arrêté du préfet Rivalland du 18 janvier 1941, "Monsieur Rozier Félix, pharmacien à Crest, est nommé maire de la commune de Crest" et la lettre accompagnant l'arrêté est sans équivoque : "Je n'ai pas besoin de souligner quelle est, sur le plan communal, l'importance du rôle que vous aurez à jouer dans la Révolution nationale entreprise par le gouvernement de Monsieur le maréchal Pétain et je suis persuadé que, comme vous m'en avez donné l'assurance, vous apporterez à l'accomplissement de cette tâche tout votre dévouement, tout votre coeur et un loyalisme total envers le Maréchal de France chef de l'État." Le préfet demande au nouveau "maire" de constituer une liste de quarante noms, dans laquelle il choisira les vingt conseillers municipaux, "accompagnée d'une notice individuelle sur chaque candidat contenant votre appréciation personnelle sur ses mérites". Dans les conditions rappelées pour être nommé, il faut écarter ceux qui sont Juifs ou ceux qui ne possèdent pas la qualité française à titre originaire.
À Grâne, c'est l'adjoint au maire, Hector Gille qui est révoqué par arrêté du secrétaire d'État à l'Intérieur, Peyrouton, en date du 22 janvier 1941, "considérant que Monsieur Gilles, adjoint au maire de Grane (Drôme) observe une attitude hostile à l'oeuvre de redressement national entreprise par le gouvernement".
À Die, c'est le maire républicain, Jules Plan, qui est limogé et remplacé par son premier adjoint, le pharmacien Maurice Vérillon. Maurice Vérillon, destitué le 6 juillet 1944, restera jusqu'au 8 pour régler les affaires courantes. Bien que rappelé à ses fonctions le 23 juillet, il présente sa démission le 29 pour raisons de santé. Mais le préfet l'invite à rester pour expédier les affaires courantes. Le Conseil municipal, réuni le 10 août 1944, remercie très chaleureusement monsieur Vérillon dont l'action "a permis de limiter les représailles menaçant la ville, sauvant au-delà de toute espérance, vies humaines et biens matériels" et démissionne unanimement. Maurice Vérillon redeviendra maire de Die après la guerre.
Mais dès 1942, plusieurs municipalités sont dissoutes et remplacées par des délégations spéciales.
À Châtillon-en-Diois, un arrêté signé Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur, le 31 janvier 1942, dissout le Conseil et nomme une délégation spéciale. Elle est présidée par Léopold Lagier, notaire de 43 ans. Une enquête préalable nous apprend aussi que son "attitude politique passée" était "modérée" et que sa "tendance actuelle" est qu'il est "légionnaire". Les autres membres sont René Fraud, Aimé Lambert, Gaston Reboul. Le 5 mars 1942, un nouvel arrêté, signé Darlan, ajoute monsieur Garcin à la liste.
À Menglon, "considérant que Monsieur Rambaud, maire de la commune de Menglon, n'apporte pas une aide efficace à l'oeuvre de rénovation nationale, Monsieur Rambaud est déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions", également par arrêté du 31 janvier, signé Pucheu, une délégation spéciale est désignée. Le président est Georges Chauvin, par ailleurs secrétaire de la Légion, les membres sont Aimé Monge, "patriote à cent pour cent, hostile ouvertement au Front populaire", Albert Galland, "légionnaire" et Fernand Reynaud.
Pour Volvent, une lettre du sous-préfet au préfet dit notamment : "D'après les renseignements que j'ai recueillis et qui m'ont été fournis par différentes personnalités, la majorité des membres de l'Assemblée communale fait pour le moins preuve d'inertie et ne manifeste nullement son désir de contribuer à l'oeuvre poursuivie par le gouvernement". Ceci ne vise pas le maire, Adrien Laudet qui, par arrêté du 1er mars 1943, est désigné comme président de la délégation spéciale avec comme membres Léon Planel et Daniel Blache.
À Aouste, un arrêté du 22 mars 1943 dissout le Conseil et nomme une délégation spéciale, présidée par Adrien Gauthier, dont "l'attitude politique passée" est pour "une politique nationale, de droite" et qui est pour le "Révolution nationale". Il est assisté de Daniel Permingeat, d'Émile Girard et de Louis Albert.
À Barnave, l'arrêté du 21 mars 1943 dissout le Conseil, désigne comme président de la délégation spéciale Léopold Chauvin, "républicain modéré" dont les "tendances actuelles sont conformes à celles du gouvernement".
Le reste du département
Malheureusement, nous n'avons pas à notre disposition les dossiers de l'arrondissement de Valence. Cependant, nous pouvons citer d'autres cas dans le département de dissolution des conseils municipaux.
À Dieulefit, le maire Justin Jouve et la municipalité sont destitués en février 1941. Le colonel Pizot est nommé président de la délégation spéciale. Son attitude a, semble-t-il, couvert les activités clandestines de sa secrétaire de mairie, Jeanne Barnier, spécialiste de la fabrication de faux-papiers. Le maire Justin Jouve a été rétabli dans ses fonctions par le Comité local de libération, le 21 août 1944.
Le conseil municipal de Saint-Donat de 21 membres, dont le maire est Alexandre Roybet, est remplacé par un nouveau, désigné par le préfet qui procède à son installation le 4 juin 1941. Il nomme Gustave Merlin, négociant, comme nouveau maire. Six des anciens élus restent dans le nouveau conseil - dont Alexandre Roybet - complété de onze nouveaux membres. Ce n'est donc pas pour divergences idéologiques - au moins pour le nouveau maire et ses six collègues - que ce changement a eu lieu.
Le 16 janvier 1941, le maire de Tain-l'Hermitage, Nicolas, est révoqué par le gouvernement de Vichy et le conseil municipal dissous. Le préfet nomme Alphonse Besson au poste de maire.
Citons la municipalité de Saint-Uze, avec un maire, Francis Tarel, et une majorité communistes, remplacée par une délégation spéciale présidée par Fernand Garde, petit garagiste, assisté de Messieurs Séverin Sassoulas, président de la Légion, Delaunay, industriel et vice-président de la Légion, Joubert et Tessier.
Au Grand-Serre, en mai 1942, la municipalité conduite par Jean-Joseph Brenier est dissoute. La délégation spéciale est présidée par Alfred Lesage qui, par son courage, sauvera bien des vies et évitera les exactions. Il couvre ses administrés travaillant pour la Résistance. Le 9 octobre 1943, Lesage sera arrêté en même temps que la famille Brenier, dont son prédécesseur, et tous seront déportés.
D'autres communes dont nous ne pouvons préciser le nombre ont été affectés par ces mesures arbitraires : Saint-Vallier, Mirmande, etc.
Le gouvernement avait besoin de municipalités « à sa botte » pour faire passer auprès de la population sa politique de « Révolution nationale », ne tenant pas compte de l’avis exprimé par les électeurs. Le préfet désignait maires, adjoints et conseillers se basant uniquement sur l’enquête qu’il avait diligentée pour choisir ceux qui étaient bien « dans la ligne ».
Cependant dans quelques cas, le choix du préfet, comme à Dieulefit ou au Grand-Serre, n’a pas été conforme à ses souhaits.
Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.