Brassard du maquis Ventoux

Légende :

Brassard utilisé par les hommes du maquis Ventoux

Genre : Image

Type : Brassard

Source : © Collection Benoît Senne Droits réservés

Détails techniques :

Brssard en toile

Date document : 1944

Lieu : France

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Analyse média

Réalisé en toile épaisse beige, le brassard comprend en son centre un écusson tricolore sur lequel une croix de Lorraine jaune a été cousue. Des deux côtés de l'écusson, ont été brodées les lettres M et V pour Maquis Ventoux. 

Les tampons présents sont ceux de la commune de Flassan situé au pied du Mont Ventoux au sud. Ce brassard appartenait à Yves Pellen. Son nom est visible au dos. Yves Pellen est décédé le 9 novembre 2015 à l'âge de 91 ans sur la commune de Villes sur Auzon et a été enterré le 14 novembre 2015 à Flassan.


Fabrice Bourrée, Benoît Senne

Contexte historique

Le maquis Ventoux agit dans une zone peu peuplée et au relief tourmenté, sur les trois départements de Vaucluse, des Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence maintenant) et de la Drôme. En février 1944, l’état-major, avec à sa tête le colonel Beyne, est installé à Séderon, petit chef-lieu de canton drômois de 500 habitants. Les quatre sections sont étagées, entre 700 et 1 200 m d’altitude, sur le flanc de la montagne d’Izon-la-Bruisse, un village de moins de 30 habitants et près d’Eygalayes, qui compte environ 160 habitants. Le colonel Beyne, un officier de métier, a organisé son maquis selon ses habitudes, et non pour la pratique de la guérilla. On ne peut nier que cette installation néglige totalement les règles de sécurité minimale prescrite par la Résistance : un gros effectif (entre 150 et 200 hommes) au lieu de petits groupes, sédentarisé depuis plus de deux mois, alors que la mobilité doit être permanente, un lieu mal choisi, entre deux étranglements, qui se transformera en nasse, la proximité d’habitations, ce qui mettra en péril des civils, des sorties fréquentes au chef-lieu de Séderon où, contrairement à ce qu’affirmaient les maquisards, tout le monde n’était pas résistant, des « hommes de troupe » installés dans les camps et des officiers venant donner leurs ordres, puis repartant « en ville » où ils couchaient. 

Le 22 février 1944, 74 maquisards sont présents au camp. Il fait un froid très vif et une mince couche de neige recouvre le sol. Au matin, les hommes logeant dans l’école d’Izon, malgré leurs guetteurs, sont encerclés et surpris par un commando de chasse de la Luftwaffe, comprenant 20 Allemands, et un détachement de la 8ème Compagnie Brandebourg, composé également de 20 hommes en majorité français, des renégats gagnés à l'idéologie nazie sélectionnés selon les critères de l'Abwehr, puis durement entraînés. Avec eux se trouvent Cyprien Bonaud et Paul Noiret, deux hommes qui étaient dans ce maquis et l’ont quitté quelques jours avant. 
Très vite, les premiers maquisards sont abattus, entre autres le chef de section « Mistral », et des civils comme un berger. Les hommes de la 4e section, descendus de la Maison forestière au sommet de la montagne, tentent en vain de secourir leurs camarades. Les maquisards prisonniers doivent charger tout leur matériel dans un tombereau que quelques-uns vont tirer pendant que tous sont conduits vers Eygalayes. Les blessés sont achevés. Arrivés au camp Monteau où stationnait la 1ère section, les hommes sont alignés contre un mur tandis que les Allemands et leurs acolytes français chargent dans deux camions tout le matériel dont ils s’emparent, celui apporté par le tombereau et tout ce qui est pillé dans les autres camps et dans les maisons et fermes du hameau. Les maquisards sont délestés de leur argent, de leurs montres et bagues. Il est environ 13 h lorsque commence le massacre. Quatre par quatre, les hommes sont conduits derrière la ferme et fusillés. Miraculeusement, un homme échappe à la fusillade : Rolland Perrin s’élance et court sous les balles et les grenades. Aucune ne l’atteint, grâce, semble-t-il, à la protection du « Toubib », un médecin juif, qui s’est mis à courir derrière lui, faisant rempart de son corps. Connaissant bien le secteur, ce rescapé pourra se cacher, gagner le petit village de Ballons où il sera généreusement secouru. Cependant, la grande dispersion des corps, dont le plus grand nombre n’était pas derrière la ferme, laisse à penser que cet unique témoin n’a pas tout vu. D’autres hommes ont dû tenter des fuites désespérées et désordonnées et ont été abattus 

Les 35 résistants tombés sous les balles allemandes sont : Allié René, Arnaud Jean, Arnoux Maurice, Ayora Pierre, Blanc Georges, Bosse Jean, Boutet Louis, Carpanedo Antoine, Carpanedo Jean, Cipou ou Cirou Joseph, Compain Jean, Corona Jean, Couston Pierre, Devine Jean, Epstein Alfred, France Emile, France Samuel, Graglia Pierre, Hoffmann Pinchus et son fils Hoffmann Nathan, Jourdan Michel, Lallemand Robert, Maumejean Marcel (dit Jean Jacques), Mir Abel, Mistral Gabriel, Moncada Joseph, Monmejean André, Nouvène Jean, Picard André, Piou Pierre, Polak José, Razzioli Bruno, Richard Lucien, Rossille René, Warbach X. 
Ils avaient de 19 à 24 ans, sauf le chef de section Gabriel Mistral, 38 ans, huissier, originaire de Sault (Vaucluse), l’Italien Bruno Razzioli, 34 ans, et trois Juifs réfugiés, l’Allemand Ettere ou Alfred Epstein, 42 ans, Juif réfugié à Cavaillon (Vaucluse), André Picard, 29 ans, Juif né dans la Meuse et résidant à Reims, et le « Toubib », José Pollack, né à Bucarest (Roumanie), 33 ans, Juif, chirurgien-gynécologue à Paris. Quatre étaient Italiens, 1 Allemand, 1 Roumain. La plupart des Français venaient du Vaucluse, aucun de la Drôme. Au moins 5 étaient juifs. 

Mais ce n’est pas tout. Le même jour, 4 maquisards du maquis Ventoux, cachés dans la ferme des Jasses au lieu dit Vallaury, sur la commune de Barret-de-Lioure, furent arrêtés par les nazis. Ils sont déportés en Allemagne le 7 juin suivant. Deux ne revinrent pas : Louis de Bougrenet de la Tocnaye, 22 ans, et Jean Thérésius Sideki, 24 ans.
Sur la route de Montbrun, une stèle rappelle que trois jeunes du village ont été tués par les nazis le 22 février 1944. Ces trois jeunes maquisards, Raymond Bardoin, 24 ans, Marcel Blanc, 24 ans, et Albert Gauthier, 21 ans, avaient refusé de partir au STO (Service du travail obligatoire). Pour empêcher toute aide aux maquisards d’Izon, le village de Séderon avait été investi et soigneusement ceinturé. Repéré par Bonnaud, le faux maquisard traitre, le gendarme Jean Roger Gamonet, né à Creysseilles en Ardèche, 29 ans, marié, sans enfant, est fusillé. 

Lorsqu’après la fin de la guerre, l’heure est venue d’enquêter et de punir, seuls deux officiers allemands de cette attaque et de ces à-côtés ont été retrouvés : « en l’absence de charges suffisantes », le tribunal militaire de Lyon a prononcé un non-lieu en 1950.

 

Auteurs : Robert Serre 
Sources : Témoignage sur les fusillés d’Izon, par un rescapé Rolland Perrin (« Laurent Pascal »). Texte retenu par le Comité d’Histoire de la 2e Guerre mondiale (Bulletin n° 185 de 1970). Laurent Pascal, Maquis Ventoux. Correspondances avec Robert Pinel, président Association Mémoire Résistance Hautes-Baronnies. Vincent-Beaume. La Picirella. Pons. Cimetière national d’Eygalayes