Affiche proclamant la République du Vercors

Légende :

Le 3 juillet 1944, la Résistance restaure la République française dans le Vercors.

Genre : Image

Type : Affiche

Source : © Collection MRDI Droits réservés

Détails techniques :

Affiche sur papier ; dimensions 24 x 34 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

L'affiche est placardée sur tout le massif du Vercors. Le texte débute par la devise républicaine qui s'oppose et se substitue à celle de Vichy, travail famille, patrie. La date du 3 juillet 1944 est choisie comme moment où la législation de Vichy est abolie. Le Comité de libération nationale du Vercors (CLNV) s'adresse à la population et lui demande de soutenir l'action de la Résistance. Ce comité a été investi dans ses fonctions par le Commissaire de la République, Yves Farge. Le texte est signé par « Clément », pseudonyme d'Eugène Chavant, chef civil du Vercors. Il est demandé de mettre tous les moyens disponibles au service de la Résistance militaire qui a la lourde tâche de protéger le massif d'une attaque allemande.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Après le débarquement en Normandie (6 juin 1944), particulièrement en zone Sud, des dizaines de communes passent sous le contrôle de la Résistance. La plupart de ces libérations anticipées sont éphémères, à l'exception de territoires demeurant plusieurs semaines sous contrôle résistant et méritant l'appellation de « zones libérées ». Dans la Drôme, c’est le cas du Vercors pendant 43 jours.

La République est officiellement proclamée dans le Vercors le 3 juillet 1944 à Saint-Martin, jour d'une prise d'armes en l'honneur d'Yves Farge, commissaire régional de la République. En fait, les principaux services qui sont l'apanage d'un État se mettent en place dès le verrouillage du massif le 9 juin, en particulier une administration civile, le Comité de libération nationale du Vercors (CLNV), présidé par Eugène Chavant, assisté de deux sous-préfets, Raymond Tézier (« Dumont »), ancien maire socialiste de Voiron, en zone Nord, installé à La Balme-de-Rencurel, et Benamin Malossane en zone Sud, à La Chapelle-en-Vercors. Le comité est en charge de l'administration des communes (Malossane ferme un café à Tourtre, révoque les maires de Saint-Julien en juin et de Vassieux le 18 juillet), des finances, du ravitaillement. Mais il est soumis à l'autorité militaire et se limite à « mettre à la disposition du commandement » les moyens nécessaires. Contrairement à toutes les règles républicaines, les civils sont ainsi soumis aux militaires. La contradiction est en partie levée par le fait que le CLNV n'est que le relais du GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) d'Alger, le véritable contre-État, extérieur à la France métropolitaine. Voici les tâches majeures du CLNV, dont les principaux organismes sont créés par André Vincent-Beaume à La Chapelle, véritable capitale administrative de la zone :

Le ravitaillement :

Des critères de rationnement sont fixés : 500 grammes de pain par jour pour les militaires, 200 pour les civils, viande à volonté. L'extension de la zone libérée au Diois facilite la solution du problème, en rétablissant les circuits d'échange traditionnels, gérés désormais par les autorités résistantes. Des accords de troc (Farge parle de « véritables opérations de clearing ») sont mis en œuvre : le Diois fournissant vin, fruits et céréales en échange de viande et de produits laitiers du Vercors. Malossane signale ainsi le 16 juillet avoir réceptionné de Die 800 kilogrammes de pain, 500 à 600 kg de pêches, 800 kg de haricots secs.

Le financement :

Pour faire face aux dépenses, un emprunt est lancé, que le percepteur de Die accepte d'émettre. Jeanne Barbier se souvient, à la place des mandats postaux, de feuilles de coupons détachables semblables aux Bons du Trésor d'avant-guerre.

La mise en place d'organes de contrôle et de répression :

Un service de censure, dirigé par Chapelle, VRP romanais nommé par Vincent-Beaume, chargé de contrôler le courrier des maquisards à leurs familles avec un bureau central installé à La Chapelle. C'est le maire, Élie Revol, qui descend les sacs de lettres à Sainte-Eulalie.

Un service de laissez-passer entre le massif et l'extérieur, avec des formulaires contrôlés par les gendarmes aux quatre « points de sortie » (Rousset, Les Baraques, La Balme, La Goule noire) : le document est retiré à la sortie, en échange d'un numéro d'ordre valable pour le retour. La pratique, souvent laxiste, n'est pas à la hauteur de la théorie.

Un tribunal militaire du Vercors installé le 14 juin à l'école élémentaire de La Chapelle, composé de deux officiers aux compétences juridiques (les lieutenants Meyer et Lipschitz) et d'Élie Revol. Il condamne trois miliciens (Jean P., O. de R. et J. M.), exécutés à Vassieux, mais instruit seulement les autres dossiers, renvoyant les jugements à la Libération. Le tribunal est vite remplacé par une commission d'enquête, un conseil de guerre le suppléant pour condamner les miliciens et militants des partis collaborationnistes (Rassemblement national populaire et Parti populaire français - RNP et PPF).

Un camp d'internement, baptisé « camp de concentration », aménagé le 23 juin dans les locaux d'une usine désaffectée et, pour les femmes, à l'école de filles de La Chapelle, par une équipe commandée par le lieutenant Satre. Il est transféré à L'Oscence le 20 juillet. Il enferme une centaine de détenus, dont 85 transférés de la prison de Die (dont 49 amenés par la brigade de gendarmerie de Nyons qui s'installe dans le Vercors) et une dizaine de Villard-de-Lans. Parmi eux, huit prisonniers allemands, quelques miliciens et suspects d'espionnage (dont « Mireille Provence »), une majorité de notables locaux. Les prisonniers sont libérés le 22 juillet dans la dislocation finale du maquis.

Les instruments de communications :

Le Vercors a son journal Vercors libre (quatre numéros entre le 6 et le 12 juillet), puis Le Petit Vercors (deux numéros les 17 et 19 juillet), créé par Vincent-Beaume, qui désigne l'instituteur Louis Ferroul et le professeur romanais André Cotte comme responsable et éditorialiste. Dactylographié (par une détenue du « camp ») et ronéoté sur deux pages, chaque exemplaire comprend un éditorial, des "nouvelles de la guerre", des nouvelles locales et des billets d'humeur ou blagues.

Plusieurs équipes radio sont réparties sur le massif. La principale, installée dans une laiterie de La Britière, près de Saint-Agnan, sous les ordres du capitaine Robert Bennes, parachuté d'Alger le 14 mars, comprend sept opérateurs et trois chiffreurs et agents de liaison. Une autre, avec deux opérateurs, dirigés par le major britannique Fancis Cammaerts du SOE (Special operation executive), fonctionne près de Saint-Agnan. Une dernière équipe, parachutée dans la nuit du 28 au 29 juin dans le cadre de la mission « Eucalyptus », s'installe, avec l'Américain André Pecquet (« Bavarois ») à Saint-Martin et travaille en liaison directe avec le PC de Huet. Des centaines de messages sont échangés avec Alger en moins de deux mois. Enfin, le Vercors reçoit la visite de missions alliées. « Eucalyptus » et « Justine » en juin associant une mission interalliée, commandée par le major britannique Longe, du SOE. Un commando américain « Paquebot », parachuté dans la nuit du 6 au 7 juillet, voit l'arrivée d'un capitaine français d'aviation, Francis Tournissa, chargé de préparer une piste pour avions gros porteurs à Vassieux, accompagné de trois autres officiers et d'une femme d'origine polonaise, agent de liaison britannique, la célèbre Krystina Skarbeck, alias « Miss Pauline » ou « Christine Granville ». L'attaque allemande du 21 juillet disloque la République du Vercors. Par sa durée (43 jours) elle représente cependant une des expériences les plus longues de ce type en France.


Auteurs : Gilles Vergnon
Sources : Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, les éditions de l’Atelier, 2002. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.