11 nov. 1942 - 9 sept. 1943 : la Drôme sous occupation italienne




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  • Crédits
  • Introduction

ESPACE PEDAGOGIQUE

Objectif de cet espace : 
permettre aux enseignants d\'aborder plus aisément, avec leurs élèves, l\'exposition virtuelle sur la Résistance dans la Drôme en accompagnant leurs recherches et en proposant des outils d’analyse et de compréhension des contenus.

L'espace d'exposition s'articule autour d'une arborescence à quatre entrées :
- Zone libre et Occupation,
- Résistance,
- Libération et après-libération,
- Mémoire.

Chaque thème est introduit par un texte contextuel court. A partir de là, des documents de tous types (papier, carte, objet, son, film) sont présentés avec leur notice explicative.

La base média peut être aussi utilisée comme ressource pour les enseignants et leurs élèves dans le cadre de travaux collectifs ou individuels, en classe ou à la maison.

Pour l'exposition sur la Résistance dans la Drôme, sont proposés aux enseignants des parcours pédagogiques (collège et lycée), en lien avec les programmes scolaires, utilisant les ressources de l'exposition :

1/ Collège :

Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Fiche 1 : La France vaincue, occupée et libérée,
     . Fiche 2 : Le gouvernement de Vichy, la Révolution nationale et la Collaboration,
     . Fiche 3 : Vivre en France durant l'Occupation,
     . Fiche 4 : La Résistance.

2/ Lycée :

- Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Dossier 1 : L'Etat français (le régime de Vichy),
     . Dossier 2 : Les Juifs dans la Drôme (antisémitisme, persécution, arrestation, déportation, protection),
     . Dossier 3 : Les résistants,
     . Dossier 4 : La Résistance armée,
     . Dossier 5 : La Résistance non armée,
     . Dossier 6 : La vie quotidienne.

Si vous êtes intéressés par ces dossiers, contactez nous : [email protected]

Réalisation des dossiers pédagogiques : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

1. De la déclaration de guerre à l’Armistice, le 22 juin 1940 : Un mois après le début de leur attaque en mai 1940, les Allemands atteignent le nord de la Drôme. L’Armistice arrête les combats sur la rivière Isère. Le nord du département est occupé par les troupes allemandes.
2. De l’Armistice à l’occupation allemande, le 11 novembre 1942 : La Drôme est située en zone non occupée.
3. Du 11 novembre 1942 au 9 septembre 1943 : La Drôme est placée sous administration et occupation italiennes.
4. Du 9 septembre 1943 au 31 août 1944 : l’armée allemande occupe la Drôme ; c’est la période la plus intense pour la lutte contre l’ennemi et le gouvernement de Vichy.


Il s'agit d'une sélection de cartes nationales et locales sur la Résistance. La plupart de ces cartes ont été réalisées par Christophe Clavel et Alain Coustaury. Il s'agit d'une co-édition AERI-AERD tous (droits réservés)


CARTE INTERACTIVE DROME ET VERCORS DROMOIS ET ISEROIS
(Suivez ce lien pour afficher la carte et sélectionnez les points du paysage souhaités pour afficher les fiches correspondantes)


  France de 1940 à 1944
  Départements français sous l’Occupation
  Régions militaires de la Résistance en 1943
  La Drôme, géographie physique
  Esquisse de découpage régional de la Drôme
  Les communes de la Drôme
  Carte des transports en 1939
  Le confluent de la Drôme et du Rhône
  Densité de la population de la Drôme en 1939
  Densité de la population de la Drôme en 1999
  Evolution de la densité de population de la Drôme entre 1939-1999
  L’aérodrome de Montélimar-Ancône
  Aérodrome de Valence - Chabeuil - La Trésorerie
  Les caches des armes et du matériel militaire
  Les terrains de parachutages dans la Drôme
  Bombardements alliés et allemands dans la Drôme
  Immeubles détruits par les Allemands et la Milice
  Emplacement de camps de maquis de 1943 au 5 juin 1944
  Localisation des groupes francs qui ont effectué des sabotages en 1943
  Implantation et actions de la compagnie Pons
  FFI morts au combat ou fusillés
  Plan-de-Baix, Anse, 16 avril 1944
  Géopolitique de la Résistance drômoise en juin-juillet 1944
  Dispositif des zones Nord, Centre, Sud vers le 10 juin 1944
  Combovin, 22 juin 1944
  Vassieux-en-Vercors 21, 22, 23 juillet 1944
  Combat de Gigors 27 juillet 1944
  Le sabotage du pont de Livron
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 21 au 24 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 25 et 26 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 27 au 29 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 29 août à 12 heures le 30 août 1944
  Etrangers au département, non juifs, arrêtés dans la Drôme et déportés
  Déportation, arrestations dans la Drôme
  Déportation des Juifs dans la Drôme
  Lieu de naissance de Drômois déportés, arrêtés dans la Drôme et à l’extérieur du département
  Cartes des principaux lieux de mémoire dans la Drôme
  Perceptions de la Résistance drômoise

Publications locales :

Une bibliographie plus détaillée sera accessible dans l’espace « Salle de consultation » du Musée virtuel.

SAUGER Alain, La Drôme, les Drômois et leur département. 1790-1990. La Mirandole. 1995.
GIRAUDIER Vincent, MAURAN Hervé, SAUVAGEON Jean, SERRE Robert, Des Indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale. Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 1999.
FÉDÉRATION DES UNITÉS COMBATTANTES DE LA RÉSISTANCE ET DES FFI DE LA DRÔME, Pour l’amour de la France. Drôme-Vercors. 1940-1944. Peuple Libre, Valence, 1989.
DE LASSUS SAINT-GENIÈS (général), DE SAINT-PRIX, Combats pour le Vercors et la Liberté. Peuple Libre, Valence, 1982.
LA PICIRELLA Joseph. Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1994
LADET René, Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme. Auto-édition. Portes-lès-Valence, 1987.
DREYFUS Paul, Vercors, citadelle de Liberté, Arthaud, Grenoble, 1969.
MARTIN Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, Paris IV Sorbonne, 2002.
SERRE Robert, De la Drôme aux camps de la mort, Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 2006.
SUCHON Sandrine, Résistance et Liberté. Dieulefit 1940-1944. Éditions A Die. 1994.
VERGNON Gilles, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, L’Atelier, Paris, 2002.

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERD-AERI, 2007.

Ce travail n’aurait pu avoir lieu sans l’aide financière du Conseil général de la Drôme, du Conseil régional de Rhône-Alpes, du Groupe de Recherches, d’Études et de Publications sur l’Histoire de la Drôme (GRÉPHiD) et de l'AERD qui y a affecté une partie des recettes de la vente des dvd-roms, La Résistance dans la Drôme et le Vercors.

L’équipe de la Drôme tient à les remercier ainsi que :
- l’Office départemental des anciens combattants (ONAC),
- la Direction départementale de l’équipement de la Drôme (DDE),
- le Centre départemental de documentation pédagogique de la Drôme, (CDDP),
- le personnel et la direction des Archives départementales de la Drôme, de l’Isère, des Archives communales de Allan, de Crest, de Die, de Grâne, de Montélimar, de Romans-sur-Isère, de Triors, de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, de Saint-Uze,
- les Archives fédérales allemandes (Bundesarchiv), le National Archives and Records Administration (NARA), The National Archives (les archives nationales britanniques), Yad Vashem,
- le Musée de la Résistance en Drôme et de la Déportation de Romans, le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, le Mémorial de La Chau, le Musée de Die, le Musée Saint-Vallier, la Médiathèque de Montélimar, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, le Mémorial Shoah, l’Association des Amis du Musée des blindés de Saumur, le Musée de la Division Texas (USA),
- l’Association Études drômoises, l’Association Mémoire d’Allex, l’Association Sauvegarde du Patrimoine romanais-péageois, l’Association Mémoire de la Drôme, l’Association des Amis d’Emmanuel Mounier, l’Association Patrimoine, Mémoire, Histoire du Pays de Dieulefit, l’Amicale maquis Morvan, la Fédération des Unités Combattantes et des FFI de la Drôme, l’Association nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors.

Mais nos remerciements s’adressent surtout à toutes celles et tous ceux, notamment résistantes, résistants et leurs familles, qui ont accepté de livrer leurs témoignages, de nous confier leurs documents et leurs photographies. Ils sont très nombreux et leurs noms figurent dans cette exposition. Ils s’apercevront au fil de la lecture que leur contribution a été essentielle pour l’équipe qui a travaillé à cette réalisation. Grâce à eux, une documentation inédite a pu être exploitée, permettant la mise en valeur de personnes, d’organisations et de faits jusqu’alors méconnus. Grâce à eux nous avons pu avancer dans la connaissance de la Résistance dans la Drôme et plus largement dans celle d’une histoire de la Drôme sous l’Occupation.
L’étude de cette période et des valeurs portées par la Résistance, liberté, solidarité, justice et progrès social…, nous semble plus que jamais d’actualité.

 

CONCEPTION, RÉALISATION

Maîtres d’ouvrage :
Association pour l’Élaboration d’un Cédérom sur la Résistance dans la Drôme (AERD), en lien avec l'Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI) au niveau national. 

Maîtrise d’ouvrage : Carré multimédia. 

Gestion de projet AERI : Laurence Thibault (directrice) – Laure Bougon (chef de projet) assistée d’Aurélie Pol et de Fabrice Bourrée. 

Groupe de travail : Pierre Balliot, Alain Coustaury, Albert Fié, Jean Sauvageon, Robert Serre, Claude Seyve, Michel Seyve. Patrick Martin et Gilles Vergnon interviennent sur des notices spécifiques. 

Sont associés à ce travail tous ceux qui ont participé à la réalisation du Dvd-rom La Résistance dans la Drôme, et qui par la même, ont contribué à une meilleure connaissance de la Résistance dans le département. 

Groupe pédagogique : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

Cartographie : Christophe Clavel et Alain Coustaury.

 

Italiens et Allemands sont présents à Valence à partir de juillet 1940 avec les membres de leurs délégations chargées de contrôler l'application de l'armistice.
Le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent en Afrique du Nord française. Le 11 novembre, les troupes de l'Axe envahissent la zone non-occupée. La Drôme, comme la plupart des départements du Sud-Est, est soumise à l'occupation italienne. Mussolini donne aux autorités militaires italiennes d'opérations les ordres suivants : « Notre occupation du territoire [...] français se caractérisera par les traits suivants : a) Attitude correcte envers les autorités militaires et civiles françaises, les contacts étant limités aux seules nécessités du service. b) Attitude cordiale mais réservée à l'égard de la population civile. c) Les troupes feront preuve d'une tenue et d'une discipline irréprochables. [...] les officiers devront en permanence donner l'exemple ». Le colonel italien commandant Valence est reçu dans les réceptions de la haute société valentinoise.
Les archives préfectorales montrent que cela s'est effectivement produit pour ce qui concerne l'attitude cordiale, un peu moins pour la tenue et la discipline. « Les autorités italiennes ont toujours fait preuve de conciliation. La population reste indifférente aux allées et venues des troupes d'Occupation ».
Les plaisanteries faciles proférées à l’égard des Italiens tiennent au fait que l’on ne considérait pas les Italiens comme des vainqueurs. Déjà vaincus, pendant la campagne de 1940, par l'armée des Alpes, en 1941 « leurs échecs en Grèce et en Libye ont achevé de leur faire perdre le peu de prestige dont ils jouissaient encore dans la population. […] les habitants, qui leur étaient théoriquement hostiles ont dû reconnaître que l'attitude de ces troupes était beaucoup plus tolérable que celle des Allemands ».
Le préfet Cousin s'est mis en relation avec les autorités italiennes dès son arrivée dans le département le 18 août 1943, « d'une manière générale celles-ci se sont montrées aussi discrètes que possible, spécialement en ce qui concerne  les réquisitions d'immeubles. Leur compréhension était réelle en ce qui concerne le problème des israélites ». [...] Après leur remplacement par les Allemands, en septembre 1943, « la population [...] s'aperçoit chaque jour davantage du changement d'atmosphère ».
La mesure de la rigueur de l'occupation italienne est illustrée par ce qui se passe à la suite d'un attentat sur voie ferrée le 15 juillet 1943 à Valence. Les autorités italiennes réclament un ensemble de mesures (couvre-feu, otages, etc.) qui ne seront jamais mises en place.
Ce tableau presque idyllique ne doit pas faire oublier que les troupes italiennes ont réprimé des activités de la Résistance, mais leur présence a freiné la répression, notamment contre les Juifs, menée par le gouvernement de Vichy.



November 11th 1942-September 9th, 1943: Drôme under Italian occupation

Italians and Germans are present in Valencia from July 1940, with members of their delegations charged with controlling the implementation of the armistice.

On November 8th, 1942, the Allies disembark in French-controlled North Africa. On November 11th, Axis troops invade the unoccupied zone. Drôme, like most South-Eastern regions is subjected to Italian occupation. Mussolini gives the following orders to Italian military operations authorities: "Our occupation of French territory...will be characterised by the following traits: a) Correct attitude towards French military and civil authorities, contact being limited to only the necessities of service. b) Cordial yet reserved attitude towards French civilians. c) Troops will demonstrate (good) manners and irreprochable discipline...the officers must be a constant example". The Italian colonel commanding Valencia is received in high society Valencian receptions.

Prefectorial archives show that this was effectively produced to address cordial attitude, and less manners and discipline. "Italian authorities have always demonstrated goodwill. The population remains indifferent towards the comings and goings of the Occupation troops." Easygoing pleasanteries uttered towards the Italians supports the fact that they were not considered conquerors. Already defeated during the campaign in 1940, by the army in the Alps in 1941 "their defeats in Greece and Libya were realized in order to make them lose some of the prestige which they still enjoyed amongst the population...the habitants, who were theoretically hostile towards them, must have recognized that the attitude of these troops was much more tolerable than that of the Germans." The Cousin prefect placed itself in connection with Italian authorities from its arrival in the county on August 18th, 1943, "in a general manner, they have proven to be as discreet as possible, especially concerning the Hebrew problem"...After their replacement by the Germans, in September 1943, " every day, the population...notices more and more the change in atmosphere."

The measure of harshness of the Italian occupation is illustrated by what happens in the aftermath of an attempted attack on a railway on July 15th, 1943 in Valencia. The Italian authorities call for a series of measures (curfew, hostages, etc.) which will never be put into place.

This nearly idyllic picture must not distract from the fact that Italian troops suppressed Resistance activities, however, their presence impeded the repression, notably against Jews, lead by the government of Vichy.


Traduction : Megan Berman

Auteur : Jean Sauvageon et Patrick Martin
Source : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.


 

Eperon de la Grande Cournouze



  • Contexte historique
  • Analyse média

Le 18 mai 1943, les soldats italiens attaquent un camp de réfractaires à Cornouze, sur la commune de Saint-Martin-en-Vercors.

Charles Blachon, romanais réfractaire au STO était caché au camp de Cornouze, situé entre Saint-Martin-en-Vercors et la vallée de la Bourne, depuis la mi-mars 1943. Les jeunes maquisards étaient sans armes. Le 18 mai, le camp est attaqué par les soldats italiens. Au cours d'une interview, Charles Blachon se remémore cette attaque.

« On a été le premier maquis qui a été attaqué par une armée le 17 ou 18 mai 1943. J'ai entendu dire par les responsables qu'il y avait eu plus de 3 000 Italiens qui étaient montés. On était complètement encerclés. Ça s'est passé d'une manière tout à fait inattendue. Grenoble qui était responsable de tout ne nous a pas prévenus de ce départ. Ils sont arrivés là-haut. C'est un paysan qui est monté avertir au camp. [Le rapport du préfet du 1er juillet 1944 indique "400 Italiens". Le rapport de gendarmerie du 24 mai 1943 indique seulement "un détachement de troupes italiennes venant de Grenoble"]
Au camp, il s'est trouvé que le chef, Cathala [pseudonyme : "capitaine Grange"], n'y était pas, il était chez lui. Il n'y avait pas de chef. L'autre, celui d'Avignon, qui normalement était en dessous, a dit : "Moi, je vais faire la liaison". Il est parti. Je ne sais ce qu'il est devenu après. Il s'est barré ! C'est Perrin qui a pris le commandement du camp. Si vous avez connaissance de la Résistance en Ardèche, vous avez entendu parler du capitaine Basile. C'était lui. [...]. C'est lui qui a dirigé le camp quand les Italiens sont montés.

Les Italiens sont montés par groupes, très précautionneux, doucement, doucement. Ils avaient la frousse ! Tout le long de ce petit promontoire, il y a une route vers Chatelus qui descend sur Vesors, vers l'usine électrique, et ça remonte de l'autre côté. Et sans arrêt, sans arrêt, les voitures, les camions des Italiens tournaient. Ça représentait du monde. [...]

Je n'étais pas au camp. Le jour où les Italiens sont montés, j'étais de ravitaillement parce qu'une équipe descendait presque chaque jour, pour chercher la nourriture. C'était dans les fermes qui étaient au-dessus de Saint-Martin, des fermes isolées qui appartenaient à Fillet, un exploitant forestier qui habitait au quartier de La Rivière, à La Chapelle-en-Vercors, il avait plusieurs maisons comme ça. J'étais avec Boulet dont la mère était infirmière à Romans. On n'était pas remontés le soir, parce qu'on avait un panier de choucroute à monter, aussi bizarre que ça puisse paraître. Il fallait mettre une barre en travers et le porter sur les épaules. On ne voulait pas remonter de nuit alors on a attendu le matin. On était en train de remonter. Il fallait quand même deux heures pour arriver là-haut. On était arrêtés sur le bord du chemin. Le paysan de la dernière ferme qui était en haut est descendu en courant, il nous dit : "Vous avez les soldats italiens qui sont à 50 m de vous". On ne les voyait pas. Je ne vous dis pas si on a calté pour monter au camp. Il y avait le camp de Cornouze et un petit groupe (d'une dizaine), installé sur le versant avant le camp, chargé de veiller à tout mouvement de personnes. J'étais de ce groupe.

Quand le paysan du bas est monté avertir, il a averti le groupe. Un est monté avertir ceux du haut. Le groupe de surveillance est parti se réfugier dans l'endroit qui avait été prévu, en dessus des Baraques, dans le Bois de l'Allier. Ceux du camp ont vu qu'ils ne pouvaient pas redescendre, ils sont allés à la Grande Cournouse, sauf Perrin qui est resté dans la maison en ruine, presque une villa, qui avait été abandonnée, complètement cassée. Il est resté dans une citerne, dans l'eau. C'est le seul qui est resté. Nous, on était en dessus. On est monté à la Grande Cournouse d'où on voyait la Petite Cornouse. Les Italiens sont arrivés. Ils n’en menaient pas large aussi ! Baïonnette au canon ! Devant la maison, c'était une grande prairie. Ils ont attaqué à la baïonnette. Il n'y avait plus personne dans la maison. Ils gueulaient ! Une autre partie, passant par les bois, a contourné. Si on avait été armés, on aurait tiré sur ceux de la prairie.

C'est bizarre parce que cette attaque-là, on l'avait répété avec le chef. Je lui avais dit : "Ceux qui passent là sont sacrifiés." Il m'avait répondu : "C'est la tactique. On fait tuer des types pour pouvoir passer de l'autre côté." Et les Italiens ont fait exactement la même chose. Quand ils sont arrivés à la maison, il n'y avait personne. Les affaires qui étaient cachées dans les bois ont été toutes saccagées. De là, il y avait des petits chemins qui suivaient la falaise sur lesquels il y avait une grotte. Et là, il y en avait une qui était fermée, une baume, avec une petite porte en bois. Ils tapaient contre la porte, mais il n'y avait personne dedans. Ils ont tout cassé. Et nous, on a rien eu. Puis, ils sont repartis. Ceux qui étaient partis pour le Bois de l'Allier sont descendus. Il y avait Ezingeard, Perrenot, Chastan de Romans, deux de La Voulte et quelques autres. Mais Ezingeard avait mal aux pieds, pour ne pas grimper, ils sont passés par le chemin et ils sont tombés sur les Italiens. Quelqu'un a donné l'ordre de se disperser. Certains sont partis en courant, d'autres se sont planqués dans les buissons. Ils se sont fait ramasser, Ezingeard, Perrenot et deux de La Voulte. Ils ont été déportés dans les camps mais ils sont revenus à Romans. Après leur arrestation, ils ont été emmenés à Grenoble. Puis, plus tard, ils ont été livrés aux Allemands. Je ne sais pas quand ni dans quelles conditions. Ils se sont retrouvés dans les camps en Allemagne et en sont revenus malades. Ezingeard en est mort. Je crois que le paysan qui redescendait a été arrêté aussi, mais, de lui, je n'ai jamais eu de nouvelles [D'après le rapport de gendarmerie du 24 mai, il y a eu six arrestations "dont quatre étrangers au pays et deux cultivateurs de la commune. Les deux cultivateurs ont été relâchés par la suite"].

Les Italiens, on ne peut pas dire qu'ils se soient mal conduits là-haut. Ils n'ont tué aucun des gars aux fermes. Ils n'ont rien fait, à part les endroits où on était. Les autres, ils les ont emmenés mais ne leur ont pas tiré dessus. Ils avaient la frousse. Si on avait été armés ! Mais les armes, on n'avait rien. On n'avait que des couteaux, des couteaux pour couper le pain !

C'est la seule attaque où vraiment ils avaient déplacé des forces. On est restés là-haut, on n’avait aucune nouvelle des responsables. Comme c'était Perrin qui commandait, il a choisi son meilleur copain pour l'envoyer à Saint-Martin ! C'est moi qui suis descendu ! Pour retrouver la liaison avec le groupe. Il fallait que je descende à l'épicerie Roche. C'est eux qui s'occupaient de la liaison. J'ai mis un moment parce que je faisais attention en descendant. Quand je suis arrivé dans le village, il y avait un gros camion, arrêté, bâché. Je n'osais plus traverser. Il y a un habitant qui m'a vu de sa fenêtre, il m'a dit : "Vous venez de là-haut ?" Je l'ai reconnu, c'est quelqu'un qui nous avait monté le courrier, il servait de liaison avec nous. Je suis allé à l'épicerie de M. Roche qui a réuni deux ou trois personnes qui étaient au courant. Un est monté au camp. Je suis resté avec eux, on est allé chercher du ravitaillement. J'ai passé, sans dormir, au moins 48 h.

On ne sait pas qui a pu signaler le camp aux Italiens. Mais il s'était passé une chose bizarre. Quelque temps avant, un propriétaire est monté pour vendre le terrain. Il était avec quelqu'un pour lui faire voir. Mais il y avait tellement de remue-ménage. N'importe qui serait monté de Grenoble aurait pu en entendre parler. À la campagne, il nous arrivait de descendre dans une ferme pour donner des coups de main, pour ramasser le foin, trois ou quatre jours chez un paysan. Donc, on se déplaçait, ils étaient tous au courant. Les fuites peuvent arriver vite.

Ensuite, il a été décidé d'abandonner le camp. On est remonté à Darbounouze, dans les Hauts Plateaux.»

L’essentiel de ces maquisards étaient des réfractaires au STO, sans armes. Ce témoignage, malgré ses imprécisions, voire ses contradictions, renseigne sur la vie des résistants en ce début 1943, sur la précarité de leur installation, sur leur implication dans la vie du pays, sur les risques encourus, sur la légèreté de l’encadrement.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Entretien oral avec Charles Blachon.

Deux entrées du Vercors, la double cluse des Goulets et des gorges de la Bourne, séparées par l'éperon de la Grande Cournouze*. On peut constater la violence du relief. L'éperon de la Grande Cournouze a abrité un maquis en 1943. Vue vers le nord ; altitude de prise de vue : 1 700m.

Cette vue montre les difficultés d’accès au massif du Vercors, ce qui n’a, cependant, pas empêché les troupes d’occupation, italiennes puis allemandes, d’y pénétrer.

(*) Plusieurs orthographes sont possibles.


Auteurs : Alain Coustaury

Titre : Eperon de la Grande Cournouze

Genre : Image     Type : Photo

Producteur : Cliché Alain Coustaury

Source : © Collection Alain Coustaury

Détails techniques :

Photographie argentique en couleur avec rajouts d’indications.


Date document : Juin 2006

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Martin-en-Vercors