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Le détachement Marat fait sauter des transformateurs dans la ville de Marseille, nuit du 8 au 9 mai 1943

Légende :

Rapport de gendarmerie sur les attentats commis dans la nuit du 8 au 9 mai 1943 dans plusieurs quartiers de Marseille contre des transformateurs.

Genre : Image

Type : Rapport officiel

Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 117 Droits réservés

Détails techniques :

Rapport dactylographié

Date document : 9 mai 1945

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le capitaine Lickel, commandant de la section de gendarmerie de Marseille adresse aux autorités régionales (préfet régional, préfet départemental, procureur de l'Etat français, commandant régional de gendarmerie) et nationales (chef du gouvernement à Vichy) un rapport sur les attentats qui ont eu lieu à Marseille dans la nuit du 8 au 9 mai 1943.
La première partie du document relate l'accrochage qui se produit vers 21 heures 30 dans le quartier de la Capelette à Marseille entre une patrouille de la gendarmerie et trois personnes non identifiées. Deux agents sont blessés. La deuxième partie du rapport établit la liste des attentats qui se déroulent plus tard dans la soirée. Ils visent des installations industrielles importantes : les Aciéries du Nord et les Métaux ouvrés (traverse du Portugal dans le quartier de la Capelette) ainsi que des entreprises de réparations et de constructions navales (établissements Durbec et la SPCN au nord de Marseille, dans le quartier des ports, chemin de la Madrague, chemin du littoral et traverse Olive). Le rapport constate des dommages importants mais ne fait pas de lien entre l'accrochage traverse du Portugal et cette série d'attentats. Les auteurs de ces attentats ne sont pas identifiés. Le rapport reste purement factuel sans émettre aucune hypothèse.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources et bibliographie :
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la résistance, Paris, Fayard,1989.
Grégoire Georges-Picot, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, Éditions Tirésias, 2011 (Témoignage d'Hélène Taich, p.78-81).
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Christian Oppetit (dir.), Marseille, Vichy et les nazis, le temps des rafles la déportation des juifs, Marseille, Amicale des déportés d'Auschwitz et de Haute-Silésie, 1993, p. 41-43.

Contexte historique

La Main d'oeuvre immigrée (MOI) est créée par le Parti communiste en 1932. Comme toutes les organisations liées au parti communiste, la MOI est interdite le 1er octobre1939. Les militants poursuivent clandestinement leurs actions. A Marseille, aux militants déjà implantés avant guerre comme Avram et Choura Haham s'ajoutent des réfugiés de la zone Nord, Albert et Bella Levine, Hélène Taich, Maurice Korzec et d'anciens des Brigades internationales (Basil Serban, Léon Tchernine). Cette force militante permet la création dés septembre 1940 du Secours populaire (Solidarité en zone Nord) qui aide les réfugiés et les internés, diffuse la presse clandestine en français et en yiddish. Les militants MOI de Marseille, conformément aux directives du parti communiste, basculent une partie de leurs effectifs dans les Francs Tireurs et Partisans (FTP).

Le premier groupe de FTP-MOI est constitué à Marseille au cours de l'été 1942. Il rassemble des immigrés de toute origine et prend le nom de Marat en hommage au révolutionnaire français. Les témoignages d'Hélène Taich et de Basil Serban permettent de reconstituer les opérations. Les sabotages des transformateurs évoqués dans le rapport de gendarmerie sont réalisés par trois équipes du détachement Marat. Dans un premier temps, il faut faire des doubles des clés ouvrant les portes des locaux dans lesquels se trouvent les transformateurs. Deux impératifs s'imposent : réaliser la prise d'empreintes avant le couvre-feu fixé à 22 heures sans attirer l'attention des riverains. Les militants jouent les couples d'amoureux flânant le soir. Hélène Taich fait équipe avec Ateo Garrimi (François), un jeune Italien immigré dans la région d'Arles, Michel Trifone(Lino) et Basile Serban. Leur objecfif est le transformateur des Aciéries du Nord dans le quartier de la Capelette. Maurice Korzec doit se travestir en femme pour servir de partenaire à Stefano Brau (Frisé). Son groupe doit détruire les transformateurs situés dans les quartiers nord de Marseille. Dimitri Koturovic (Cot) confectionne les clés et les explosifs. Les équipes doivent revenir plusieurs soirs de suite pour parfaire l'ajustage.

Le soir du 8 mai, deux équipes se rendent dans les quartiers Nord et placent sans encombre leurs explosifs. L'équipe de La Capelette est accrochée par la patrouille de gendarmerie évoquée dans le rapport. Basil Serban (Jeannot) est grièvement blessé. Il n'a pas d'autre solution que de se réfugier chez Choura (Annie) Haham qui habite dans le quartier, il retrouve Hélène Taich. Or Choura Hanam est responsable de l'impression des tracts et journaux en français et en yiddish de l'UJRE et du MNCR. Son voisin de palier est Michel Trifone (Lino) qui a participé à l'action de La Capelette. La présence de Basil Serban fait donc courir un risque à plusieurs militants. Choura Hanam brûle par précaution tous les documents qui auraient révélé l'activité du centre d'impression. L'état du blessé est très préoccupant. L'épouse de Michel Trifone qui est française et mère de famille est la seule à pouvoir braver le couvre-feu pour aller téléphoner à un médecin résistant. Basil Serban est évacué grâce au docteur Serafino, médecin des FTP qui l'hospitalise sous une fausse identité à la clinique Espérandieu. Choura et Hélène doivent ensuite effacer les traces de sang dans le couloir et les escaliers. Toutes ces opérations se déroulent à l'insu des voisins. Plus tard les survivants se rappellent avec fierté ce qu'ils ont appelé "la nuit des transformateurs".


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources et bibliographie :
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la résistance, Paris, Librairie Arthème Fayard,1989.
Grégoire Georges-Picot, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, Éditions Tirésias, 2011 (Témoignage d'Hélène Taich, p.78-81).
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Christian Oppetit (dir.), Marseille, Vichy et les nazis, le temps des rafles la déportation des juifs, Marseille, Amicale des déportés d'Auschwitz et de Haute-Silésie, 1993, p. 41-43.
Jacques Ravine , La résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.