Les Eclaireurs israélites de France, du scoutisme juif à la Résistance

Légende :

Premier insigne des EIF. Elle représente les lions de Juda protégeant les tables de la loi. On y voit les lettres E et I pour « Eclaireurs Israélites » et la devise du mouvement « Pour le bien, toujours prêt ».

Genre : Image

Type : Objet

Source : © Mémorial de la Shoah / Coll. Florentin Droits réservés

Date document : Années 1920

Lieu : France

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Contexte historique

Lorsque Robert Gamzon crée les Eclaireurs Israélites de France en 1923, plusieurs mouvements scouts de différentes obédiences existent déjà. L’idée de créer un mouvement scout spécifiquement juif lui est d’ailleurs inspiré par les Eclaireurs Unionistes (protestants) que Robert Gamzon voit camper à l'été 1922, il n’a alors que 16 ans. Le 4 février 1923, il réunit au bois de Meudon une première patrouille des Eclaireurs Israélites de France. Leur particularité réside bien sûr dans la judaïté de ses membres. Toutefois cette appartenance ne doit pas être considérée uniquement dans son acception religieuse mais également dans le fait de partager une histoire et une culture commune.

L’accueil réservé aux EIF par les autres mouvements scouts et les autorités religieuses et communautaires est d’abord plutôt mitigé. Pourtant l'extension du mouvement est très rapide en métropole et en Afrique du Nord. La raison de ce succès réside notamment dans le fait que les EIF parviennent à regrouper en leur sein les quatre grands groupes qui composent la communauté juive de France à l’époque : les « israélites français », les Juifs alsaciens-lorrains, les Juifs séfarades et les Juifs immigrés d’Europe de l’Est. L’accueil de jeunes juifs de ces différents groupes peut se faire car le mouvement parvient à répondre à la diversité de leurs attentes et aspirations politiques et religieuses. Les EI ont pour eux une particularité : leur triple engagement scout, juif et français. Ils adoptent également dès 1932 un « minimum commun » religieux. C’est une des spécificités des EIF par rapport aux autres mouvements de jeunesse juifs. Il permet aux jeunes les plus religieux et aux moins observants de participer à des camps en commun. Grâce à tout cela, les EIF deviennent vite le plus important mouvement de jeunesse juif en France comptant déjà 1 200 membres en 1930 pour atteindre 2 500 à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Malgré le déclenchement de la guerre, les EIF poursuivent leurs activités. Ils mettent notamment en place plusieurs maisons d'enfants pour éloigner ces derniers des grands centres urbains. Elles recueillent rapidement plus de 200 jeunes (non scouts pour la plupart) encadrés par des cheftaines EI qui s’improvisent monitrices. En 1940, seules deux maisons subsistent et deviennent des « planques » pour les enfants visés par les lois anti-juives du gouvernement de Vichy. Les EI continuent d’y organiser des activités diverses : activités scoutes bien sûr, mais également manuelles, comme la ferronnerie, la couture… Les enfants vont même à l’école du village.

Parallèlement des groupes locaux sont créés en zone non occupée sous l’impulsion notamment des anciens chefs qui s’y sont réfugiés. D’autres rouvrent leurs portes en zone occupée (surtout à Paris). Mais cette initiative est rapidement freinée par la décision des autorités allemandes d’interdire le scoutisme en zone occupée et les nombreuses contraintes liées aux mesures anti-juives : heures de sortie limitées, saisie des bicyclettes et, bien sûr, les rafles qui se multiplient.
Dans un premier temps, les plus âgés des EI (15-18 ans) prennent l’habitude, par souci de discrétion, de se réunir, une fois par semaine, dans les appartements des uns et des autres. Puis, sous l’impulsion de Fernand Musnik, une véritable structure EIF est remise en place. En septembre 1941, on dénombre 13 unités dont 7 féminines, un clan d’aînés, une unité de louveteaux et une unité de Petites Ailes (PA), soit 300 EIF au total.
Dans les faits, la majorité des groupes EIF se concentre en zone non occupée où les Juifs pensent être plus en sécurité, ainsi dans un rapport du 25 novembre 1941, il est fait état de la présence d’EIF dans 26 villes différentes, soit un total de 2 050 scouts.

Les activités des EIF auraient néanmoins pu être contrariées lorsque leur dissolution est décidée en novembre 1941 par Xavier Vallat, Commissaire Général aux Questions Juives. Après débat, ils décident d'intégrer l’Union Générale des Israélites de France, nouvellement créée pour regrouper l’ensemble des associations et institutions juives. Grâce à l’aide du général Lafont, président de la Fédération du Scoutisme Français, les activités peuvent se poursuivre sous couvert de la Fédération. Les EIF utiliseront également leur existence officielle au sein de l’UGIF (qui leur donne vitrine légale et moyens financiers) comme couverture aux activités clandestines des EIF qui commencent à se développer et dont il est question dans d’autres notices. 


Auteur : Mathias Orjekh

Bibliographie :
Alain Michel, Les Eclaireurs Israélites de France pendant la Seconde Guerre mondiale, Edition des EIF, 1984.
Mathias Orjekh, Du scoutisme juif à la Résistance : un même engagement. Quelques figures d’un même itinéraire, mémoire de maîtrise (sous la direction de Danielle Delmaire), 2001 - disponible en ligne