La création des Cours martiales

Légende :

Page 238 du Journal Officiel de l’État français, contenant les textes qui créent les Cours martiales (juridictions de l’État français) et donnent pouvoir à Darnand, secrétaire d’État au Maintien de l’ordre.

Genre : Image

Type : Document officiel

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Document papier.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

La loi du 20 janvier 1944 qui durcit la législation en instituant les Cours martiales, publiée au Journal Officiel dès le lendemain, a été préparée par Darnand à la demande d’Oberg, chef suprême allemand de la SS et de la police depuis le 1er juin 1942. Sur la même page, on lit les décrets et arrêté de Laval précisant les pouvoirs de Darnand à la tête du secrétariat d’État au Maintien de l’ordre, cumulant les missions de police et de répression.

Transcription résumée : Journal Officiel du 21 janvier 1944, page 238

Loi n° 38 du 20 janvier 1944 instituant des cours martiales
Art. 1°. – Le secrétaire général au maintien de l'ordre est autorisé à créer par arrêté une ou plusieurs cours martiales.
Art. 2. – Sont déférés aux cours martiales les individus, agissant isolément ou en groupes, arrêtés en flagrant délit d'assassinat ou de meurtre, de tentative d'assassinat ou de meurtre, commis au moyen d'armes ou d'explosifs, pour favoriser une activité terroriste.
Art. 3. – Tout individu arrêté dans les conditions prévues à l'article précédent est mis immédiatement à la disposition de l'intendant de police de la préfecture régionale du lieu de l'arrestation. L'intendant de police le place sous mandat de dépôt et prend toutes dispositions utiles pour le traduire sur le champ devant la cour martiale.
Art. 4. – Les cours martiales se composent de trois membres désignés par arrêté du secrétaire d'Etat au maintien de l'ordre.
Art. 5. – L'application des lois sur l'instruction criminelle est suspendue à l'égard des individus déférés aux cours martiales. Si la cour martiale constate que les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi sont réalisées et que la culpabilité est nettement établie, les coupables sont immédiatement passés par les armes. Dans le cas contraire, les inculpés sont mis à la disposition du procureur de la République afin qu'il soit requis par lui ce qu'il appartiendra.
Art. 6. – La procédure et les conditions de fonctionnement des cours martiales, ainsi que toutes les mesures d'exécution de la présente loi, seront réglées par arrêtés du secrétaire général au maintien de l'ordre.
Art. 7. – La présente loi est applicable jusqu'au 30 juin 1944.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Journal Officiel du 21 janvier 1944, page 238.

Contexte historique

Vichy met en place une politique du tout-répressif : détention arbitraire sur décision administrative, simulacre de jugements, utilisation de la torture… La philosophie du régime, c’est l’exclusion de tous ceux qui menacent l’ordre, les Juifs, les communistes, les étrangers, son souci, c’est le contrôle, la sécurité, l’ordre.
Les « forces du maintien de l’ordre », ce sont d’abord la gendarmerie et la police. Mais Vichy y a ajouté des polices spéciales, des gardes, les GMR (Groupes mobiles de réserve), les brigades spéciales, et surtout la Milice. Il convient de bien les distinguer : les gendarmes de nos campagnes sont intégrés dans la population locale, ils connaissent les gens, souvent ils n’ignorent pas l’implantation de maquis ou les réfractaires au STO (Service du travail obligatoire). Rien de commun avec cette Gestapo française qu’était la Milice. 

Enchaînant sur les mesures d’internement prises en septembre 1939 contre les communistes, la loi du 23 avril 1941 trace le cadre dans lequel va s’inscrire une multitude de textes législatifs. Chaque région est dotée d’un intendant de police, chaque département et chaque circonscription d’un commissaire de police. 
Dans son discours du « vent mauvais » le 12 août 1941, Pétain ouvre la voie à la répression des opposants à sa politique. La loi du 14 août 1941 institue, avec effet rétroactif, les Sections spéciales qui « jugent » sans circonstances atténuantes, sans voie de recours, avec des peines, y compris la peine de mort, au choix des juges, sans aucun barème de correspondance entre l’infraction et la sanction. L’ordonnance sur les otages est adoptée le 22 août. La loi du 24 août permet les arrestations sur simple décision préfectorale. Le 7 septembre, c’est la création du tribunal d’État pour juger les atteintes à la sécurité du pays, « les menées antinationales »

Le 4 août 1942, les accords Oberg-Bousquet établissent la collaboration entre les polices françaises et allemandes. Vichy « tolère » la remise de détenus, pas forcément condamnés, aux autorités allemandes. 

Par décret du 13 septembre 1943, le système pénitentiaire est transféré du ministère de la Justice à celui de l’Intérieur. Vichy se prétend soucieux de montrer que c’est lui qui gouverne. En réalité, les Allemands exigent et Vichy adapte ses décisions aux désirs du maître. Pour saisir les auteurs d’attentats contre les Allemands la police est renforcée. Le 1er janvier 1944, Darnand est nommé secrétaire général au Maintien de l’ordre. Il crée le 20 janvier 1944 les Cours martiales formées de 3 « juges » rendant une justice expéditive qui fait procéder à des exécutions sommaires jusque dans les prisons. D’autres lois renforceront encore ces dispositifs : arrestation des « complices présumés » (20 mars), c’est-à-dire les familles ou les proches, jugement des Cours martiales sans appel et immédiatement exécutoire (14 mai), etc.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006. Pierre Pedron, La prison sous Vichy, éditions de l’Atelier, 1993. Robert Paxton, La France de Vichy 1940-1944, Seuil, 1973. Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Seuil 1990.