Prise d’armes le 4 septembre 1944 au Champ de Mars à Valence

Légende :

Valence premières heures de liberté : l’accueil des libérateurs et l’installation de l’administration.

Genre : Image

Type : Libération

Producteur : Inconnu

Source : © AERD, fonds Fédération FFI Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône

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Analyse média

La compagnie Ben, au centre, attend l'arrivée du lieutenant-colonel "Legrand". On reconnaît Georges Brentrup, en cravate, entouré des lieutenants Laurent, Lucien Micoud, Martin. Gabriel Micoud est appuyé sur sa canne.


Auteurs : Robert Serre 

Contexte historique

L'accueil des libérateurs est enthousiaste et rassemble même des ralliés de dernière heure, soudain devenus de farouches combattants. L'administration nouvelle prend place sans problème et, dans les ruines, tente de faire redémarrer l'activité. La Drôme est entièrement libérée le 1er septembre et on célèbre l'événement si attendu par une cérémonie grandiose où les résistants sont à l'honneur.

L'accueil des Valentinois aux résistants qui viennent de les libérer est frénétique : ce sont des acclamations, des embrassades, on offre des boissons, une farandole s'élance sur les boulevards. L'arrivée des nouvelles autorités civiles et militaires engendre l'enthousiasme. Pierre de Saint-Prix se souvient : « Avec le général, nous avons pris place dans l'Hudson bleue découverte et Lassus me dit : On va à la place de la Poste. Il y avait déjà une foule énorme. On avance à petits pas, acclamés par tout le monde. Le général fait ça, moi je fais ça [saluts à la foule]. Et puis, tout à coup, je vois dans la foule un peu de violet qui se promenait et qui avait l'air d'être passablement tabassé. Je dis : "Mais, c'est pas l'évêque ? mais oui, c'est l'évêque !" Parce que Monseigneur Pic, un dimanche non l'autre, louait Pétain ou louait de Gaulle, enfin discrètement. Alors, les gens lui en voulaient, il se promenait au milieu de la foule, naturellement on commençait à l'étriper. Alors je dis : "il faut pas qu'on le tue, on va le prendre". On lui fait signe, on se met à siffler, il nous a vus, on lui a fait le signe de venir, il est venu, il a grimpé dans l'Hudson, il s'est mis entre le général et moi. Et le même homme que les gens voulaient couper en morceaux s'est mis à bénir la foule au milieu de nous alors que nous nous faisions ça, mais lui bénissait la foule et tout le monde a hurlé : Vive Pic ! ». On pavoise : des Valentinois rapportent de petits drapeaux en papier qu'on distribue avec la réclame d'un apéritif. La « réclame » ne perd pas ses droits, pas plus que le business !
Des groupes de résistants arpentent les rues de la ville à pied, combattants encore sans uniforme et avec des armes très disparates. Des autos circulent badigeonnées avec les lettres FFI (Forces françaises de l'intérieur). Presque tous les FFI déjeunent sur les trottoirs, les Valentinois leur ayant apporté des plats tout préparés.

Dès 8 h, « Legrand » a installé son PC dans Valence à l'hôtel de la Croix-d'Or. Jean Buclon, nouveau maire de Valence, prend place à l'Hôtel de Ville. À 15 h 30, une auto munie d'un haut-parleur circule, donnant l'ordre aux personnels des services publics de reprendre le travail immédiatement. Les membres du Comité départemental de Libération s'emparent des leviers de commande de l'administration départementale. Pierre de Saint-Prix commence à exercer ses fonctions de préfet de la Drôme dans Valence libérée, à la Chambre de commerce, place du Palais, qui tient lieu de préfecture, l'ancienne ayant été détruite sous le bombardement du 15 août.
Dans une interview en 1984, Pierre de Saint-Prix explique :
« Tout était démoli, il n'y avait plus rien. Je me suis installé à la Bourse de Commerce, puis dans un immeuble de la place Aristide Briand. Sans aucun moyen d'agir : je n'avais même pas de papier à lettre... J'ai travaillé dans le néant ! Il n'y avait plus de ravitaillement, plus une route carrossable, il n'y avait plus de chemin de fer, il avait sauté partout, il n'y avait plus de lignes télégraphiques, donc aucun moyen de communication, il n'y avait plus de ravitaillement, ni viande, ni lait, il n'y avait plus rien ! Il n'y avait même plus de bordels parce que les Américains les avaient écrasés en même temps que la maternité et l'hôpital... Nous avons tenu en mains les services publics et les administrations. Et nous avions préparé cela – c'était d'ailleurs la tâche de la Résistance civile, qui est très peu connue – nous avons créé une nouvelle France cryptique, clandestine, cachée, qui n'est apparue au grand jour qu'au moment précis où l'ancienne administration a "foutu le camp", les rats se sauvaient, ça a été lamentable, la chose la plus pitoyable qu'on puisse imaginer ».

Un communiqué officiel est diffusé :
« Dans la nuit du 30 au 31 août, la libération de Valence a été décidée par l'état-major FFI de la Drôme en collaboration avec les troupes américaines. Selon les ordres donnés, les FFI occupent la banlieue de Valence dès 4 heures du matin. Après nettoyage des nids de résistance autour de la ville, les premiers éléments FFI entrent à Valence à 7 heures 30 ayant à leur tête le lieutenant-colonel « Legrand », accompagné de son adjoint, le commandant « Roger » et des membres de l'état-major départemental, et de la 6ème compagnie du 2ème bataillon commandée par le capitaine Brentrup. Le colonel « Saint-Sauveur » fait également son entrée dans la ville où il peut assister au dernier combat se livrant dans le quartier sud. Ainsi Valence a été magnifiquement libérée au milieu des acclamations de la population par 2.000 volontaires des Forces françaises de l'intérieur ».

Le lieutenant-colonel de Lassus se rend dans l'après-midi du 31 août à l'évêché avec l'intention de demander à monseigneur Pic dont il n'ignore pas qu'il est admirateur de Pétain de bien vouloir célébrer un Te Deum (prière chrétienne) en l'honneur de la victoire de la Résistance et du rétablissement des lois de la République. Son arrivée cause quelque surprise au clerc qui s'enquiert des raisons de sa visite, d'autant plus qu'il introduit de Lassus dans un salon où figure le portrait du maréchal Pétain que de Lassus lui demande d'enlever, ce qui est fait. Monseigneur Pic se montre tout à fait disposé à organiser pour le lendemain la cérémonie demandée.
De leur côté, les Jeunesses communistes réquisitionnent la permanence du journal Le Nouvelliste, située sur les boulevards, et y installent leur direction. Ils obtiennent une voiture, une moto, un tandem, et tirent un journal L'Élan à 1200 exemplaires. Des cellules de Jeunesse communiste (JC) se forment partout.
Le lieutenant Micoud va installer le sous-lieutenant Alcouffe dans l'ancien local des Compagnons de France, à l'angle de la rue Saunière et de l'avenue Gambetta, au-dessus du Café de France. Cela fait huit mois que les Compagnons, chassés par la Milice, ont dû quitter ce qui fut pendant trois ans leur siège départemental. C'est donc une revanche pour l’ancien chef Compagnons de France.
Lucien Micoud écrit avec un brin d'amertume : « Nos gars ne voyaient pas d'un très bon œil les FFI tout neufs qui avaient surgi peu après leur arrivée et qui venaient maintenant prendre livraison des captifs pour les convoyer jusqu'à leur lieu de détention. Certains de ces novices se permettaient même de molester les blessés ennemis ; inutile de dire si ils se faisaient engueuler ».
René Ladet, dont le groupe amène à Valence ses prisonniers allemands de la veille, écrit de son côté : « dans Valence, nous sommes un peu perdus, au milieu de cette foule enthousiaste. Jamais je n'aurais pu imaginer que nous étions si nombreux dans les rangs de la Résistance ! C'est fou le nombre de porteurs de brassards tricolores que l'on rencontrait dans les rues ! À l'un d'eux, qui jouait dangereusement avec un vieux revolver, je demande de quelle compagnie il est ? J'étais en civil. Je reçois comme réponse : "Toi, tu es bien curieux ! Tu es libéré maintenant, tu ferais mieux de payer un coup à boire, tu nous dois bien ça !" !!! J'ai gardé mon calme et je lui ai simplement répondu "merci" ». À Valence, tout juste libérée, « les Valentinois, qui s'étaient courageusement planqués pendant le défilé des Allemands en retraite, sortent de leurs caves ; la foule s'en prend aux prisonniers allemands ramassés par le maquis ; certains commencent à tondre des femmes soupçonnées de rapports avec les soldats ennemis ».
Le bilan de la libération de Valence du côté allemand serait d'environ vingt morts et 398 prisonniers. Treize maquisards ont été tués, dont le capitaine Ferdinand Lévy, du groupe Maurice appartenant à la compagnie Pons.
Le lendemain, 1er septembre, les Allemands ont disparu des secteurs du nord du département où leurs derniers éléments assuraient la protection du repli. La Drôme est libérée.
Le 4 septembre a lieu à Valence une grandiose cérémonie célébrant cette libération. Un défilé des troupes et une prise d'armes se déroulent au Champ de Mars.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Combats pour le Vercors et pour la liberté, Drôme-Nord, terre d’asile et de révolte, 1940-1944, La Picirella, Témoignages sur le Vercors, Henri Faure, Étais-je un terroriste ?, Pons, De la Résistance à la Libération, Micoud, Nous étions cent cinquante maquisards, Ladet, Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme (Mémoires d\'un corps-franc et d\'une compagnie FFI). Portes-lès-Valence \"zone rouge\", 1942-1944, Pour l’amour de la France, Drôme-Vercors 1940-1944.