"Etude de cas : les manifestations du 14 juillet (1942-1944)"

Sous Vichy, la fête nationale du 14 juillet est réduite, depuis l’été 1940, à une journée « de deuil et de recueillement », en hommage aux morts de la guerre, et ne donne lieu qu’à des cérémonies très limitées et contrôlées. En 1942, la Résistance s’est suffisamment développée et organisée pour reprendre à son compte la journée emblématique de la République.

La France libre et la Résistance intérieure appellent à manifester, le 14 juillet 1942, en zone non-occupée. Le général de Gaulle et Maurice Schumann s’expriment en ce sens, à la BBC, dans les jours qui précèdent. Ils insistent sur la nécessaire défense de la patrie contre l’occupant et « les traîtres », sous le signe des trois couleurs. Les tracts et affiches diffusés par les mouvements de Résistance s’inspirent des mêmes thèmes et valorisent fortement la filiation républicaine et révolutionnaire.

Un grand nombre de localités de la zone non-occupée sont touchées. Les rassemblements s’effectuent, si possible, autour de lieux symboliques. Des centaines de jeunes gens manifestent dans le centre de Nice. A Toulon, plus d’un millier de personnes se regroupent place de la Liberté. Les cortèges sont particulièrement importants à Marseille, ainsi que le montrent de nombreux documents.

Le succès de ces manifestations met en évidence la capacité de mobilisation de la Résistance, mais aussi l’audience réelle dont dispose « Radio-Londres ». La convergence avec la Résistance intérieure, dont on a ici un exemple, permet à la « France libre », grâce aux liens établis,  de devenir, pendant l’été 1942, « France combattante ».

Les mobilisations des années ultérieures ont un caractère bien différent. L’occupation de la zone Sud, en novembre 1942, change la donne pour la région. Mais la Résistance, en dépit de la présence des occupants et de la forte répression, tente de maintenir la commémoration républicaine.

Pour le 14 juillet 1943, la consigne est de manifester dans l’ensemble du pays, en zone Nord et zone Sud, pour participer au combat et préparer une victoire espérée proche. Nous donnons ici l’exemple des Alpes-Maritimes. En juillet 1944, la situation a encore évolué. Le débarquement de Normandie en juin a mis à l’ordre du jour la généralisation de l’action armée. La répression menée par l’État français et les occupants s’est renforcée. Des manifestations sont tout de même organisées. Elles n’atteignent jamais l’ampleur de celles du 14 juillet 1942. Dans les régions de maquis, les hommages devant les monuments aux morts sont rendus fusil au poing. C’est le cas, par exemple, à Colmars-les-Alpes. 

Auteur(s) : Robert Mencherini