2022-2023 : "L’école et la Résistance..."

CNRD 2022/2023 L’École et la Résistance : Des jours sombres au lendemain de la libération (1940-1945)


L'Ecole n'a jamais constituée une île heureuse à l'abri des tumultes du monde. La IIIe République avait fait de l'école le vecteur des valeurs républicaines. Le régime de Vichy entend en faire un instrument de conquête au service de l'idéologie de la Révolution nationale.
Dés le 15 août 1940, le maréchal Pétain dresse un réquisitoire contre cette école laïque, démocratique et ses enseignants, en particulier ceux de l'école primaire, rendus responsables de la défaite. Pour les ministres de l'Instruction publique qui se succèdent de juillet 1940 à août 1944, il faut fonder une école nouvelle dans laquelle les hiérarchies sociales et de genre seront rétablies parce que considérées comme naturelles, la laïcité réduite, les programmes d'histoire et de géographie révisés pour exalter une France éternelle fantasmée. L'enseignement de la Révolution française est supprimé. En revanche Louis IX( Saint Louis), croisé et antijuif, canonisé par l'Eglise, réactive le thème de la France « fille aînée de l'Eglise ». Jeanne d'Arc, objet de nombreuses manifestations, symbolise quant à elle un nationalisme anti-anglais. Cette France nouvelle s'incarne dans le maréchal Pétain dont enseignants et élèves doivent célébrer le culte.
Cette école nouvelle doit être purgée de ses éléments indésirables, enseignants communistes, juifs, francs-maçons ou tout simplement manifestant un esprit critique. Les écoles normales d'instituteurs qui ont formées les « hussards noirs de la République » sont supprimées.
Durant la drôle de guerre, Marseille et sa région, demeurent éloignées des théâtres d'opération. Cependant, à travers la mobilisation d'enseignants, leur mort parfois ou leur captivité, les pénuries et restrictions puis l'afflux de réfugiés à partir de mai- juin 1940, le fonctionnement des écoles se trouve bouleversé. La rentrée de septembre 1940 se fait sous le signe de la Révolution nationale. La politique antisémite de Vichy, puis sa participation aux déportations, frappe enseignants et élèves condamnés pour être nés juifs.
Si, en surface, les enseignants sont matés, voire convertis et les élèves rendus à un semblant de normalité, des signes de dissidence se manifestent très tôt. Le 28 mars 1941, élèves et étudiants jouent un rôle central dans la première manifestation publique anti-allemande à Marseille. Les mouvements de résistance, qui se structurent et se coordonnent dés la fin 1941, comprennent nombre d' enseignants et d' élèves comme le montre l'Organisation Universitaire de Combat.

A partir de novembre 1942 et de l'occupation de la zone sud, l'armée et les services de répression allemands sont présents en Provence. Adultes comme jeunes résistants sont impitoyablement pourchassés et réprimés, notamment dans les derniers mois précédant la libération de la région. Certains participent aux combats de la libération au sein des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) et poursuivent même parfois leur engagement en rejoignant l'armée du général de Lattre de Tassigny jusqu'à la capitulation de l'Allemagne le 8 mai 1945.
Tous espèrent que leur combat permettra la naissance d'une société plus juste, plus égalitaire, plus démocratique dont l'école serait à la fois le miroir et l'agent de transformation. Les résistants de l'intérieur, tel l'historien Marc Bloch, comme les responsables de la France Libre qui siègent à Alger produisent de nombreux rapports consacrés à la reconstruction du système éducatif. L'Ecole de la Troisième République, en effet, est sévèrement jugée à travers le prisme de la défaite et de l'effondrement de juin 1940.Si tous souhaitent une démocratisation de l'enseignement, une pédagogie plus active, plus épanouissante et l' accès de toute la nation à la culture, les projets divergent. Entre une Ecole fondée sur une méritocratie républicaine élargie et une massification de l'enseignement, le fossé existe. De même, la place de l'école privée intégrée ou non à l'Education nationale au même rang que l'enseignement public, suscite d'intenses débats qui ne sont pas tranchés par la Libération.

Source(s):

Auteure : Sylvie Orsoni

Sources :
Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud,2004.
Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières. 1. Les années de crise, 1930-1940. Paris, Syllepse, 2004.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores(1944-1947) Midi rouge, ombres et lumières. 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.
Muracciole Jean-François,Les enfants de la défaite . La Résistance, l'éducation et la culture, Paris, Presses de Sciences Po, 1998.

Plan de l'expo

Crédits

Bibliographie

Actualités

Une École nouvelle haut ▲

L'école mise en place sous la Troisième République n'avait jamais été acceptée par la droite et l'extrême droite française. L'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain permet aux partisans de la Révolution nationale de régler leurs comptes avec une école porteuse de valeurs d'égalité et de laïcité. Les différents secrétaires d'Etat à l'instruction publique, de Jacques Chevalier à Abel Bonnard, en passant par Jérôme Carcopino, vont entreprendre de transformer l'école afin non seulement de démanteler l'oeuvre des gouvernements de gauche qui les ont précédés mais aussi de forger de futurs adultes, pétris de morale catholique, convaincus de la légitimité des hiérarchies sociales et de genre. De la formation des maîtres à l'enseignement différencié que doivent recevoir filles et garçons, une école nouvelle tend à se mettre en place.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Barreau Jean Michel, Vichy contre l'école de la République, Paris, Flammarion, 2000.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse,2009

Une École épurée haut ▲

La jeunesse est un enjeu majeur pour le régime de Vichy. Lui inculquer les valeurs de la Révolution nationale, c'est assurer l'avenir. Exclure les réfractaires à l'ordre nouveau et tous ceux qui font partie de l'Anti-France (communistes, Juifs, Francs-maçons) est une priorité. Les écoles normales d'instituteurs sont réformées dès septembre 1940. L'administration, du préfet aux commissaires de police chargés d'enquêter sur les éventuelles brebis galeuses, en passant par l'inspecteur d'académie qui adresse des rapports mensuels au préfet régional dont certaines rubriques n'auraient pas surpris venant des Renseignements généraux, met en œuvre cette épuration . Des lettres de dénonciation, le plus souvent anonymes les secondent dans cette tâche.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Barreau Jean Michel, Vichy contre l'école de la République, Paris, Flammarion, 2000.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse, 2009.

Rapports de l'inspecteur d'académie des Bouches du Rhône (1941-1942) haut ▲

Les rapports de l'inspection d'académie au préfet : entre maréchalisme fervent et réserves discrètes

L'inspecteur d'académie a une compétence départementale. Il est sous la double tutelle du recteur qui préside le Conseil académique de l'Instruction publique et du préfet qui préside le conseil départemental de l'Instruction publique.
Jusqu'à l'ordonnance de 20 novembre 1944, c'est le préfet qui nomme, mute et révoque les enseignants du primaire sur proposition de l'inspecteur d'académie.Le préfet ne limite pas les fonctions de l'inspecteur d'académie au terrain purement pédagogique. Il en attend des informations sur le comportement politique des enseignants et l'application des directives gouvernementales. Dans un contexte de répression politique et de surveillance généralisée, l'inspecteur d'académie est un auxiliaire important.
Les archives départementales des Bouches-du-Rhône conservent sous la cote 76 W 48 les rapports que les inspecteurs d'académie ont adressés au préfet de 1940 à 1944. En fait, c'est la période 1941-1942 qui est la mieux documentée. Les rapports émanent du même inspecteur, M. F.. On ne sait quel fut le sort de ce fonctionnaire si déférent à la Libération.

Les rapports mensuels de M. F., inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône d'avril 1941 à septembre 1942 rejoignent les informations que le préfet peut attendre des Renseignements généraux. Le comportement politique des enseignants dans leur classe fait l'objet d'une analyse par niveau d'enseignement. L'inspecteur d'académie tient à assurer le préfet que son bras ne tremble pas lorsqu'il faut sanctionner des rebelles à l'ordre nouveau et il cite les sanctions prises en fonction des manquements commis. Sa déférence à l'égard de l'autorité préfectorale et ses proclamations d'adhésion à la Révolution nationale et à la personne du maréchal Pétain frisent l'obséquiosité. On ne pourrait voir dans ces documents que la manifestation d'un fonctionnaire zélé, soucieux de montrer sa loyauté et son efficacité à sa hiérarchie dans un contexte particulièrement répressif. Croit-il vraiment à la conversion quasiment immédiate aux principes de la Révolution nationale d’un corps enseignant massivement syndiqué et souvent socialiste ou communiste ? Le préfet en est-il lui-même convaincu ?
A partir de 1942 les difficultés matérielles des élèves et des enseignants occupent une place de plus en plus grande dans les rapports et ne peuvent être portées au crédit du gouvernement. La mise en application hâtive des réformes et les résultats obtenus en contradiction avec les objectifs gouvernementaux ne sont pas dissimulés. L’inspecteur d'académie prend souvent dans ce cas la précaution de placer les propos négatifs dans la bouche de subordonnés, d'élèves ou de parents.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse, 2009.

Résistance haut ▲

A la rentrée des classes de septembre 1940, élèves et enseignants découvrent une école nouvelle, remodelée pour devenir un instrument de propagande au service du régime, épurée bientôt de ses enseignants juifs, francs-maçons, rebelles de toute nature à l'ordre nouveau. Si beaucoup font confiance au maréchal Pétain, le gouvernement ne jouit pas de la même faveur.

Dès l'automne 1940, des signes d'opposition apparaissent dans les principales villes des Bouches du Rhône et du Vaucluse: inscriptions sur les murs, cris séditieux, papillons contestataires collés sur les affiches de propagande, tracts incitant à la désobéissance. La police constate que Radio-Londres est très écoutée. A Marseille, la première manifestation publique de résistance apparaît les 28 et 29 mars 1941. Les étudiants et lycéens y jouent un rôle majeur. Ils participent également aux manifestations du 14 juillet 1942 qui se produisent à Marseille comme à Avignon ou Carpentras et même dans des villages comme Lourmarin ou La Tour d'Aigues.

A cette date, la Résistance, tout en étant très minoritaire est déjà organisée. Les principaux mouvements de résistance non communiste, Combat, Franc-Tireur, Libération sont présents à Marseille et dans la région provençale. Fin 1942, ils mettent sur pied un comité de coordination : les Mouvements Unis de Résistance (MUR). Les MUR sont structurés en multiples secteurs : service de renseignements (SR), noyautage des administrations publiques (NAP), recrutement organisation propagande (ROP), service social, Groupes Francs (GF), Armée secrète (AS) et l'Organisation Universitaire (OU). Les militants sont souvent issus de Combat qui est l'organisation non communiste la plus importante.

La Résistance communiste suit une autre évolution. Le parti communiste français et toutes ses organisations annexes sont interdits le 26 septembre 1940 à la suite du pacte germano-soviétique. Les militants font dés cette date l'apprentissage de la clandestinité et de la répression mais sont désorientés par la ligne du Parti qui qualifie le La naissance et lconflit de guerre impérialiste entre puissances capitalistes. L'attaque de l'URSS par l'Allemagne le 22 juin 1941 lève les ambiguïtés et, dés lors, le Parti communiste jette toutes ses forces dans la lutte contre l'Allemagne nazie et le régime de Vichy.

Des réseaux de renseignements liés à la France libre, aux Britanniques ou aux Américains sont également actifs dans la région.

Elèves et enseignants se distribuent dans ces différents mouvements et réseaux en fonction de leurs affinités politiques ou amicales. Les jeunes se lancent dans la Résistance avec l'enthousiasme et parfois l'inconscience de leur âge. Ils sont particulièrement touchés par la répression . Deux grandes vagues d'arrestations menées par le SIPO-SD (Gestapo) se révèlent particulièrement meurtrières : celle de mars à juillet 1943 et celle de juin- juillet 1944. Des élèves et enseignants membres de l'Organisation Universitaire de Combat ou de réseaux comme celui de l'abbé Blanc figurent parmi les victimes. D'autres poursuivent le combat dans les maquis très nombreux dans la région, au sein des FFI ou, plus tard, l'armée de libération du général De Lattre de Tassigny et beaucoup y perdent la vie.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947)Midi rouge, ombres et lumières. 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.
La naissance et l'organisation de la Résistance en Vaucluse, 1940-1943. n°6 de Mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Vaucluse, Service départemental de l'office national des Anciens combattants du Vaucluse

Parcours et témoignages haut ▲

Dès la Libération, les résistants témoignent. La commission d'histoire de l'occupation et de la libération de la France qui se fond dans le comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale à partir de 1951, recueille les témoignages de résistants. Les historiens poursuivent l'œuvre de Jean Maitron dans des dictionnaires thématiques consacré aux résistants, aux fusillés, aux déportés. Le croisement des différentes sources permet de reconstituer des parcours biographiques. Plus tard, les survivants des persécutions antisémites témoignent également. Les quelques fiches biographiques et témoignages figurant dans ce chapitre essaient de redonner un visage et une voix à ceux dont la vie a été irrémédiablement bouleversée et parfois interrompue par des régimes rejetant les valeurs humanistes et universalistes.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud, 2004
Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières 1. Les années de crise, 1930-1940, Paris, éditions Syllepse, 2004.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947) Midi rouge, ombres et lumières. 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.