La préparation militaire des débarquements

Le débarquement est proche et la lutte armée devient une priorité pour la Résistance : les sabotages et les actions de repérage se multiplient.

Pour que le débarquement en Normandie soit une réussite complète, les Alliés demandent aux réseaux de la résistance française de participer à la préparation de cette opération qui porte désormais le nom d'opération Overlord. Les alertes sont envoyées aux résistants par l'intermédiaire de la radio : la BBC, lors de son émission française, émettait des messages codés qui avaient tous leur signification et leurs destinataires. Ainsi, cinq jours avant le 6 juin 1944, Jour J, les auditeurs de l'émission française de la BBC peuvent entendre les trois premiers vers du poème "Chant d'Automne" de Verlaine ("Les sanglots longs - Des Violons - De l'automne..."). La signification de ce message est la suivante : le débarquement aura lieu au cours de cette semaine et une fois les trois prochains vers de ce poème émis ("Blessent mon coeur - D'une langueur - Monotone..."), l'offensive commence dans les prochaines 48 heures. Ces messages, très nombreux, annoncent le début d'opérations de sabotage : les résistants détruisent alors des chemins de fer, des lignes téléphoniques et installent des mines antichars sur les routes. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, près de 1 000 actions de sabotage sont effectuées par la résistance française.

Plan de l'expo

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Les maquis haut ▲

Les maquis formés spontanément au printemps 1943 prennent rapidement conscience de la nécessité d'être encadrés et font appel à des officiers d'active ou de réserve, qui vont devoir opérer une sélection au sein de leurs effectifs, instaurer une discipline et lutter contre l'oisiveté. Au sein des maquis, l'entraînement militaire quotidien permet d'initier les jeunes recrues n'ayant pas effectué leur service militaire. La journée commence invariablement par des exercices physiques, suivie par une cérémonie de lever des couleurs. Les recrues apprennent le maniement des armes, le camouflage et les techniques de guérillas. Des exercices de nuit sont exécutés afin de préparer les maquisards à la nécessité d'une évacuation rapide du camp. Des cours théoriques sont également dispensés et à l'approche de la Libération, les maquisards apprennent à marcher au pas cadencé dans l'optique d'un futur défilé. La discipline est stricte et des sanctions de nature très variées punissent tout manquement : corvées supplémentaires, privation d'une ration de tabac...

Les parachutages sont très inégalement répartis selon les maquis : au total, 196 000 stens réparties sur l'ensemble des maquis. Après le Débarquement, l'intensification des parachutages mobilise des moyens considérables pour récupérer les containers disséminés en pleine nature. Les maquisards doivent parfois solliciter l'aide d'agriculteurs de plusieurs villages environnants, qui leur apportent les charrettes et autres attelages susceptibles de transporter des charges très lourdes, nécessaires en raison de la pénurie d'essence et le faible nombre de véhicules motorisés en état de fonctionnement.

Dans les jours qui suivent le Débarquement, on assiste à une montée massive aux maquis et à la libération de petites zones dans la moitié sud de la France où la République est parfois réinstaurée: comme dans les maquis du Vercors, du Mont-Mouchet, Nantua (Ain), Annonay (Ardèche) dans les villes du Tulle et de Guéret (Corrèze) et dans certains bourgs provençaux. Ces expériences sont très éphémères et toutes les zones susceptibles de gêner les communications, sont reprises par les Allemands dans les semaines suivantes. Les maquisards, progressivement intégrés à l'armée française, en application de l'ordonnance prise par le GPRF en juin 1944, se regroupent alors et reçoivent l'aide d'unités alliées.

En application de la convention d'armistice du 22 juin 1940, les Allemands assimilent les maquisards à des francs-tireurs et sont impitoyables avec ceux qu'ils considèrent comme des criminels à punir de manière exemplaire. Les maquisards et les FFI qui ne sont pas considérés comme des soldats réguliers ne sont donc pas protégés par les conventions internationales (La Haye en 1907 et Genève en 1929). Perçus comme des "terroristes" ou des "bandits", ils doivent donc être exécutés, même s'ils sont faits prisonniers. Il s'agit pour l'Occupant de "nettoyer" le terrain de bandes, perçues comme lâches et révolutionnaires. Au début de l'année 1944, des compagnies de la Wehrmacht se spécialisent dans la lutte contre les maquis dans les régions les plus exposées à leurs actions de guérilla. Ils coopèrent avec la Milice française et s'acharnent contre certains villages. Les attaques surprises, le blocage des sources d'approvisionnement du maquis, les représailles contre les civils sont des moyens de semer la terreur et d'isoler le maquis. Après le débarquement en Normandie, la répression à l'égard des maquis et des villageois s'intensifie. Des troupes auxiliaires, formées de supplétifs regroupant plus d'une dizaine de nationalités sont chargées de la traque des maquisards. Indisciplinées, brutales, elles commettent de nombreuses exactions l'égard des populations civiles et se livrent au pillage systématique des villages. A partir de l'été 1944, certains soldats désertent, encouragés en cela par les maquisards: les maquis se renforcent grâce à l'intégration de certains déserteurs chargés initialement de les combattre. La division d'élite "Das Reich" est chargée dès le printemps 1944 d'anéantir les maquis du Limousin et du Périgord. Elle sillonne la région de Tulle à Oradour-sur-Glane employant une barbarie inouïe sous l'Occupation face aux populations civiles locales. La tragédie du Vercors en juillet 1944 montre bien que l'anéantissement des maquis devient prioritaire lorsque ceux-ci entravent les communications des troupes allemandes. Après le débarquement en Provence, les Allemands qui battent en retraite abandonnent des zones entières aux maquis car ils n'ont plus les moyens ni le temps de les anéantir. A partir de l'automne 1944, la retraite des troupes allemandes s'effectue dans la peur des représailles du côté de la population civile et dans la crainte des "terroristes" exécutant les prisonniers allemands au sein de l'armée allemande. On estime entre 12 et 15 000 le nombre de morts liés aux combats et à la répression à l'égard des maquis.

Actions subversives en vue des débarquements haut ▲

Les Forces françaises de l'Intérieur (FFI) sont créées par une ordonnance du Comité français de libération nationale (CFLN) du 1er février 1944. Le général Koenig, héros de Bir-Hakeim , nommé par les Alliés, en dirige l'état-major à Londres. Les FFI ont également un état-major national et sont organisées en région, département et secteur. La mise en place des FFI correspond à une nouvelle phase de l'unification des forces armées de la Résistance intérieure, plus large que celle qui avait été réalisée avec la mise en place de l'Armée secrète en 1942-1943. Elles regroupent en effet l'Armée secrète (AS), les groupes francs, les FTP (francs-tireurs et partisans) et l'ORA (organisation de Résistance de l’armée, créée par la dissolution de l'armée d'armistice). Selon les régions, d'autres groupes sont intégrés aux FFI. Le général Koenig est respecté par les Américains et Eisenhower le reconnait comme commandant en chef des FFI le 30 mai 1944. Ainsi, explique François Marcot, dans le dictionnaire historique de la Résistance (Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 2006), il reconnait aux FFI le statut d’une « armée régulière » placée sous le contrôle des Français, intégrée dans le dispositif allié.

Les FFI doivent entrer en action au moment du Débarquement des forces alliées en France et mettre en œuvre les plans qui ont été définis à Londres par les services secrets de la France libre :
• le Plan vert (paralysie du réseau de chemins de fer, par le sabotage des voies ferrées pour empêcher l’afflux des renforts allemands) ;
• le Plan violet (neutralisation des lignes de communication téléphoniques allemandes, en particulier les lignes souterraines à grande distance) ;
• le Plan bleu (perturbation de la distribution d'électricité, par le sabotage des lignes à haute tension) ;
• le Plan Tortue, ou « bibendum », (retardement de le montée des renforts allemands vers le front par des actions de guérilla sur les routes).

L'un des principaux problèmes sera le manque d'armement, en raison du faible nombre de parachutages, mais aussi de la répartition très inégale des armes et du matériel entre les différents groupes. Dans la soirée du 5 juin, le message "Les carottes sont cuites" annonce le Débarquement, retardé par la tempête, et invite les FFI à se préparer à entrer en action. A partir de vingt-et-une heures, plusieurs messages se succèdent, phrases à l'apparence anodine mais qui ont chacune une signification bien précise : - "Il fait chaud à Suez" ordonne le plan Tortue c'est à dire l'entrée en guérilla afin de ralentir la montée des renforts allemands, notamment en visant les blindés. " Les dés sont sur le tapis " déclenche le plan Vert dont la finalité est le sabotage des voies ferrées. " Les plus désespérés sont les chants les plus beaux " lance le plan Violet afin de détruire les communications téléphoniques. Les résistants captent ces messages sur des postes interdits depuis la confiscation des TSF au printemps et les agents de liaison répercutent les consignes aux différents groupes. En septembre 1944, les FFI sont dissoutes par de Gaulle et les volontaires sont incorporés dans l'armée régulière.