La diversité des maquis

L'étude des maquis est d'autant plus complexe que ces derniers se distinguent selon leur date de formation plus ou moins précoce, leur longévité et l'organisation résistante à laquelle ils se rattachent (Armée Secrète, FTP, ORA...). Il s'agit ici d'illustrer la diversité des maquis, en insistant, grâce à des cartes établies localement, sur leur mobilité et sur l'impossibilité de dresser une carte générale sur le plan national. Il faut également insister sur l'importance des chefs de maquis, qui définissent la stratégie et font le lien avec les chefs locaux de la Résistance et la population villageoise.

Les différentes étapes dans le développement des maquis haut ▲

On peut distinguer différentes étapes dans la chronologie propre à la formation et au développement des maquis: 

- Dès l'automne 1942, on voit alors apparaître des « poussières de maquis » , petits groupes d'une dizaine d'hommes au nombre restreint pour des raisons de sécurité, notamment en Normandie, dans les Alpes et dans le Massif Central. Toutefois, c'est surtout au printemps 1943 avec l'instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) que les réfractaires affluent vers les maquis refuges. Les maquis s'intègrent alors progressivement à la Résistance qui les encadre, leur offre un financement limité et une promesse d'armement. Dans les massifs montagneux de zone sud, certains maquis s’engagent dans l’action immédiate (coups de mains, sabotages, attaques contre les collaborateurs et les services de Vichy) . La répression menée par Vichy puis les Allemands est sévère.  

-De Novembre 1943 à mars 1944 : Des études départementales démontrent que les maquis sont formés au deux tiers par de jeunes réfractaires issus des classes d'âge réquisitionnées pour le STO (1920, 1921 et 1922). Jusqu'au printemps 1944, la première fonction des maquis est donc de servir de refuge pour ces clandestins. Après la désillusion liée au report du Débarquement espéré pour l'automne 1943, la répression et la vigueur de l'hiver expliquent  la baisse des effectifs au sein des maquis, qui se replient, se dispersent: ils trouvent refuge dans des chalets de montagne, des  hameaux ou retournent dans les villages ou en ville (Savoie, Jura, Massif Central). Le sentiment d'isolement et d'abandon atteint alors son paroxysme.

-D'Avril 1944 au 6 juin 1944: Au printemps 1944, les maquisards s'engagent dans la lutte armée, devenant des maquis de combat. On assiste à la mise en oeuvre d'actions de guérilla (sabotages, libération de prisonniers, exécutions de traîtres) permises par les parachutages d'armes (toutefois très inégalement répartis géographiquement).On assiste alors à une véritable renaissance des maquis qui s'étoffent et reprennent espoir dans un Débarquement, malgré  des vagues de répression qui touchent notamment les Glières, le Haut-Jura et les Cévennes.

A partir du 6 juin 1944 : on entre dans la période de grande montée au maquis avec l'exécution du plan rouge « guérilla » orchestré depuis Londres et la BBC. Cette mobilisation populaire engendre parfois des imprudences liées à l'inexpérience des civils combattants. Les maquis participent aux côtés des Alliés à la libération d'une grande partie du territoire. La Haute-Vienne, la Haute-Savoie et la Corrèze sont les premiers départements ainsi libérés. Les maquisards sont alors intégrés au sein des Forces Françaises de l'Intérieur. Si le manque de coordination entre Alliés, FFI et maquisards conduit parfois à des situations dramatiques, la Libération est un moment important pour le maquisard qui sort de la clandestinité et reçoit l'accueil enthousiaste des populations libérées.

Certains cherchent à rejoindre un maquis alors même que leur département est libéré. Il s'agit pour eux de justifier d'une activité résistante, comme d'un alibi. Cela donne lieu à plusieurs rappels à l'ordre à l'encontre de ces résistants de la dernière heure, parfois les plus virulents dans les représailles commises à l'encontre d'anciens collaborateurs.

Source(s) :

François Marcot, "Les maquis", Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, Robert Laffont, 2006. 

Jacques Canaud, Le Temps des maquis, Editions de Borée, 2011. 

Cartographie des maquis haut ▲

Il n’existe pas de carte nationale des maquis satisfaisante, pour des raisons simples. Les maquis peuvent désigner des rassemblements allant de quelques hommes à (exceptionnellement) plusieurs milliers, ce qui pose un problème insoluble d’échelle. Par ailleurs, la plupart des maquis se sont déplacés pour survivre, ce qui complexifie toute cartographie globale.

Nous présenterons donc ici des maquis à l'échelle départementale afin d'en illustrer la mobilité et la diversité.

Exemples de maquis haut ▲

Dans une France morcelée, les maquis reflètent la diversité des conditions et aux contraintes liées à l'Occupation, qui varient selon les régions. On peut noter ainsi quelques spécificités régionales:

  • Dans les régions frontalières, la tradition de repli dans les montagnes pour faire face à l'envahisseur facilite la montée au maquis (Franc-tireurs vosgiens de 1815 et 1871). Les liaisons transfrontalières s'intensifient (filières de passages clandestins) et occasionnent des regroupements, notamment dans les Alpes-Maritimes, entre maquisards français et italiens ou dans le massif des Pyrénées, entre français et espagnols. Dans le Nord et dans les Ardennes, des maquis franco-belges se constituent.

  • Dans les montagnes cévenoles, marquées  par les persécutions religieuses passées, l'aide apportée par la population locale aux Juifs persécutés puis aux maquisards témoignent de la prégnance de cet héritage religieux.

  • En Bretagne, malgré la volonté allemande de nourrir le séparatisme, le maquis de Saint-Marcel, dans le Morbihan, regroupe les effectifs les plus importants après celui du Vercors.

  • En l'Alsace et de la Moselle rattachée au Reich, le refus d'incorporation dans la Wehrmacht est un des facteurs de montée au maquis, où les conditions de survie sont particulièrement difficiles puisque les maquisards ne peuvent bénéficier du ravitaillement des Alliés. Ils doivent donc aller chercher un soutien logistique dans les Vosges. 

Les maquis se distinguent également selon leur durée de vie: certains sont nés dès la fin de l'année 1942 et ce sont maintenus jusqu'à la Libération. A l'inverse, à l'annonce du Débarquement, de nombreux maquis se sont formés de manière spontanée et largement improvisée.

Les maquis AS et les maquis FTP: Dès décembre 1942, l'afflux de réfractaires au STO oblige les responsables des mouvements de résistance à prendre des mesures pour encadrer et armer les 10 à 20% qui rejoignent les maquis. A la tête des Mouvements Unis de Résistance, Henri Frenay, commissaire aux affaires militaires du comité directeur des M.U.R. combat les réticences de la France Libre et de Jean Moulin. En avril 1943, il crée un service Maquis et une Ecole des cadres du maquis, visant à organiser les groupes de réfractaires. De leur côté, les FTP, longtemps réticents face aux maquis par crainte qu’ils ne soient des refuges éloignés de leurs terrains d’action privilégiés, les villes, créent dès l’automne 1943 et au printemps 1944 leurs propres formations :les « maquis-FTP ». Ces petits maquis mobiles tournés vers l'action directe fustigent la stratégie poursuivie par les maquis combattants, qu'ils jugent attentistes, alors que ceux-ci sont destinés à servir de tête de pont au cours des combats de la Libération. 

Source(s) :

François Marcot, article "maquis", in Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, Robert Laffont, 2006. 

Jacques Canaud, Le temps des maquis, Editions de Borée, 2011. 

Figures des maquis haut ▲

Les maquis formés spontanément au printemps 1943 prennent rapidement conscience de la nécessité d'être encadrés et font appel à des officiers d'active ou de réserve, qui vont devoir opérer une sélection au sein de leurs effectifs, instaurer une discipline et lutter contre l'oisiveté. Cette reprise en main est achevée à l'été 43 car on attend le débarquement pour l'automne. Même pour les maquis plus tardifs, la personnalité du chef est donc décisive, comme le remarque Jacques Canaud: "On pourrait presque parler de liens d'homme à homme, au sens médiéval du terme, à condition de préciser que l'autorité du chef sur le simple maquisard est fondée sur le prestige de ce chef et non pas sur une hiérarchie conventionnelle." Le chef de maquis impose ainsi contraintes et sanctions, ainsi que le rythme de la journée et les sorties du camp (coups de mains, actions de guérilla). Il établit également des contacts avec les personnes influentes sur le plan local (curé, instituteurs, notables), dont le soutien est indispensable pour obtenir l'adhésion de la population villageoise.

Source(s) :

François Marcot, "Vie au maquis", Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, Robert Laffont, 2006.