La Résistance en Corse

La Résistance corse présente un certain nombre de singularités tenant d'abord à la géographie excentrée et accidentée de l'île, à son histoire ainsi qu'à la culture corse : opposition à l'irrédentisme italien dès la fin des années 30, alimenté par une propagande ancienne qui va précipiter l'entrée en action de certains, volonté d'appartenir pleinement à la République française mais pas à Vichy, influence du clan familial sur l'engagement résistant et patriote. A l'image de la lutte civile et armée, facilitée par le relief irrégulier de l'île et par ses nombreuses zones de maquis-refuges, mais fragilisée par sa bordure maritime, objet de toutes les surveillances et invasions possibles, la Résistance corse, d'abord fortement isolée et mal armée, a réussi le pari de l'unification de ses membres sous l'égide du Front national dès l'été 1943.

La déclaration de guerre de l'Italie à l'encontre de la France, le 10 juin 1940, est suivie de l'arrivée, dès le 8 juillet, d'une Délégation Italienne d'Armistice (DIA), missionnée pour contrôler - au nom de l'Axe - le désarmement de l'île prévu dans la convention d'armistice.

Les Italiens n'occupent pas militairement la Corse à ce moment-là. Mussolini avait pris soin, au cours des années 30, d'envoyer environ 6 000 civils italiens "faire souche" en Corse pour soutenir une campagne d'italianisation et familiariser la population avec la culture des nouveaux colons. Néanmoins, et malgré les saillies irrédentistes du Duce, la nécessité d'une résistance armée ne s'impose pas d'emblée à la population. C'est ce qui explique que les premiers résistants organisés sont bien les opposants au gouvernement de Vichy.

Le 8 novembre 1942, l'opération "Torch" consistant pour les Alliés à débarquer en Afrique du Nord, s'était déroulée avec succès. En représailles, le 11 novembre, les armées allemande et italienne occupent la zone dite "libre". C'est entre le 11 et le 14 novembre 1942 que débarquent massivement les troupes italiennes d'occupation. Le choc est terrible : depuis le plein rattachement de la Corse à la France en 1789, l'Ile de Beauté n'avait jamais connu d'envahisseur. 

Selon les propres mots d'Arthur Giovoni, l'un des dirigeants du Front national corse, "Avant ce 11 novembre funeste, de timides tentatives d'organisation avaient bien eu lieu pour créer un front du refus, mais la Résistance était restée une aspiration plus qu'une réalité. Au soir du 11 novembre, elle allait prendre corps."


Resistance Activity in Corsica

Resistance activity in Corsica was characterized by the uniqueness of firstly the island’s geographical position and landscape, which is peripheral and hilly respectively, its history, as well as Corsican culture itself. The combination of these elements has manifested itself in several circumstances and historical precedents that are equally specific to Corsica, such as: opposition to the Italian doctrine of irredentism beginning in the 1930’s and fostered by preexisting propaganda that would stimulate the origins of the Resistance movement on the island, a desire to be a part of the French Republic, but not of Vichy, and the influence of the Corsican familial clan system within Resistance and patriotic activities. In addition to successfully orchestrating armed and civil combat, despite being poorly armed, geographically isolated, and weakened by the island’s porous maritime border, the Corsican Resistance movement also succeeded in unifying its members under the authority of the Front national as early as the summer of 1943. These efforts were facilitated by the island’s hilly and irregular landscape.

Italy’s declaration of war against France, the 10th of June 1940, was followed by the arrival of the Délégation Italienne d’Armistice (DIA) on the 8th of July. Governing in the name of the Axis forces, their task was to control and oversee the disarmament of the island as planned in the armistice agreement.

Initially, the Italians did not occupy Corsica militaristically. Mussolini took care, during the 1930’s, to send approximately 6,000 Italian civilians to integrate seamlessly into Corsican culture in the hopes that doing so would aid his campaign of Italianization and familiarize the native population with its new colonizers. Nonetheless, and despite the irredentist aspirations of the Duce, the necessity of an armed Resistance movement was not immediately considered by the public. This explains why early Resistance fighters were strong opponents of the Vichy government.

On the 8th of November 1942, Operation “Torch”, the landing of the Allied forces in North Africa, took place successfully. In retaliation to this, both the German and Italian armies invaded the Zone libre on November 11th. Between November 11th and 14th of 1942, large numbers of Italian troops arrived on Corsican soil. The shock was terrible. Not since its annexation by France in 1789 had Corsica confronted another invader.

In the words of Arthur Giovoni, one of the leaders of the Front national corse “Prior to that fateful day, November 11th, modest organizational attempts had been made to band together in noncompliance. But, the Resistance movement remained more of an aspiration than a reality. It was on the evening of November 11th that movement began to take shape.

Auteur(s): Paulina Brault
Source(s):

Photographie Mémorial de Caen.

Traduction : Sawnie Smith

Plan de l'expo

Crédits

Bibliographie

Motivations de l'engagement et recrutement haut ▲

Bien des motivations sont communes aux résistants, surtout pendant la période de l'Occupation, propice aux phénomènes de rejet. Cependant, on peut distinguer les motivations dominantes qui sont les résultantes des circonstances, mais aussi de l'environnement parental, d'engagements politiques, et de la capacité d'analyse des enjeux : un caractère qui se rencontre chez les résistants engagés dès 1940 et que leur culture politique rend aptes à résister aux propagandes défaitistes ou fascistes. 

Le refus des idéologies soutenues par les pays de l'Axe 
Dès les années 1930, la Résistance trouve ses racines dans les actions antifascistes développées contre les politiques de l'Italie fasciste, de l'Allemagne nazie et de l'Espagne franquiste. En Corse, cependant, la menace la plus proche est italienne. Les menaces de guerre se précisent en 1938, au moment où la propagande irrédentiste atteint son apogée. Le discours du comte Ciano, le 30 novembre, affirmant les droits de l'Italie sur la Corse induisent déjà une première résistance insulaire : des hommes tels Jean Zuccarelli ou Eugène Comiti animent les grandes manifestations de protestation du 4 au 11 décembre 1938. Elles sont fondées sur deux exigences : le refus radical de l'idéologie fasciste et l'affirmation de l'appartenance de la Corse à la nation française.

Le rejet de l'occupant 
Dès leur arrivée à Ajaccio en juillet 1940, les membres de la Délégation italienne d'armistice (DIA) sont l'objet d'une fronde qui exprime refus et dérision. En novembre 1942 débute l'occupation italienne. Les occupants italiens, très nombreux (80 000 pour environ 200 000 habitants, soit quatre Italiens pour 10 Corses), sont méprisés car leur image n'est pas celle de vainqueurs ; mal ravitaillés, mal équipés, ils sont aussi réputés mauvais stratèges. S'il existe bien une tolérance vis-à-vis des simples soldats du Regio Esercito et des affinités avec les partisans de l'Unione popolare italienne, ce sont les Chemises noires, proches des nazis, qui provoquent la haine et contre lesquels, en septembre et octobre 1943, les patriotes porteront leurs armes.

L'attachement à la démocratie française et aux idéaux de 1789
Aux menaces irrédentistes répond, dès le 4 décembre 1938, le Serment de Bastia, qui revendique l'identité française de la Corse. La référence historique y est le 30 novembre 1789, date du consentement des députés corses à la Constituante pour une intégration dans l'égalité. Les idéaux de 1789, qui sont le fondement de l'accord, ont conservé dans une Corse pauvre et arriérée une réalité vivace. Il s'y ajoute la fierté d'appartenir à une grande nation et le refus de se rallier à une Italie souvent honnie. D'autant plus que la France possède à cette époque un grand Empire dans lequel la diaspora corse est très présente. Le ton et le contenu des discours de De Gaulle répondent parfaitement à ces sentiments et expliqueront l'emprise durable du gaullisme dans l'île.

L'engagement communiste 
Il est créé en 1937-1938 une région corse du Parti communiste français. Avec l'expérience des conflits sociaux, en 1937 et 1938, l'organisation des Jeunesses communistes tend à se développer. Bien des jeunes résistants en sont sortis, surtout dans la région bastiaise. C'est l'un d'eux, Jean-Baptiste Fusella, qui reçoit, en janvier 1941, Pierre Georges, le futur "colonel Fabien", dans sa maison de Pietranera. Là, est constitué le premier Triangle régional et sont définies les premières modalités d'une résistance communiste. Pierre Georges n'a que 22 ans mais son prestige est déjà grand, puisqu'il a déjà combattu pour l'Espagne républicaine en 1937 et 1938. Les communistes ne sont pas plus de 300, bien qu'organisés et déterminés. Quelques-uns ont combattu avec les Brigades internationales auprès des Républicains espagnols (notamment François Vittori et Dominique Vincetti), et tous sont proches des réfugiés antifascistes. En 1939, le parti est interdit et réduit à la clandestinité. En 1940 et 1941, plusieurs responsables sont détenus à Calvi (comme Albert Stefanini) puis internés administratifs sur le continent. Le régime de Vichy contribue à les pousser dans la Résistance. Dès le début de 1941, entraînés par quelques hommes comme Léo Micheli, ils s'organisent et se lancent dans la Résistance civile. La création du Front national corse, dont ils assument la direction, leur donne une audience qui s'amplifie avec l'Occupation et la répression.

L'attachement et la fidélité à la terre natale
 
L'amour de la Corse ainsi que les dangers qui la menacent ont une forte résonnance sur les Corses vivant sur le continent. Dès 1941, Fred Scamaroni nourrit le projet de se mettre au service de son île natale. En 1942 et 1943, les services de Giraud à Alger choisissent des Corses pour la mission Pearl Harbor par pragmatisme, mais aussi parce qu'ils sont volontaires et déterminés. Ainsi, Pierre et Toussaint Griffi, Laurent Preziosi, puis Antoine et Paulin Colonna d'Istria. Jean Nicoli, peu avant son exécution en août 1943, écrit à ses enfants : " Je meurs pour la Corse et le parti. Comme deuil, vous porterez tous les deux une belle tête de Maure et un gros oeillet rouge...".

Quant au recrutement au sein de la Résistance, il connaît différentes étapes. L'année 1940 est caractérisée par l'initiative individuelle : tentatives d'officiers de carrière pour former localement de petits groupes de patriotes qui refusent la défaite. La plus notable est celle du commandant Pietri, qui appelle à la formation d'une Légion corse résistante. Il créera son organisation dans la région de San Gavino di Carbini sans jamais l'affilier au Front national.

A la suite des incidents provoqués par l’arrivée de la CIAF, le comité de vigilance avait été dissous. Charles Giudicelli le reconstitue clandestinement, sous le nom d’"Association des patriotes corses". C’est ce noyau qui donne naissance à l’organisation Combat, en juillet 1941, après la venue d’un délégué continental de ce mouvement. Combat commence à se ramifier et prend contact avec François Giacobbi et Raimondi en juillet 1942 et avec le FN en décembre 1942. Dans le nord (région de Bastia), Combat est dirigé par le capitaine Canavelli. Archange Raimondi et Paul Giacobbi y sont liés.
Dès 1941, Libération-Sud avait approché le Bastiais Pancho Negroni et l’Ajaccien Dominique Salini. 

Achille Peretti, commissaire de police (2e bureau) crée un réseau pour le renseignement et la contre-propagande. Il entre en communication avec Londres en janvier 1942. Il se rend en Corse en juin 1942 pour préparer l’arrivée de Fred Scamaroni et poser les jalons du réseau R2 Corse.

Fin juillet 1942, Arthur Giovoni constitue son groupe à Azilone.

Franc-Tireur prend pied en Corse en août 1942, à l’initiative du lieutenant Rossi, dit "le Noir", délégué de l’organisation lyonnaise. En septembre-octobre 1942, un groupe Franc-Tireurs se constitue à Levie, emmené par Pierre-Louis Benetti et Jules-Alexandre Rocca-Serra. André Salini et Pancho Negroni y adhèrent aussi.

Dans la période qui précède l'Occupation, le Front national et Combat, encore dépourvus de moyens, recrutent peu, manquant de moyens et d'effectifs mais constituant toutefois un vivier où la Résistance extérieure trouvera ultérieurement des relais.

La situation connaît un tournant avec l'occupation italienne, dès le 11 novembre 1942, et le terme de résistance prend un nouveau sens : il ne s'agit plus de contre-propagande ou de fronde contre les membres de la délégation d'armistice (DIA). Le risque d'un engagement est dorénavant celui de l'emprisonnement, de la déportation ou de la mort. Les esprits sont alors tournés vers la perspective de la libération, appuyée par la présence des Alliés en Méditerranée. Faute de liaisons régulières, les mouvements de Résistance en Corse sont cependant presque coupés des directions nationales. Au début, ils ne disposent d'autres armes que des fusils de chasse et des revolvers, sans moyens de transmission radio, et leurs effectifs sont faibles. L'exaspération engendrée par la présence de troupes très nombreuses - 80 000 hommes - et prédatrices favorise le recrutement.

En effet, le succès du débarquement allié en Afrique du Nord, suivi de l'occupation de la zone libre déclenche une poussée de la Résistance dans son recrutement, dans ses moyens aussi, grâce aux missions qui lui assurent dans un premier temps des liaisons radio avec Londres et Alger, puis, surtout pendant l'été 1943, la livraison d'armes par voie aérienne ou maritime. Fred Scamaroni dirige la mission gaulliste Sea Urchin ("Oursin de mer") dont les composantes seront plus tard homologuées R2 Corse. Quant aux missions d'Alger diligentées par le général Giraud, elles sont dirigées successivement par le commandant de Saule (Pearl Harbor), et le capitaine Paulin Colonna d'Istria à partir d'avril 1943. 

En mars 1943, la répression démantèlera le réseau Scamaroni et une réorganisation de la Résistance corse s'accomplira d'avril à juillet avec les ralliements au Front national et l'unification quasi totale de la Résistance insulaire. Le Front national devra reconstituer une direction clandestine, décapitée par l'OVRA et les Chemises noires, et limiter les déplacements de ses dirigeants. Il se constituera alors en comités locaux, cantonaux et d'arrondissement et c'est de son comité départemental que partira l'ordre d'insurrection le soir du 8 septembre 1943.

Motivations for Involvement and Recruitment within the Resistance

Many sources of political and personal motivation were common amongst all Resistance fighters, especially during the Occupation, and encouraged forms of noncompliance. However, it is possible to distinguish amongst these dominant sources of motivation, which were often the products of varying circumstances, the familial environment, political engagement, and one’s ability to analyze the stakes of war. This analytical ability, relied upon by Resistance fighters as soon as 1940, was an integral element of their political culture and facilitated the resistance against defeatist and fascist propaganda.

 

Refusal of Official Axis Ideologies

Beginning in the 1930’s, Resistance activity founds its roots in antifascist activity organized against the politics of fascist Italy, Nazi Germany, and Franco Spain. In Corsica, however, Italy posed the greatest threat. The threat of war became clear in 1938, during which irredentist propaganda reached its peak. The speech given by Count Ciano on November 30th, reaffirming Italy’s rights to Corsica, led to an early resistance manifestation within the island. Men, such as Jean Zuccarelli and Eugène Comiti, organized large protests from the 4th to the 11th of December 1938. These protests made two primary demands: the radical refusal of fascist ideology and the affirmation of Corsica’s place within the French nation.

The Rejection of the Occupying Forces

As soon as their arrival in Ajaccio in July of 1940, the members of the Délégation italienne d’armistice (DIA) were greeted with a revolt expressing rejection and derision of their presence. Italian occupation began in November of 1942. The occupying Italian forces, great in number (approximately 80,000 troops for every 200,000 inhabitants, or 4 Italians for 10 Corsicans) were despised, as their image was not one of victors. Both badly supplied and equipped, the Italian troops became known for their poor strategy. If there did exist a level of tolerance and affinity towards either the regular soldiers of the Regio Escrito or the followers of the Italian Union popolare, it was unlikely amongst the Blackshirts, sympathizers of the Nazi party. In response to the hatred they, the Blackshirts, provoked, Corsican patriots bore arms in September and October of 1943.

Attachment to French Democracy and the Principles of 1789

In response to irredentist threats, beginning on December 4th, 1938, the Oath of Bastia was introduced, reasserting Corsica’s French identity. The primary historical reference made in the oath was that of November 30th, 1789, when Corsican deputies consented to the National Constituent Assembly to the island’s integration in equality. The principles of 1789, which acted as the bases for the agreement, were conserved within an impoverished and undeveloped Corsica, a sort or ageless truth. These principles fostered a sense of pride in belonging to a great nation and the refusal to support Italy, often a subject of contempt. This Corsican ethos was further supported by the fact that France possessed a great empire at this time, in which the Corsican diaspora was highly present. The tone and content of De Gaulle’s speeches spoke perfectly to these sentiments and would explain the lasting influence of Gaullism on the island.

Communist Involvement

A Corsican branch of the French Community Party was created in 1937-1938. With previous experience in social conflict, in 1937 and 1938, the organization of Communist Youth began to develop. Many young resistance fighters joined the party, primarily in the region of Bastia. It was one of them, Jean-Baptiste Fusella, who received Pierre Georges, the future “Colonel Fabien”, in his home in Pietranera in January 1941. This meeting laid the foundations for /constituted the first regional basis/ Triangle, wherein they defined the terms and conditions of a communist resistance. Pierre George was only 22 at the time. But, he was already a well-known figure, having fought for the Republicans in Spain in 1937 and 1938. At the time, there were no more than 300 communists, although well organized and determined. Some of them fought with the International Brigades amongst Spanish republicans, notably François Vittori and Dominique Vincetti. All of them were close to antifascist refugees. In 1939, the Communist party was banned, reduced in size, and forced into hiding. In 1940 and 1941, many of those in charge were detained in Calvi (such as Albert Stefanini), and then became administrative detainees in mainland France. From the beginning of 1941, led by men such as Léo Micheli, remaining communists organized and took up civil resistance activity. Opposition to the Vichy regime drove them to join the Resistance forcest. The creation of the Corsican Front national, which assumed leadership, obtained greater support with the arrival of the Occupation and its repressive politics.

Attachment and Loyalty to the Native Land

Love for Corsica, as well as the dangers that threatened the island, resonated enormously with Corsicans living on the continent. Beginning in 1941, Fred Scamaroni encouraged the proposal to serve his native land. In 1942 and 1943, Giraud and his units in Algiers chose to use Corsicans for the mission, Pearl Harbor, both for pragmatic reasons, as well as the eagerness and determination of the Corsicans themselves. These men included Pierre and Toussaint Griffi, Laurent Preziosi, and Antoine and Paulin Colonna d’Istria. Jean Nicoli, shortly before his execution in August 1943, wrote to his children “I die for Corsica and the party. As mourning, both of you shall wear the great Moorish head (reference to the Corsican flag) and a large red carnation…”

As for the topic of recruitment within the Corsican Resistance, it went through different stages. The year 1940 was characterized by primarily individual initiatives, such as attempts by fulltime officers to form local and small groups of patriots who would refuse defeat. The most notable of these groups was under the command of Pietri, who called for the formation of a Corsican resistance legion. He would create his organization in the region of San Gavino di Carbini, and would never affiliate with the Front national.

Following the incidents provoked by the arrival of the CIAF, the comité de vigilance (“monitoring committee”) dissolved. Charles Guidicelli reestablished the group secretly, under the name Association des patriotes corses (“Corsican Patriots’ Organization”). It was this core group that led to the creation of the Corsican branch of the Combat movementin July 1941, after the arrival of a mainland delegate of the movement. The organization began to branch off, contacting François Giacobbi and Raimondi in July 1942, and then the FN (Front national) in December 1942. In the north (region of Bastia), the organization was led by Captain Canavelli, to whom Archange Raimondi and Paul Giacobbi were affiliated. Beginning in 1941, the Resistance movement Libération-Sud, had started making contact with Pancho Negroni, from Bastia, and with Dominique Salini, from Ajaccio.

Achille Peretti, police commissioner (second bureau), created an intelligence and anti-propaganda network. He began communication with London in January 1942. He returned to Corsica in June 1942 to prepare for the arrival of Fred Scamaroni and began preparations for the network R2 Corse.

At the end of July 1942, Arthur Giovoni established his group in Azilone.

The Franc-Tireur movement stepped foot on Corsica in August 1942, at the behest of Lieutenant Rossi, pseudonym “le Noir”, a delegate of the Franc-Tireur organization in Lyon. In September/October 1942, a group of Franc-Tireurs was established in Levi, led by Pierre-Louis Benetti and Jules-Alexandre Rocca-Serra. André Salini and Pancho Negroni also became members.

During the period of time that preceded the Occupation, the Front national and Combat Resistance movements, lacking supplies and personnel, had difficulty recruiting new members. But, they would nevertheless constitute a reliable pool of support for the Resistance movement.

The situation took a turn with the arrival of occupying Italian forces, beginning November 11th, 1942. The terms upon which the Interior Resistance was based took on new meaning. No longer was the movement simply about anti-propaganda activity and raids against the members of the Délégation d’armistice (DIA). From then on, any type of resistance activity would result in imprisonment, deportation, or death. The Corsicans were beginning to have their mind set on a possible liberation, aided by the presence of the Allied forces in the Mediterranean. Deprived from regular sea links aimed at providing supplies the Resistance movements in Corsica were largely cut off from national directives. At first they did not have weapons other than shotguns and revolvers, they lacked means of radio transmission, and their numbers were low. However, the distress caused by so many troops – 80,000 men – encouraged recruitment.

In fact, the success of the Allied landing in North Africa, followed by the occupation of the Zone libre, triggered a boost in the number of recruits within the Resistance movement. Their supplies also improved. After finally being able to contact London and Algiers for the first time, shipments of supplies were sent by air and sea in the summer of 1943. Fred Scamaroni led the Gaullist mission Sea Urchin (Oursin de mer), later approved by the R2 Corse. As for the missions in Algiers ordered by General Giraud beginning in April 1943, they were led successfully by Commander De Saule (Pearl Harbor) and the Captain Paulin Colonna d’Istria.

In March 1943, the repressive conditions on the island resulted in the dismantlement of Scamaroni’s nework. A reorganization of the Corsican Resistance movement was carried out from April to July with the rallying of the Front national and the almost total unification of the Corsican Resistance forces. The Front national was forced to establish a new clandestine head, after it had been eliminated by OVRA and the Blackshirts, and limit the movement of its leaders for security reasons. The movement would be organized into local and sub-district committees. It was actually from the departmental committee of the movement that the orders calling for the insurrection of the island originated, the evening of September 8th, 1943.

Auteur(s) : Paulina Brault
Source(s) :

D'après :
Hélène Chaubin, Corse des années de guerre 1939-1945, Editions Tirésias-AERI, Paris, 2005
Hélène Chaubin, La Corse à l'épreuve de la guerre 1939-1943, Editions Vendémiaire, Paris, 2012
et le CD-ROM La Résistance en Corse, AERI, 2007.

Traduction : Sawnie Smith

Propagande, presse, renseignement haut ▲

La propagande a été partout l'une des premières activités de la Résistance, et l'une des plus utiles, dans un contexte de désinformation ou de mensonge. La censure de Vichy, puis celle de l'occupant, ont détruit la liberté de la presse écrite et de la radio. N'étaient projetées que des actualités favorables aux vues de Vichy et des forces de l'Axe. Lutter pour que l'opinion publique ne soit pas entièrement conditionnée et que les événements internationaux ne soient pas continuellement déformés s'est imposé comme une nécessité dès 1940. En Corse, des réseaux s'y sont employés, des agents de liaison ont transporté les publications clandestines des mouvements de Résistance : L'Avant-Garde, Terre corse, Le Patriote. La Corse, dans son isolement, n'a eu qu'un accès très limité à la presse résistante nationale. Aussi, les initiatives locales y ont-elles pris une importance exceptionnelle.

La propagande résistante avant l'Occupation : 
Outre la diffusion de l'appel à la Résistance du commandant Pietri, le 11 juillet 1940, apparaissent les premières inscriptions au goudron hostiles à l'Italie, favorables à l'Angleterre et à De Gaulle dès le 23 novembre 1940 à Bonifacio. Puis, du 23 au 31 mars 1941, une série d'inscriptions gaullistes (peinture, craie, fusain) fleurit les murs à Ajaccio, Bastia, Corte. Le 25 du même mois à Porto-Vecchio circulent des tracts dactylographiés L'An I de la collaboration. Du 2 au 18 avril 1941, on trouve de multiples inscriptions gaullistes à Bastia, l'Ile-Rousse, Propriano. En 1941 se tient l'Opération Graffiti des Jeunesses communistes à l'occasion du 1er mai, durant laquelle Jean-Baptiste Fusella sera interpellé. Le 5 mai, des inscriptions gaullistes hostiles à Pétain sont relevées dans le Sartenais. Des inscriptions du même type se retrouvent en juin à Ajaccio. Des graffiti clamant "A bas le PPF, à bas Darlan" apparaissent dans la foulée. Du 13 au 31 août 1941, dans la région d'Ajaccio et dans le Fium'Orbu, on relève des inscriptions "Mort aux Boches !". 
Le 25 novembre 1940 et le 1er janvier 1941, les premières sanctions pour écoute publique de la BBC sont prononcées. Le 10 janvier 1941 commencent à être transmises des émissions quotidiennes en soirée d'une radio clandestine antifasciste italienne sur ondes courtes. Le 4 février 1941, L'Humanité clandestine est distribuée. Le 9 octobre 1941, l'évêque d'Ajaccio, monseigneur LLosa, reçoit et remet au préfet qui le transmet à la direction de la police nationale le texte de l'appel Aux catholiques français pour un Front de Résistance spirituelle contre le nazisme. Le 4 avril 1941, une émission de la BBC en français rappelle les visées de Mussolini sur la Corse, Nice et la Savoie. Le 10 décembre 1941 est distribuée à Bastia L'Avant-Garde, organe de la Fédération des Jeunesses communistes, imprimé dans des conditions techniques précaires. Le 10 octobre 1942, des exemplaires de Combat sont saisis à l'arrivée d'un bateau de la Compagnie Fraissinet. 

La propagande résistante sous l'Occupation :
Le 12 novembre 1942, des tracts anti-italiens, imprimés au journal local, Le Petit Bastiais, sont distribués au lendemain du débarquement des troupes d'Occupation. Le directeur du journal, Vincent Bianconi, sera arrêté le 15 janvier 1943. Des membres du Front national s'emparent de matériels d'imprimerie dans un local utilisé par les Italiens, l'Imprimerie nouvelle. Dissimulés dans la grotte de Porri, ils ne seront jamais découverts. Cinq cheminots de Corte, membres du FN, qui se chargeaient de la diffusion des textes de propagande tout le long de la ligne Bastia-Ajaccio sont arrêtés. Ils s'évadent quatre jours plus tard. Après le démantèlement par l'OVRA de R2 Corse et de Combat, l'un des agents de Fred Scamaroni, Archange Raimondi, cède au Front national les rotatives et les caractères dont disposaient ces deux organisations à Ajaccio. Transportés des Salines au Forcone, chez mademoiselle Salvadori, ils sont ensuite répartis entre quatre comités d'arrondissement. La presse clandestine du Front national, L'Avant-Garde, Terre corse, mais surtout Le Patriote, est animée par l'un des dirigeants du Front national, le journaliste Maurice Choury. Le 31 juillet 1943, après la mise à l'écart de Mussolini, le Front national corse adresse des tracts aux soldats italiens, qui sont un appel à l'union contre le fascisme. Le 10 août, des tracts sont lâchés par des avions anglais près de Baracci. Le 13, ce sont d'autres tracts portant le drapeau américain et l'inscription "Les Nations unies saluent la Corse" à Porto-Vecchio et dans le Sartenais.
En juillet 1943, outre les émissions en français de la BBC, qui continuent à distribuer nouvelles, consignes et messages, la Corse commence à recevoir des émissions d'Alger, dont l'une, Vers l'île captive, réalisée par les groupements corses d'Afrique du Nord. Elles se poursuivront jusqu'en octobre 1943, après la Libération.

Propaganda, the Press, and Intelligence:

Propaganda was one of the first activities undertaken by the Resistance movement, and one of the most useful within the context of disinformation and untruths that arose during the war. Censorship under the Vichy regime, and then under occupying forces, wreaked havoc on freedom of the written press and radio. All that was officially distributed or broadcast conformed to the views of the Vichy Regime and the Axis powers. In an effort to ensure that public opinion would not be entirely eclipsed or warped, nor that international developments be misrepresented, propaganda became a priority of the French Resistance beginning in 1940. In Corsica, networks of the Resistance Movement were engaged in this activity. Liaison agents transported the Resistance movements’ local clandestine publications: L’Avant-Garde, Terre corse, Le Patriote. Corsica, as a result of its geographical isolation, had very limited access to the Resistance movements’ national press. Consequently, local initiatives became extremely important. 

Resistance Propaganda Before Foreign Occupation:

In addition to the distribution of Commander Pietri’s appeal to join the Resistance movement on July 11th, 1940, beginning on November 23rd, 1940, the first hostile writings denouncing Italy appeared in Bonifacio, written in tar and in support of England and De Gaulle. Then, from the 23rd to the 31st of March 1941, a series of Gaullist writings (paint, chalk, charcoal) decorated the streets of Ajaccio, Bastia, and Corte. On the 25th of the same month, typed leaflets entitled L’An I de la collaboration circulated around Porto-Vecchio. From the 2nd to the 18th of April 1941, many Gaullist writings appeared in Bastia, Ile-Rousse, and Propriano. In 1941, on the occasion of May 1st, the Communist Youth carried out Operation Graffiti (May 1st, 1941). This was the same day that Jean-Baptiste Fusella was arrested. On May 5th, several Gaullist writings denouncing Pétain appeared in the Sartene area. Writings of the same type also appeared in Ajaccio in June. Graffiti exclaiming, “Down with the PPF, Down with Darlan” also appeared. From the 13th to the 31st of August 1941, in the regions of Ajaccio and Fium’Orbu, writings proclaiming “Death to the Krauts” were also found. 

On November 25th, 1940 and January 1st, 1941, the first repressive measures for public listening of the BBC were announced. On January 10th, 1941, daily transmissions from clandestine, shortwave, antifascist Italian radio began. On February 4th, 1941, censored Communist newspaper L’Humanité was distributed under cover. On October 9th, 1941, the bishop of Ajaccio, Monsignor Llosa, received and then sent a copy of the publication to the prefect, who then sent to the national police an appeal issue for French Catholics to create a resistance front of their own, founded in spiritual disproval of Nazism. On April 4th, 1941, a program broadcasted in French on the BBC spoke of Mussolini’s ambitions to conquer Corsica, Nice, and Savoy. On December 10th, 1941, the clandestine publication issued by the Communist Youth and printed under precarious conditions, L’Avant-Garde, was distributed in Bastia. On October 10th, 1942, copies of Combat were seized on board the boat of the military company, Fraissinet. 

 

Resistance Propaganda During Foreign Occupation:

On November 12th, 1942, anti-Italian leaflets, printed in the headquarters of local newspaper, Le Petit Bastiais, started being distributed the day following the landing of occupying troops. The director of the newspaper, Vincent Bianconi, was arrested on January 15th, 1943. Members of the Front national took possession of printing equipment used by the Italians. Concealed in the Porri cave, the materials would never be discovered. Five railroad workers of Corte, members of the FN and in charge of the distribution of propaganda texts along the railroad line from Bastia to Ajaccio, were arrested. They escaped four days later.
After the dismantlement of R2 Corse and Combat by OVRA, one of Fred Scamaroni’s agents, Archange Raimondi, yielded to the Front national the various rotary presses and typefaces the two organizations had amassed in Ajaccio. Transported from Salines to Forcone to the home of mademoiselle Salvadori, this equipment was then divided amongst four different neighborhoods committees. The existence of the clandestine publications of the Front national,
L’Avant-Garde, Terre corse, and most importantly, Le Patriote, was made possible by one of the leaders of the FN, the journalist, Maurice Choury. On July 31st, 1943, after Mussolini’s fall from grace, the Corsican FN printed leaflets directed towards Italian soldiers, urging them to join the fight against fascism. On August 10th, leaflets were dropped from English planes near Baracci. On the 13th, different leaflets, bearing the American flag and the heading, “The United Nations Welcomes Corsica” were distributed in Porto-Vecchio and the Sartene area.

In July 1943, besides programs broadcasted in French by the BBC that continued to provide news, instructions, and messages, Corsica began to receive radio broadcasts from Algiers, one of which was, Vers l’île captive, created by Corsican Resistance fighters in North Africa. These continued until October 1943, after Liberation.

Auteur(s) : Paulina Brault
Source(s) :

D'après Hélène Chaubin, CD-ROM La Résistance en Corse, 2e édition, AERI, 2007.

Traduction : Sawnie Smith

Les résistants : organisation des Hommes et des mouvements haut ▲

L'Ile de Beauté affiche une particularité : bien que les trois principaux mouvements de zone Sud y soient représentés (Libération-Sud en janvier 1941, Combat en juillet 1941, et Franc-Tireur en août 1942), leurs chefs dirigent indistinctement un mouvement comme l'autre, tout à fait affranchis des querelles intestines qui sévissent en métropole. Cependant, bien plus encore qu'en métropole, l'arrestation des chefs de mouvements se conjugue avec le démantèlement du mouvement tout court en raison notamment du manque de cloisonnement. Successivement, les chefs de Libération-Sud, de Franc-Tireur et de Combat tombent, ce qui aura pour effet de concentrer la Résistance autour du Front national (FN), mouvement de Résistance créé par le Parti communiste, alors interdit. De fait, l'unification de la Résistance corse se fera sous l'égide du Front national, qui appellera à l'insurrection. Le premier groupe de Résistance constitué est la Légion corse - qui demeurera très actif jusqu'à la Libération - en réponse à l'appel du commandant Pietri, le 17 juillet 1940. La lutte contre l'irrédentisme commence avant la guerre et constitue la toute première résistance, mais les victoires de l'Axe lui donnent un caractère d'urgence, accentué par l'Occupation de novembre 1942.

En Corse comme sur le continent, les clivages politiques et les divergences de vues tactiques existent jusqu'au printemps 1943. Cependant, l'unification des organisations y est réalisée en quelques mois, d'avril à juillet 1943, par le ralliement presque unanime au Front national corse. Un ralliement qui s'opère non sur les injonctions d'une direction nationale, mais bien à l'initiative des Corses eux-mêmes, pressés par la nécessité, dans l'isolement où ils se trouvent, de faire front contre l'ennemi sans considérer d'objectif plus important que leur Libération. En septembre et octobre 1943, quand les combats ont lieu, il n'y a plus de désunion et la réussite appartient à tous. 

Les organisations résistantes sont très dispersées jusqu'en avril 1943. La défection des partis de la gauche modérée a été partiellement compensée par des engagements individuels. Le Parti communiste français, sans poids avant la guerre, a gagné sa place dans le champ politique corse grâce à un engagement total qui lui a donné assez de crédit pour être, à travers le Front national, l'unificateur de la Résistance régionale. Les autres mouvements, géographiquement coupés de leurs directions nationales, et victimes en 1943 de la répression italienne, l'ont en effet rallié par raison et souci d'efficacité. Venus de la Résistance extérieure, deux réseaux, séparément constitués et dépendants, l'un de De Gaulle, l'autre de Giraud, vont permettre, au prix d'importants sacrifices humains, d'apporter aux patriotes les armes et les informations sans lesquelles ils auraient été réduits à l'impuissance. D'Alger, Giraud lancera la mission Pearl Harbor. De Londres, De Gaulle permettra la mission Sea Urchin.

Dans le paysage des mouvements de Résistance, le Front national corse fait exception : d'abord parce qu'il se développe surtout avec l'occupation italienne, ensuite parce qu'il ne se cantonne pas à la recherche de renseignement, enfin, parce qu'il saura fédérer autant les partisans communistes que les patriotes sans étiquette particulière, réussissant le pari d'unifier la Résistance insulaire dès août 1943. Comme dans l'ensemble du pays, les communistes sont à l'origine de la création du Front national. Le texte du manifeste rédigé à Ajaccio définissait trois objectifs : "Chasser l'envahisseur, liquider le régime de Vichy, le remplacer par un gouvernement républicain et populaire librement choisi par le peuple". En Corse, dès juin 1943, le Front national est en situation d'absorber les individus et les groupes issus soit d'autres mouvements, soit de réseaux de renseignement, démantelés les uns après les autres par la répression italienne. Les responsabilités sont partagées entre des hommes d'appartenances politiques différentes. Cependant, ce sont bien les structures définies par les communistes qui sont retenues comme les plus efficaces et c'est bien la ligne stratégique communiste qui est finalement appliquée, c'est-à-dire, le rejet de l'attentisme et le choix de l'action insurrectionnelle. Le Parti communiste est en Corse le plus faible des grands partis d'avant-guerre. Il n'a pas de représentation parlementaire, et ne dispose d'aucun poste de maire ou de conseiller général. 

La marque politique du Front national à ses origines n'exclut pas la volonté de fédérer des résistants d'appartenances diverses et d'attirer à la Résistance des catégories peu organisées comme les femmes et les jeunes. Pendant l'Occupation italienne, les Comités populaires des femmes et le Front patriotique des jeunes sont des relais agissants pour le Front national, capables de mobiliser des manifestations populaires, contre le STO (Service du travail obligatoire), contre les pénuries, formant une petite armée d'agents de liaison, de ravitailleurs, de diffuseurs de la presse clandestine. Après sa création, décidée le 15 mai 1941, l'implantation du FN se fait ensuite progressivement, selon des initiatives locales, comme celle de Giovoni à Azilone, pendant l'été de 1941. A Sartène, haut lieu de la Résistance insulaire, c'est en mai 1942 que s'implante le FN, et à Levie en juin, donc avant qu'intervienne l'Occupation italienne qui allait être à l'origine d'une relance du recrutement. En juillet 1942, des contacts entre Arthur Giovoni et Fred Scamaroni ne peuvent aboutir à la conclusion d'une alliance entre le FN et les FFL (Forces françaises libres). Ni la reconnaissance d'une allégeance à De Gaulle, ni le schéma d'une pratique attentiste de préparation au débarquement ne sont acceptés par le FN. 

La position géographique de la Corse et les particularités d'une Occupation essentiellement italienne créent des conditions que les dirigeants du mouvement estiment plus favorables qu'ailleurs à une action populaire armée dont la Résistance intérieure aurait l'initiative. Mais, sans les apports de la Résistance extérieure, le mouvement, privé d'armes, de liaisons radio, donc d'informations, aussi bien que d'argent, est réduit à des actions ponctuelles sans envergure, quelle que soit la détermination des patriotes. L'amorce d'un changement intervient avec la venue en Corse, en décembre 1942, d'une mission organisée par les services du général Giraud, la mission Pearl Harbor. Commandée par le chef de bataillon Roger de Saule, elle est la première à nouer des accords avec des représentants du Front national et à leur offrir la possibilité d'accéder à des approvisionnements par voie maritime ou aérienne. C'est sans ordre d'Alger et sans directives nationales que le Comité départemental du FN décidera, à la fin du mois d'août, de déclencher un soulèvement dès que l'Italie aura officiellement abandonné le combat. 

The Resistance Fighters : Organization of men and Movements

The Resistance movement in Corsica boasted one distinctive feature: even though the three primary movements of the
zone Sud were represented (Libération-Sud in January 1941, Combat in July 1941, and Franc-Tireur in August 1942), their leaders operated indistinctly from one Resistance movement to the other, as they were not directly involved in the internal disputes that plagued the movement on the mainland. However, much more than in mainland France, arrests of these leaders would often lead to the complete dissolution of a movement, as the organizations were not well compartmentalized. Subsequently, the leaders of Libération-Sud, Franc-Tireur, and Combat were either arrested, or killed, thus allowing for the unification of the Resistance movement around the Front national (FN), created by the then banned Communist Party. In fact, the unification of the Corsican Resistance movement would occur entirely under the guidance of the Front national, which also encouraged insurrection. The first Resistance movement established was the Légion corse after the appeal of Commander Pietri appeared on July 17th, 1940. They remained very active until Liberation. The struggle against Italian irredentism began before the war and constituted one of the first acts of resistance. But, the movement was further necessitated by Axis victories and the arrival of occupying forces on the island in November 1942. 

In Corsica, as on the mainland, political divisions and differing tactical views existed until spring 1943. However, the unification of Resistance organizations occurred within a few months, from April to July of 1943, due to unanimous rallying behind the Corsican Front national. This rallying emerged not as a result of official orders from the mainland, but rather Corsican initiatives themselves, as the island’s geographical isolation necessitated that they prioritized liberation from the enemy above all else. In September and October 1943, as fighting took place, there was no longer any disunity amongst the movement, and success in their accomplishments was enjoyed by all. 

The Resistance organizations were very dispersed until April 1943. The absence of moderate left parties was partially offset by individual initiatives. The French Communist Party, holding little authority before the war, secured a place in the political landscape of Corsica and public legitimacy due to their active engagement and unification of the Resistance movement via the Front national. The other movements, geographically cut off from mainland instructions and subjected to Italian suppression in 1943, began to rally out of fear that they were becoming ineffective. Belonging to the Resistance movement outside of Corsica, two networks, established independently, one led by De Gaulle and the other by Giraud, would provide, at the cost of human life, the Corsican patriots with arms and intelligence, without which they would have been rendered powerless. From Algiers, Giraud launched the mission, Pearl Harbor. From London, De Gaulle authorized the mission, Sea Urchin. 

Within the landscape of Resistance movements, the Corsican Front national was an exception. Firstly, it developed primarily as a result of Italian occupation. Secondly, it did more than merely gathering intelligence and united both communists and patriots of different political leanings, successfully unifying the Resistance movement on the island in August 1943. As within many countries, the communists were pioneers of the creation of Front national. The text of a manifesto written in Ajaccio defined the movement’s three primary objectives, “Chase out the invaders, dissolve the Vichy regime, replace it with a republican government for the people and chosen by the people.” In Corsica, beginning in June 1943, the Front national began to take in individuals from other groups, movements, and intelligence networks, all dismantled by Italian repression. Responsibilities were divided up amongst men of different political affiliations. However, it was ultimately the structure outlined by the communists that was deemed the most effective. In addition, it was communist strategies that were ultimately implemented, such as the rejection of a “wait-and-see” position and the carrying out of insurrectional activity. The Communist Party was one of the weakest of the larger political parties before the war. It did not have parliamentary representation, or anyone with the position of mayor or general councilor. 

The early version of the Front national was characterized by its inclusion of Resistance fighters of different political affiliations, as well as demographics often not formally organized, like women and children. During Italian occupation, the “Women’s Popular Committee” and “Patriotic Youth Front” were effective allies for the Front national. Capable of organizing public demonstrations against the Compulsory Work Service (STO, Service du travail obligatoire) and general shortages, they also formed small armies of liaison agents, food suppliers, and distributers of the clandestine press. After its creation, formalized on May 15th, 1941, the establishment of the FN soon followed, due largely in part to local initiatives, such as those of Giovoni in Azilone during the summer of 1941. In Sartène, the center of the Resistance movement on the island, the FN emerged in May 1942. It then emerged in Levie in June, right before the Italian occupation that would lead to a surge in recruitment for the movement. In July 1942, communications between Arthur Giovoni and Fred Scamaroni did not succeed in producing an alliance between the FN and the Free French Forces (FFL, Forces francaises libres). In addition, the talks led to neither recognized allegiance to De Gaulle, nor the FN’s acceptance of the blueprint for “wait-and-see” preparations for a possible enemy landing. 

The geographical position of Corsica and the particularity of an almost entirely Italian military occupation created particular conditions that the leaders of the Front National Resistance movement considered favorable for armed public activity, likely to be initiated by the Interior Resistance. But, without provisions supplied by the mainland movement, the Corsica movement, lacking arms, radio connections, intelligence, or even sufficient funds, was reduced to small-scale limited activity, maintained only by the determination of the patriots. The tides began to turn with the arrival in Corsica, in December 1942, of a mission organized by General Giraud’s team, Pearl Harbor. Commanded by the battalion chief, Roger de Saule, the mission succeeded in reaching an agreement with representatives of the National Front and offered them the opportunity to access supplies by sea or air. It was without orders from Algiers or from the movement on the mainland that the regional committee of the FN decided, at the end of the month of August, to lead an uprising until Italy officially abandoned the fight.  

Auteur(s) : Paulina Brault
Source(s) :

CHAUBIN Hélène, Corse des années de guerre 1939-1945, Editions Tirésias-AERI, Paris, 2005

CHAUBIN Hélène, La Corse à l'épreuve de la guerre 1939-1943, Editions Vendémiaire, Paris, 2012

AERI, La Résistance en Corse, 2e édition, Paris, 2007.

Traduction : Sawnie Smith

Les maquis corses haut ▲

Le terme même de maquis est né en Corse, où il désigne des formations végétales broussailleuses et difficiles à pénétrer qui commencent à basse altitude et recouvrent aussi la moyenne montagne, constituant des abris naturels qui permettent de se cacher. Pendant la guerre, il est devenu synonyme de refuge ou de base de combat pour tous les résistants. Il existe dans l'île plusieurs types de maquis : dls maquis-refuges, les maquis-caches et les maquis armés. Les maquis les plus étendus se trouvent en Casinca et dans le Sartenais (région de Sartène), où la population cache, ravitaille, guide et protège les résistants. C'est dans les maquis que Jean Nicoli et Tony Ogliastroni composent le chant de la Sampiera, symbole du combat contre les envahisseurs.

Les maquis-caches d'armes 
De décembre 1942 à septembre 1943, des armes sont livrées à la Corse pendant les neuf derniers mois de l'occupation italo-allemande, à la demande des chefs des réseaux R2 Corse et Pearl Harbor, ainsi que du Front national. Livrées par sous-marins ou parachutées en containers, elles représentaient des tonnes de matériel qu'il faut dissimuler et transporter, comme par exemple sur la côte ouest lors des débarquements sur les plages à Saleccia et dans la baie d'Arone, toujours dans des lieux éloignés des villages et d'accès difficile. Les abris de bergers ont servi de dépôts d'armes, dans le premier cas à Calamicorno, dans la montagne de Tenda, dans le second dans les bergeries du Salognu, non loin de Piana. Les nombreux terrains de parachutages - au moins une quarantaine -, recensés par la Résistance avant même l'Occupation et pourvus de noms de codes, étaient répartis dans toute la Corse, en montagne, mais pas trop loin des villages, car la récupération des containers devait s'effectuer rapidement en raison des nombreuses patrouilles italiennes. 

Les maquis-refuges 
En 1943, les hautes vallées de l'Abatescu puis du Travu, au-dessus de la plaine de Solenzara, sont le refuge des évadés de Prunelli di Fium'Orbu qui y avaient été internés depuis mai 1943 et qui échappèrent ainsi à la déportation en Italie. Parmi eux, se trouvaient le sénateur Paul Giacobbi et Eugène Macchini, qui deviendra le maire d'Ajaccio après la Libération. Passés par Ania et Chisa sous la protection de patriotes locaux, ils s'abritèrent dans une grotte, puis dans les bergeries des Pianure, accessibles par de difficiles sentiers. Paul Giacobbi y resta jusqu'à son retour à Venaco, le 9 septembre. Physiquement éprouvé par cette vie rude et inconfortable, il put néanmoins se trouver en Corse au moment de la Libération. 
Pendant l'été 1943, une grotte de Casinca, au-dessus du village de Porri, lui-même situé à 500 mètres d'altitude, abrite le quartier général du Front national pendant les semaines précédant la Libération : une grotte naturelle qui n'avait qu'un accès, par des chemins des plus malaisés, à travers le maquis. Ce sont des responsables locaux comme Damien Vittori qui l'ont choisie et camouflée pour en faire un lieu de rendez-vous, y installer une imprimerie clandestine, puis un poste radio. Le 21 août, les Chemises noires s'en approchèrent, mais sans réussir à s'emparer des hommes ni du matériel.

Les maquis armés du Sartenais 
La zone montagneuse et forestière de Valle Mala, qui s'étend entre le golfe du Valinco et le région de Petreto Bicchisano, où se trouve le hameau des Martini, a été le lieu de formation des maquis du Sartenais. Les affrontements armés y ont été nombreux, simples embuscades ou véritables engagements militaires dans la phase de la Libération. Quelques-uns des plus ardents recruteurs du Front national, Dominique Lucchini ("Ribellu"), Charles Giacomini, Jean Nicoli, Jules Mondoloni, Dominique Bighelli, y ont rassemblé, selon Giacomini, environ 500 patriotes prêts au combat à partir du printemps 1943. Ce maquis a été bien pourvu en armement léger grâce aux débarquements et parachutages et a disposé d'un poste émetteur-récepteur. C'est dans ce maquis que Tony Ogliastroni a composé le chant des patriotes corses, La Sampiera. Le 6 juillet, le village de Petreto-Bicchisano a été encerclé par les carabiniers. Trente-neuf hommes ont été arrêtés et déportés en Italie. Dans la même région, le 24 juillet, les Italiens ont incendié la forêt. Les conditions de vie sont devenues de plus en plus dures dans les maquis du Sartenais qui ont connu, au cours de l'été 1943, le plus grand dénuement. Le ravitaillement y était très difficile en raison de la venue de nombreux réfractaires au STO et surtout du harcèlement par les Italiens. Un débarquement allié y était attendu avec impatience.

Auteur(s) : Département AERI
Source(s) :

Hélène Chaubin, CD-ROM La Résistance en Corse, 2e édition, AERI, 2007.

Opérations sous-marines et missions haut ▲

Le ravitaillement de la Résistance corse se fait par des sous-marins partis d'Alger qui, entre décembre 1942 et septembre 1943, touchent quatre zones du littoral corse et y débarquent des armes légères, des munitions, des techniciens avec leurs postes radio émetteurs-récepteurs, des agents des services de renseignement ainsi que des fonds. Le sous-marin français Casabianca accomplit le plus grand nombre de ces opérations. C'est de son bord que débarquent à Ajaccio, après les événements du 9 septembre, 109 hommes du Bataillon de choc venus soutenir les patriotes corses contre les Allemands. Dans les jours suivants, les premières unités de surface, le Fantasque et le Terrible, arrivent au port d'Ajaccio. 

Les premières missions vers la Corse sont le fruit d'un travail de renseignement mis sur pied par de Gaulle. En mars 1941, le Corse Fred Scamaroni - engagé dans les FFL depuis juin 1940 - effectue son premier voyage, durant lequel il parvient à rencontrer le sénateur Paul Giacobbi en octobre : les tout premiers contacts entre Alger et l'Ile de Beauté sont noués. Le réseau des FFL, qui opère sous les ordres d'Achille Peretti, d'Archange Raimondi et de Scamaroni, s'appelle "R 2 Corse". Ses objectifs sont le recueil de renseignement politique et militaire, avec transmission régulière à Londres, en vue de la préparation d'un débarquement allié en Corse, ultérieurement. Scamaroni retourne en Corse en janvier 1942, où les premiers repérages de terrains propices à des parachutages sont effectués.

De son côté, le général Giraud - sans en avoir informé de Gaulle - avait demandé au général Juin d'étudier la possibilité d'un débarquement en Corse, qu'il planifiait pour juin 1943. Dans cette optique, il met sur pied une mission, en partenariat avec les services américains de l’OSS (Office of Strategic Services) et l'Intelligence Service (IS) britannique, la mission Pearl Harbor. Le débarquement des membres de la mission a lieu dans la nuit du 14 au 15 décembre 1942, dans l’anse de Topiti, entre Porto et Cargèse. Sous les ordres du commandant Roger de Saule, un agent secret belge, l'équipe compte quatre autres hommes : l'agent de l’OSS « Fred Brown » et trois Corses, Laurent Preziosi et deux cousins, Toussaint et Pierre Griffi. 

Les membres de la mission Pearl Harbor ont posé comme principe que les étiquettes politiques ne seraient pas prises en compte. Ils cherchent l’appui du Front national corse. Ils savent l’indépendance du commandant en chef des troupes d’Afrique du Nord par rapport à celui de la France libre. Sans exclure une future union de toutes les forces résistantes, ils privilégient dans le court terme la coordination des Résistances locales, - Résistance communiste comprise -, et la préparation à une lutte armée. C'est ce qui va expliquer le succès des contacts pris, en particulier avec Nonce Benielli et Arthur Giovoni. En février 1943, leurs réseaux du nord, de Corte et du sud seront constitués, et les livraisons d'armes attendues - 450 mitraillettes et 60 000 cartouches - leur seront pour partie réparties.

Entre-temps, parvenu à convaincre de Gaulle de l’opportunité de travailler à la future libération de l’île dont il a saisi toute l’importance stratégique, Scamaroni débarque une troisième fois, en baie de Cupabia, près de Propriano, dans la nuit du 6 au 7 janvier 1943 : c'est la mission Sea Urchin (Oursin de mer), conjointement organisée par le BCRA et le SOE (Special Operations Executive). Il est accompagné du radio Jean-Baptiste Hellier et de l'instructeur en armement britannique Jickell. Leur mission consiste à organiser la Résistance insulaire et à la placer sous l'autorité du général de Gaulle. Les résistants corses ne sont toujours pas considérés autrement que comme une force d'appoint aux futures troupes de débarquement. La mission est difficile : aucune équipe d'accueil n'est présente, à l'exception de patriotes corses prêts à aider à titre individuel, tels Jean Zuccarelli et François Giacobbi. L’entente avec le Front national est impossible en raison des désaccords sur le projet insurrectionnel et du refus des principaux dirigeants de se soumettre au chef de la France combattante. Cependant, victime de la délation, le réseau sera démantelé en mars 1943 et la plupart des dirigeants, dont Scamaroni, seront arrêtés.

Du 4 au 7 février 1943, le Casabianca débarque la mission Auburn, venue étoffer les effectifs de la mission Pearl Harbor : l'adjudant Bozzi et l'opérateur radio Chopitel, dit "Tintin" sont débarqués.

Les 10 et 11 février 1943 est débarquée du HMS Saracen la mission Frederick, dirigée par l'opérateur radio Guy Verstraete, qui poursuit l'objectif de renseigner les Alliés sur les forces italiennes occupant la Corse depuis le 11 novembre 1942. 

Les 10 et 11 mars 1943, le Casabianca débarque dans l'anse d'Arone un instructeur et un radio, tous deux français, puis rembarque Laurent Preziosi et Toussaint Griffi. 

A Alger, le capitaine de gendarmerie Paulin Colonna d’Istria est prêt à relever le commandant de Saule, dans le cadre de la mission "Paul Cesari", continuation de l'opération Pearl Harbor qui débute dans les premiers jours d'avril. Il est débarqué par le sous-marin britannique le Trident sur la côte est.

Enfin, à compter du 13 septembre, c'est le déclenchement de l'Opération Vésuve, nom de code donné au débarquement des troupes venues d'Algérie pour prêter main forte aux patriotes. Débarquent les soldats du bataillon de Choc du colonel Gambiez, bientôt rejoints par le 1er régiment de tirailleurs marocains, des spahis ainsi que des éléments de l'artillerie et du Génie. L'opération Vésuve se déroulera jusqu'au 4 octobre 1943, date de la libération totale de la Corse.

Le quart environ des armes envoyées en Corse a transité par la voie maritime, le reste par voie aérienne et par parachutages. 
Les agents débarqués en Corse y courent de graves dangers, car il sont passibles de l'inculpation d'espionnage. Les radios et les responsables des missions sont parmi les plus exposés. Plusieurs de ces hommes sont arrêtés, torturés, comme Fred Scamaroni, et parfois condamnés à mort comme le radio Pierre Griffi.

Les risques sont grands aussi pour les équipes de réception qui ont à récupérer les caisses d'armes (surtout des mitraillettes Sten et des cartouches, et, le 6 septembre 1943, des fusils anti-chars). Avec les armes arrivent aussi des secours en vivres et en argent, car l'île manque de tout. Les caisses sont cachées dans des dépôts à proximité du lieu de débarquement avant d'être acheminées, le plus souvent à dos de mulets, vers les villages proches comme Casta dans les Agriates, et, de là, écoulées parfois en camion vers l'intérieur et les villes dans une région où l'on compte près d'un occupant pour deux habitants. Il faut du temps et l'aide des villageois, comme en juillet 1943, de Saleccia à Casta, puis à Calamicorno et à Lento : au total, presqu'un mois pour que les caisses soient distribuées. 

Auteur(s) : Département AERI
Source(s) :

CHAUBIN Hélène, Corse des années de guerre 1939-1945, Editions Tirésias-AERI, Paris, 2005

CHAUBIN Hélène, La Corse à l'épreuve de la guerre 1939-1943, Editions Vendémiaire, Paris, 2012

Sir Brooks Richards, Flotilles secrètes. Les liaisons clandestines en Corse et en Afrique du Nord 1939-1945, Ed. MDV, 2001.

CHOURY Maurice, La Résistance en Corse, "tous bandits d'honneur !", préface d'Arthur Giovoni, Editions sociales, Paris, 1958.

AERI, La Résistance en Corse, 2e édition, Paris, 2007.

Répression italienne et drame de la Brasserie nouvelle haut ▲

Dès leur arrivée en Corse, les autorités italiennes poursuivent un double objectif : éliminer les opposants potentiels à l’annexion espérée (on dénombre 110 arrestations de janvier à juillet 1943) et repérer et frapper les résistants déclarés. L'une des premières arrestations est celle, le 11 décembre 1942, du capitaine Bonifaci, qui avait pris, dès 1941, contact avec le 2e bureau à Marseille et qui est incarcéré à Rome.

L’OVRA (Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell'Antifascismo, Organe de Vigilance et de Répression de l'Antifascisme), la police politique et le service de contre-espionnage italien, s'installe en Corse en janvier 1943. l'OVRA est doublée du Service des informations militaires (SIM), dont les agents peuvent disposer à leur guise des carabiniers pour traquer résistants et réseaux. Dès le premier semestre 1943, une vague d'arrestations, d'internements et de déportations sans jugement secoue l'île. L'arbitraire règne. Enfin, le dispositif répressif se complète, en mars 1943, avec l'installation à Bastia du Tribunal militaire du VIIe corps d'armée, qui siègera jusqu'au 28 août.

De mars à septembre 1943, le général Magli tient la Corse sous pouvoir militaire. Le pouvoir militaire passe en effet à l’occupant italien, entraînant la réquisition des stocks détenus par l’armée française : montures, aliments, matériels sanitaires. L’étape suivante consiste à transférer les pouvoirs civils car pour l’Italie, la Corse ne doit pas subir une occupation temporaire, mais une annexion progressive. L'occupant se livre au déplacement des membres gênants par mesure administrative, à la déportation des opposants politiques vers l'Ile d'Elbe et le camp de Ferramonti di Tarsia, en Calabre, dont les victimes ne seront libérées qu'en septembre 1943. 

L'arrestation de Fred Scamaroni et le démantèlement du réseau R 2 Corse 
Alors que le 12 mars, un nouveau radio opérant pour le réseau R 2 Corse est débarqué suite à de lourdes suspicions pesant sur le radio Hellier, Fred Scamaroni sait déjà son réseau en partie repéré, mais veut terminer son travail à Ajaccio. A partir du 10 mars, Londres perd le contact avec lui et Hellier est arrêté le 17 mars 1943. A son tour, Fred Scamaroni est arrêté par l’OVRA dans la nuit du 18 au 19 mars 1943, avec huit autres membres du réseau. Vingt-quatre heures après son arrestation, Fred Scamaroni, qui a résisté aux interrogatoires, se suicide dans sa cellule de la citadelle d’Ajaccio, de crainte de parler. La plupart des membres de Combat et Franc-Tireur s’étant ralliés au réseau, c'est l'ensemble des mouvements résistants insulaires qui se trouvent décapités. En dépit de cette succession d'arrestations, les Italiens ne parviendront cependant jamais à contrôler les zones-refuges, préfiguration des maquis.
Raimondi réussit à échapper à l’OVRA et parvient à contacter l'un des responsables du Parti communiste corse, Nonce Benielli, auquel il livre des informations. Il va réussir à gagner Londres où la BCRA recueille ses dépositions en juillet. A Bastia, le 12 juillet, le tribunal militaire italien juge douze membres de R 2 Corse, inculpés d’espionnage militaire. La seule condamnation à mort in presentia est celle d’Hellier, exécuté le 14 juillet 1943. Trois autres condamnations à la peine capitale, dont celle d'Archange Raimondi, sont prononcées par contumace. Le 16 août, Pierre Griffi est condamné à mort. Il est exécuté le 18.

C'est dans ce contexte de répression accrue que se produit à Ajaccio, le 17 juin 1943, le drame de la Brasserie Nouvelle. Il s'agit de l'un des actes de répression les plus marquants de l'histoire contemporaine de l'île, qui va également pousser le Front national corse à repenser son organisation et engager dans les rangs de la Résistance des patriotes jusque là isolés. Deux membres du FN de la région de Petreto-Bicchisano, Jules Mondolini et André Giusti sont surpris par des agents de l'OVRA et des carabiniers lors d'une réunion politique à la Brasserie nouvelle, située sur le cours Napoléon. Menacés, ils se défendent et tuent trois Italiens, tandis que Giusti est blessé mortellement et que Mondolini est si gravement touché qu'il décèdera quelques heures plus tard. En représailles, 45 patriotes de Petreto, la région d’origine de Jules Mondolini, sont arrêtés.

Auteur(s) : Paulina Brault
Source(s) :

CHAUBIN Hélène, Corse des années de guerre 1939-1945, Editions Tirésias-AERI, Paris, 2005

CHAUBIN Hélène, La Corse à l'épreuve de la guerre 1939-1943, Editions Vendémiaire, Paris, 2012

CHOURY Maurice, La Résistance en Corse, "tous bandits d'honneur !", préface d'Arthur Giovoni, Editions sociales, Paris, 1958.

Hélène Chaubin, CD-ROM La Résistance en Corse, 2e édition, AERI, 2007.