Jean Belloni (1896-1947)

Jean Arthur Belloni, dit Raymond, est né le 21 décembre 1896 à Monclar d’Agenais (Lot-et-Garonne). Exerçant la profession de tailleur d'habits, il est également trésorier de la cellule et du rayon communiste de Villeneuve-sur-Lot. Arrêté pour activité communiste le 15 juin 1941, condamné à 5 ans de travaux forcés, il est incarcéré successivement à Agen, Toulouse, Tarbes et Eysses. Jean Belloni est déporté le 20 juin 1944 au camp de concentration de Dachau d'où il est rapatrié en mai 1945. Il décède des suites de sa déportation le 10 août 1947 à Amiens. 

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1896-1939 : l'avant-guerre haut ▲

Jean Arthur Belloni, dit Raymond, est né le 21 décembre 1896 à Montclar d’Agenais (Lot-et-Garonne). Son père est Michel Belloni, coiffeur, et sa mère Anne David, tailleuse de robes. Il reprend le métier de sa mère, et devient tailleur d’habits d’abord chez Galinou puis chez Caminade, grand couturier de Villeneuve-sur-Lot. Arthur Belloni n'est pas mobilisé en 1914 à cause d’une infirmité. Le 10 janvier 1920, il épouse Marguerite Varlot qui avait fui Amiens en 1917 à cause des bombardements. De leur union naît Jeannine le 30 avril 1926. Ils résident alors à Villeneuve-sur-Lot. Dans les années 1920, Jean Belloni est trésorier de la cellule et du rayon communiste de Villeneuve-sur-Lot et de la société sportive « Avant-garde Villeneuvoise ».

1940-1941 : la Résistance, l'arrestation, la condamnation haut ▲

Dès 1940, Jean Belloni s’engage dans la lutte clandestine en distribuant des exemplaires de l’Humanité clandestine. En mai 1941, suite à la diffusion d’un numéro de l’Humanité portant des accusations à l’encontre du commissaire de police de Villeneuve-sur-Lot, une enquête judiciaire est ouverte. Le 15 juin 1941, à la suite d’une dénonciation, la gendarmerie de Villeneuve interpelle Jean Belloni et quatre autres militants dont Gaston Cavaillé et Germain Marlas. Selon les rapports de gendarmerie, les trois hommes cités précédemment sont à l'origine de la reconstitution de la cellule communiste clandestine de Villeneuve et en sont les responsables.

Le 16 juin, Jean Belloni est transféré à la maison d'arrêt d'Agen. Il comparaît le 21 juin 1941 devant le Tribunal de première instance d’Agen puis est incarcéré le 15 septembre suivant à la prison de Toulouse (quartier 4). Jean Belloni comparaît le 27 septembre 1941 devant le Tribunal militaire de Toulouse qui le condamne à cinq ans de travaux forcés et à la dégradation civique le 6 novembre 1941 pour activité communiste. 

1943-1944 : prisons de Tarbes et Eysses haut ▲

Après sa condamnation, Jean Belloni est transféré à la maison d’arrêt de Tarbes le 8 décembre 1942 (cellule 7, matricule 142) puis à celle d’Eysses le 15 octobre 1943 (préau 4, dortoir 6, matricule 389). A Eysses, il travaille comme couturier dans un petit atelier, puis comme il souffrait des pieds, il est rentré à l'infirmerie le 28 octobre. C'est là que sa femme et sa fille lui rendent visite : "Ce n'est pas tout de suite que nous avons pu voir Papa librement à l'infirmerie, pour le 1er novembre, nous l'avons vu, encore au parloir, derrière les grilles, c'est à dire, une grille devant nous, un petit couloir pour le gardien, une autre grille et Papa et les autres, car on est plusieurs, le temps est compté, et on ne s'entend pas, tout le monde parle fort et en même temps, c'est terrible, surtout que ce ne sont pas des voleurs, des assassins, mais des patriotes, des Français. Ensuite, nous avons pu voir Papa librement à l'infirmerie, un gardien nous accompagnait, on traversait la cour d'honneur, un bâtiment, la chapelle, une petite cour et l'infirmerie. Papa était dans une petite chambre cellule, qui restait ouverte sauf la nuit." (témoignage de Jeanine Belloni).

Suite à l’insurrection des patriotes détenus dans cette centrale, il est livré avec les autres détenus aux autorités allemandes le 30 mai 1944.
Témoignage de sa fille à propos de la déportation des patriotes d’Eysses à Dachau : « Le 30 mai de cette même année 1944, les patriotes d’Eysses sont livrés aux nazis, deux par deux, mains sur la tête, ils rejoignent la cour d’honneur. Ils sont fouillés, giflés, tapés à coup de pied pour la moindre photo, mouchoir ou objet trouvé sur eux. Ces mêmes soldats qui frappent à coup de crosse et de pied, mettront le sud-ouest à feu et à sang, déporteront tous les hommes de La Capelle Biron; ensuite pendront quatre vingt dix neufs martyrs à Tulle puis ce sera Oradour. Donc nos patriotes sont enchaînés en colonne. Il y en a qui vont monter dans des camions, les autres iront à pied, sept kilomètres pour aller à la guerre de Penne, les boches les faisait courir et si un tombait, ils le frappaient ou le tuaient. Comme je l’ai déjà dit papa était infirme, et la femme du directeur la fait monter dans un camion assis près du chauffeur, c’était étonnant de sa part vu qu’elle frappait ceux qui étaient par terre. Papa nous a raconté au retour de Dachau que quand il était dans le camion, il s’est aperçu que les camions s’étaient trompés de route et qu’ils allaient droit dans le maquis, il n’a rien dit mais ils s’en sont aperçus et ont fait demi-tour. Il a dit j’aurais certainement été tué mais au moins mes copains auraient été sauvés car le maquis aurait tiré sur le chauffeur.(...). Ils arrivent à Penne et montent dans le train. Le maquis du bataillon Prosper est arrivé trop tard, le train est déjà parti. Ils sont dirigés sur le camp de Compiègne.(...). Ils arrivent à Compiègne le 3 juin et partent pour l’Allemagne le 17 juin, 100 par wagons à bestiaux avec une botte de paille, une grande tinette, pas d’eau, les vasistas fermés. Heureusement, la solidarité d’Eysses va se faire, ce qui leur permettra de tenir. Chacun a tour de rôle ira respirer un peu d’air. La discipline ayant fonctionné il n’y aura pas de victimes parmi les anciens d’Eysses. ».

1944-1945 : Déportation haut ▲

Jean Belloni est déporté le 20 juin 1944 au camp de concentration de Dachau sous le matricule 73070 ; il est affecté au commando des tailleurs. Selon les documents conservés par le Service international de recherches d'Arolsen, Jean Belloni a reçu plusieurs paquets du Comité international de la Croix-Rouge pendant la période du 3 septembre 1944 au 22 février 1945. En effet, depuis une autorisation allemande de janvier 1943, le CICR peut envoyer des colis aux déportés dont le nom et le lieu de détention lui sont connus.

1945-1947 : un difficile retour à la vie haut ▲

Jean Belloni quitte Dachau dans la nuit du 11 au 12 mai 1945 à destination du centre d'accueil des déportés de Sarrebourg. Puis de là, il gagne Paris puis Villeneuve-sur-Lot où il arrive le 17 mai. "Enfin, ce fut le retour à Villeneuve. Nos voisins, nos amis, ma mère et moi avions mis des guirlandes devant la maison pour recevoir Papa. Enfin, Papa, était devant moi, méconnaissable, amaigri, vêtu d'un costume de gros drap gris, d'une casquette, et maigre à faire peur, vieilli, dans quel état il était…" (témoignage de Jeanine Belloni).

Il s’intéresse immédiatement à l’avenir de son pays et milite dans des associations d’anciens résistants, internés et déportés. Il reprend petit-à-petit des forces et du poids. Il est sollicité pour faire des vestons, mais il est trop tôt, il est encore faible, et il refuse. Il part alors s’installer à Amiens avec sa femme et sa fille. C’est là qu’il cesse de participer à toutes les manifestations et cérémonies. Témoignage de sa fille, Jeannine : "quand les voisins ont appris que papa revenait de déportation, ça a été un défilé pour lui parler pour qu’il raconte, ils voulaient faire des réunions où il serait le chef. Déjà à Villeneuve, à son retour, c’était pareil, d’ailleurs il y a une cellule communiste qui porte son nom. Je l’accompagnais et ensuite il y a moins été, il me disait ce n’est plus la même chose qu’avant la guerre, ce n’est plus la même mentalité, je ne les comprends plus, ils n’ont pas le même idéal que nous avions avant, et papa a laissé tomber, même à Amiens. ». Jean Belloni reprend son métier de tailleur d’habits, ce métier qu’il aime tant et qui lui a sauvé la vie. Il travaille chez lui avec sa femme et sa fille pour la société Brehier Vêtements.

Jean Belloni est décédé des suites de sa déportation le 10 août 1947 à Amiens. La mention « Mort pour la France » a été inscrite en marge de son acte de décès le 11 avril 1949. Le titre de déporté résistant lui a été attribué à titre posthume par décision en date du 4 février 1986. En 2005 (!), son nom a été ajouté sur le monument aux morts de Monclar d’Agenais.