L’épuration

Comme partout ailleurs, l'Ile-de-France connaît l'épuration avec son lot de débordements, ses exécutions sommaires, ses femmes tondues…

Le 14 septembre 1944, Roger Léonard, Préfet de Seine-et-Oise, écrit dans un rapport adressé au Ministre de l'Intérieur : "sauf en des cas fort rares et très isolés, aucun désordre sérieux n'a marqué la libération du département. Malgré le juste ressentiment de la population contre les agissements de certains individus traîtres à leur patrie, il n'y a eu que de très rares exemples d'exécutions sommaires. Si des arrestations très nombreuses ont été opérées et se poursuivent encore, elles ont été presque partout opérées sans inutiles violences". 

Dès la Libération, sous l'égide des Comités départementaux et locaux de Libération, de nombreuses arrestations ont été opérées dans l'ensemble de la région. La police, la gendarmerie, les forces de la Résistance et les membres des Comités de Libération, se sont évertués conjointement à dépister et appréhender les personnes présumées coupables de collaboration. Des centres d'internement furent immédiatement mis en place tel que celui de la caserne de Noailles à Versailles, où plusieurs centaines d'hommes et de femmes de Seine-et-Oise, furent incarcérées et suivant les cas ultérieurement libérées, maintenues en détention ou déférées devant la Cour de Justice de Seine-et-Oise.

Loin des régions où l'on a pu frôler les marges de la guerre civile, le département de Seine-et-Marne a connu une épuration "raisonnable". Les exécutions sommaires, généralement antérieures à la Libération, sont marginales et l'on ignore les cours martiales. Ainsi, hors les questions économiques, les cas de la magistrature et de l'administration, seule la Cour de Justice de Melun, pouvant se transformer en Chambre Civique (novembre 1944 - fin janvier 1946), assume l'épuration "courante" que prolongera la Cour de la Seine. On a condamné quarante-deux fois à mort et exécuté seulement huit personnes. Dans ce climat, les discussions, parfois échauffées, sur "la justice selon la Résistance" ou sur une épuration marquée d'une "trop grande clémence" ou d'une "agressive sévérité", n'ont pas ici de grands échos.

Auteur(s): Fabrice Bourrée, Claude Cherrier
Source(s):

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

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L’épuration extra-judiciaire haut ▲

L'épuration extra-judiciaire concerne en premier lieu les exécutions dites « sommaires » qui ont été perpétrées sur initiative personnelle ou sur ordre de la Résistance, pendant l'occupation allemande, au cours des journées libératrices, ou après la Libération.

En Seine-et-Oise, les exécutions sommaires relevées entre le mois de juillet 1943 et le 6 juin 1944 sont au nombre de 28. Entre cette date et la Libération, on en dénombre 17. Après la Libération, jusqu'à la fin d'octobre 1944, on relève 27 exécutions sommaires, auxquelles il faut tout de même ajouter 20 cas douteux. Cela nous amène à un total de 92 exécutions sommaires pour ce département. 
A ces exécution sommaires viennent s’ajouter certaines exactions comme la tonte des femmes soupçonnées de collaboration. Ces mesures visent aussi bien des prostituées que des femmes ayant eu simplement des liaisons sentimentales avec des soldats allemands, ou encore des femmes ayant collaboré ou dénoncé des résistants. Les scènes de tonte eurent souvent pour conséquence de faire baisser la tension au plan local et de limiter les effusions de sang. La plupart du temps, ces tontes étaient spontanées et improvisées mais il est arrivé que dans certaines villes des tribunaux populaires se mettent en place comme ce fut le cas à Chatou. De nombreuses villes de Seine-et-Oise ont connu ces exactions et de nombreuses photographies en portent le témoignage.

Dans le département de Seine-et-Marne, s'il est impossible de comptabiliser les cas de femmes tondues, on peut en trouver des mentions fragmentaires dans les dossiers établis pour la Cour de Justice : la tonte des cheveux précèdant souvent l'arrestation officielle. Concernant le bilan des exécutions sommaires, les Renseignements généraux, à une demande préfectorale d'octobre 1952, donnent neuf noms pour la période d'octobre 1943 à juillet 1944 : agents ou auxiliaires des Allemands, collaborateurs notoires abattus (Provins, Lagny…). Ils oublient le milicien exécuté et jeté dans un étang de Verdelot, milicien ne figurant sur aucune liste. 

Auteur(s) : Fabrice Bourrée, Claude Cherrier
Source(s) :

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

L’épuration légale haut ▲

Le GPRF met en place une justice d’exception et crée des tribunaux spéciaux pour juger les faits de collaboration. La Haute Cour de Justice pour les membres des gouvernement, les cours de justice pour tout ce qui relève du code pénal, et les chambres civiques pour le reste. 

La Cour de Justice de Seine-et-Oise, constituée au lendemain de la Libération, a siégé à Versailles jusqu'au 3 décembre 1946, date de son rattachement à la Cour de Justice de la Seine. Saisie de 12 180 dossiers de collaboration ou d'intelligence avec l'ennemi, la Cour de Justice a statué de la façon suivante : 3 600 affaires classées sans information, 644 après information et 1 497 affaires jugées. Quant aux peines prononcées par cette juridiction, elles se répartissent comme suit : 41 condamnations à mort (dont 12 par contumace), 31 peines de travaux forcés à perpétuité et 341 de travaux forcés à temps déterminé, 159 peines de réclusion, 766 peines de prison et 140 acquittements. Parmi ces jugements, 230 ont été prononcés par contumace. Six condamnés à mort ont été effectivement exécutés. Parmi les très nombreuses affaires jugées par la Cour de Justice, quelques-unes ont été particulièrement délicates et importantes, tant en raison de leur gravité particulière que de la personnalité des accusés ou du retentissement local ou régional qu'elles ont provoqué, notamment en ce qui concerne l'affaire des fusillés de Chatou (4 condamnations à mort) et l'affaire d'Orgerus (2 condamnations à mort). 

La Cour de Justice de Seine-et-Marne est installée à Melun. La première audience se déroule le 7 novembre 1944 et comporte un seul jugement, celui d'une dénonciatrice de Montereau (condamnée à mort). La dernière, la 167e, le 28 janvier 1946, accueille cinq prévenus mais est renvoyée sine die. Le 31 janvier 1946, les deux sections de la Cour de Seine-et-Marne cessent de fonctionner, les affaires restant à juger le seront à Paris. Au milieu de l'année 1945, la Cour de Melun a déjà réglé 235 affaires, rythme relativement rapide au regard d'autres instances. S'il reste malaisé d'établir un bilan définitif des audiences, compte tenu de la multiplicité des registres, parfois codés, il est possible d'esquisser des listes, seul moyen d'approcher des effectifs. Ainsi parvient-on à un résultat (minimum vérifié) de 579 personnes (dont 207 femmes) jugées par la Cour de Justice de Melun (987 par la Chambre Civique). La Cour de Paris aurait plus tardivement jugé sept Seine-et-Marnais, ce qui mène à un total de 586. La Cour de Justice de Melun prononce 41 condamnations à mort (auxiliaires du SD, délateurs dangereux) ; celle de Paris va en ajouter une. Mais 14 de ces condamnations le sont par contumace et deux vont bénéficier étrangement du doute. De ces condamnés, huit seulement sont effectivement exécutés. S'y ajoutent deux traîtres du réseau Manipule, dénonciateurs de réfractaires à Achères-la-Forêt, jugés à Paris et exécutés à Montrouge en avril 1945. Ainsi, la plupart bénéficient d'une grâce, dont les trois miliciens de Flagy et de Ville-Saint-Jacques, aux peines commuées, portant à 64 le nombre des condamnations aux travaux forcés à perpétuité. La réclusion – jusqu'à 25 ans de travaux forcés – frappe 126 personnes. On compte enfin des peines variées de prison allant jusqu'à dix ans. La Cour a prononcé au moins 187 acquittements.

La plupart de ces condamnations va être effacée car les lois d'amnistie, par paliers (1947-1953), vont peu à peu les gommer.

Auteur(s) : Fabrice Bourrée, Claude Cherrier
Source(s) :

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004