La montée en puissance (14 juillet - 18 août 1944)

Depuis le 6 juin 1944, les divers organes de Résistance incitent les Parisiens à la révolte. Plusieurs étapes traduisent l’évolution du climat insurrectionnel. Des manifestations spontanées se déroulent les 1er et 7 juillet. À la veille du 14 juillet, le CPL et le CNR appellent la population à une très forte mobilisation, des tracts sont diffusés en grand nombre dans Paris. L’avance des armées alliées sur le territoire français accroît l’aspiration des Parisiens à chasser l’occupant et le régime de Vichy. À l’instigation des syndicats, du Front national et du Parti communiste, environ 100 000 personnes manifestent spontanément à l’Arc de Triomphe, place de la République et en banlieue en chantant la Marseillaise. Pour la première fois, la police n’intervient pas. Ces manifestations galvanisent les énergies et la Résistance est plébiscitée. L’initiative est audacieuse car c’est la première fois qu’une action collective de cette ampleur est lancée contre les Allemands. La répression ne cesse pas pour autant : le 16 août, 35 jeunes gens sont fusillés au bois de Boulogne, 7 autres au 10 rue Leroux (16e), d’autres dans les fossés du bois de Vincennes, à Romainville.

Le CPL, en particulier Carrel et Tollet, estime le moment propice au déclenchement de grèves ouvrières pour paralyser l’activité économique de l’occupant, prélude à la grève générale insurrectionnelle. Depuis le 14 juillet, l’agitation n’a guère cessé chez les cheminots. Le 10 août, après une manifestation rassemblant près de 1 000 personnes à Villeneuve-Saint-Georges, l’Union départementale de la CGT estime le mouvement assez ample pour déclencher la grève générale des cheminots en région parisienne. Le mouvement se situe d’emblée sur le terrain patriotique : “Que la grève générale devienne effective ! Mort aux boches et aux traîtres ! Les Alliés doivent entrer dans un Paris libéré”. Le CPL étend le mot d’ordre aux autres corps de métiers. Réunis le 14 août avec Carrel du CPL et Rol-Tanguy, les trois mouvements de résistance de la police, le Front national, Police et Patrie et Honneur de la Police s’entendent pour créer le Comité de libération de la police et déclencher l’appel à la grève pour le lendemain en réponse au désarmement par les Allemands de policiers à Asnières et Saint-Denis. Les postiers et les infirmiers se mettent en grève le 18 août. La BBC encourage le mouvement. L’arrêt des usines, le sabotage des voies ferrées, le noyautage des administrations paralysent progressivement la vie économique de la capitale : le charbon manque, le gaz est arrêté, les coupures d’électricité se multiplient. Paris est au bord de l’asphyxie. Les difficultés de transport s’aggravent. Les étalages se vident : plus de viande, les légumes se font rares. Les souffrances des Parisiens galvanisent les énergies, la colère gronde.

Le 17 août, Raoul Nordling, le consul de Suède à Paris, représentant d’une puissance neutre, obtient des autorités allemandes la libération de plus de 3 000 prisonniers politiques alors que le même jour le dernier convoi de déportés quitte Drancy. Le lendemain, les troupes américaines atteignent la Seine à Mantes, trois jours après être entrées en Seine-et-Oise (le 15 août à La Boissière-Ecole). 

Source(s):

Christine Levisse-Touzé et Vladimir Trouplin, Paris, Compagnon de la Libération, Comité d’histoire de la Ville de Paris, 2010.

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Les manifestations patriotiques du 14 juillet 1944 haut ▲

Un peu plus d’un mois après le Débarquement allié en Normandie, le 14 juillet 1944 est marqué par un déferlement patriotique, encouragé par la radio de Londres et les organisations de Résistance. En accord avec les autorités allemandes, Darnand donne l'ordre aux préfets d'interdire toute cérémonie officielle à l'occasion de la fête nationale et de renforcer les forces de police pour prévenir ou réprimer les manifestations. Néanmoins, pour la première fois depuis 1940, quelques villes et villages de France ont librement célébré le 14 juillet. Les Français libres et le CNR décident malgré tout de mobiliser leurs compatriotes. En raison des circonstances nouvelles, le CNR entend faire du 14 juillet 1944 le prélude à l'insurrection nationale.

Malgré la présence encore visible des forces d'Occupation, à Paris et dans sa région, la fête du 14 juillet est suivie par une population aux élans patriotiques, vêtue des couleurs nationales et entonnant, en de nombreux points de rencontre, La Marseillaise. Certes, la journée n’est pas marquée par des actions pouvant laisser penser qu'il s'agit là d'un prélude à l'insurrection nationale, mais la ferveur d'hommes et de femmes résidant dans la capitale ou ses environs, ouvriers dans leur grande majorité, permet d'affirmer que la mobilisation est particulièrement bien préparée. Cet ultime 14 juillet en temps de guerre constitue le dernier appel à manifester symboliquement, lancé par les mouvements de Résistance et relayé, du bout des lèvres, par la BBC. Les actions permettent une jonction grandissante entre la protestation individuelle et l'action des forces organisées. Elles sont l'occasion de recruter de nouveaux FTP, l'instrument de l'osmose indispensable à l'insurrection nationale et parfois l'origine de la grève insurrectionnelle. L'action engagée en région parisienne pour obtenir la libération des cheminots arrêtés dans la manifestation d'Ivry contribue ainsi au déclenchement de celle du 10 août.

Auteur(s) : Aurélie Luneau, Danielle Tartakowsky
Source(s) :

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Le déclenchement des grèves d'août 1944 haut ▲

Le Comité parisien de Libération (CPL), comité de ville et de département mis sur pied en septembre 1943, en particulier ses président et vice-président, André Tollet et André Carrel, estiment le moment propice au déclenchement des grèves ouvrières pour arriver progressivement à la grève générale insurrectionnelle.

Les manifestations du 14 juillet, qui ont connu une grande ampleur, les encouragent dans cette voie d'autant que les policiers n'ont pas réagi. La mobilisation ne s'est pas relâchée. Le 10 août, après une manifestation de près de 1 000 personnes à Villeneuve-St-Georges, l'Union départementale de la CGT juge le climat favorable au déclenchement de la grève des cheminots en région parisienne. Le mot d'ordre de la grève est patriotique : "Que la Grève générale devienne effective, mort aux boches et aux traîtres, les Alliés doivent entrer dans un Paris libéré". A Vitry, Ivry, Montrouge, la population soutient les grévistes. Le CPL, qui joue un rôle déterminant, décide de généraliser les grèves en les étendant à d'autres corporations.

Le 13 août, 3 000 agents de la Compagnie du Métropolitain se mettent en grève.

Auteur(s) : Christine Levisse-Touzé
Source(s) :

 DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Les milices patriotiques haut ▲

En septembre 1943, la direction du Parti communiste français réclame l’instauration de « milices patriotiques » à implanter dans les entreprises, les villages, les quartiers des villes, groupes armés quadrillant le territoire lors du futur débarquement allié afin de paralyser l’ennemi et de protéger les populations contre ses exactions. Ces milices patriotiques sont consacrées par le Conseil national de la Résistance (CNR), le 15 mars 1944.
Le CNR charge les Comités de Libération de créer ces milices patriotiques en accord avec les FFI (Forces françaises de l'intérieur) et leur assigne des missions d’ordre public et de soutien de ces Comités de Libération. Les milices patriotiques se mettent en place lentement et très partiellement sous l’impulsion, le plus souvent, des militants communistes, dans un climat assez tendu. Le 10 août 1944, le CNR en fixe le statut et place les milices patriotiques sous l’autorité des Comités de Libération.
Après le Libération, les milices patriotiques deviennent une sorte de police supplétive auxiliaire de l’épuration.

Source(s) :

D'après Roger Bourderon, « Milices patriotiques », in Dictionnaire historique de la Résistance, dir. François Marcot, Paris, Robert Laffont, 2006.

La grève des policiers (15 août 1944) haut ▲

Le 15 août, les policiers se mettent en grève à l'instigation du Front national, bientôt rejoint par les autres mouvements de Résistance au sein de la police, Police et Patrie d'Yves Bayet, et Honneur de la police, au motif que les Allemands ont désarmé les policiers d'Asnières et de Saint-Denis. Pour empêcher la généralisation de la mesure, la Préfecture de Police donne l'ordre à tous les gardiens de quitter armes et uniformes pour éviter d'être arrêtés ; les policiers ne se montrent plus dans les rues. Rol-Tanguy mesure l'impact psychologique d'une telle mesure. La cessation des tâches de répression des policiers pour le compte des Allemands apporte soulagement et réconfort aux résistants. Rol lance un appel à toutes les forces de l'ordre, leur enjoignant de se ranger aux côtés des FFI. Il leur demande également d'aider "les FFI à abattre tous ceux qui continueraient à servir l'ennemi". L'appel est entendu puisque le lendemain, 15 000 policiers sont en grève. Le même jour, la grève chez les cheminots est suivie à 60 %. Le 17, dans un Paris vide de policiers auquel s'ajoute le départ du gouvernement en fin de soirée, le mouvement insurrectionnel est prêt à se développer selon sa propre logique. Le matin même, 1 500 fonctionnaires manifestant devant l'Hôtel de Ville scandent leurs revendications en chantant La Marseillaise.
Les postiers puis les infirmiers suivent le mouvement de grève le 18 août. La BBC encourage le mouvement. Le jour même dans l'après-midi, Rol fait apposer les affiches d'appel à la mobilisation et au déclenchement de l'insurrection.

Auteur(s) : Christine Levisse-Touzé
Source(s) :

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Les Américains à Rambouillet (16 août 1944) haut ▲

Le 16 août, une avant-garde américaine fait son entrée dans Rambouillet.
Témoignage du docteur Rabourdin : "Le 16, vers 15 heures, la première automitrailleuse américaine fit son entrée dans Rambouillet. Montée par quatre hommes, venant du Quartier Général de Maintenon, elle avait pris la route de Gazeran et était entrée dans Rambouillet, par erreur paraît-il. Les Allemands l'accueillirent à coups de mitrailleuses et de canons antichars. Arrivée place Félix Faure, elle prit la rue Nationale et pendant qu'elle montait la rue de la République, un de ses hommes, à demi sorti de sa tourelle, répondit de la main au salut que lui adressa de sa fenêtre, M. Ostrowski (...). L'automitrailleuse traversa la place de l'Eglise et descendit jusqu'au bout de l'avenue Foch. En revenant sur son chemin, M. Serge Petit l'arrêta et monta avec les Américains, pour les diriger vers la kommandantur. Dès qu'elle fut engagée dans la rue Gambetta, on vit apparaître le capitaine de gendarmerie Bernier, des gendarmes, le dentiste Schouder, chez lequel les armes étaient déposées, le vicaire M. Renaud, M. Leuques, lieutenant des pompiers, et quelques autres FFI. L'automitrailleuse fut arrêtée devant l'Ecole des Filles par une rafale de mitrailleuse, tirée par des Allemands, embusqués derrière le capot d'une voiture, arrêtée devant la Kommandantur. M. Serge Petit mit la mitrailleuse lourde américaine en action ; les gendarmes firent feu à leur tour et les Allemands rentrèrent dans la Kommandantur, puis ils en ressortirent dans une voiture commerciale, qui prit à toute vitesse la direction de la gare. M. Serge Petit et M. Lebeau, Inspecteur d’Académie, qui parle anglais, persuadèrent les Américains qui étaient entrés dans l’Ecole des Filles, que le moment était propice pour remonter en voiture et s’échapper. M. Serge Petit les accompagna et en passant devant la Kommandantur, il ouvrit le feu de la mitrailleuse américaine sur une dizaine d’Allemands situés près de la maison du jardinier. L’automitrailleuse fila dans la direction de la gare, passa sous le Pont Hardi, où elle arrosa de balles cinq ou six Allemands qui s’y trouvaient, prit la rue de la Garenne et gagna le Bel-Air ; là par une manœuvre propre à dérouter les Allemands, elle finit par foncer sur la route d’Ablis et rejoignit Maintenon par Orcemont, Orphin. Après le départ de l’automitrailleuse, les FFI entrèrent dans la kommandantur, qu’ils trouvèrent vide. L’abbé Renaud prit les clefs de la villa et alla les déposer à la Gendarmerie française. A ce moment une automitrailleuse allemande apparut dans la rue du Général Humbert. Les FFI prirent la fuite mais une rafale de fusil automatique tua à cent cinquante mètres un FFI, Jean Houff, d’une balle qui traversa sa tête de part en part et un autre FFI eut le mollet traversé par une balle. » 

Source(s) :

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

La libération des détenus politiques (17 août 1944) haut ▲

Le jeudi 17 août 1944, Raoul Nordling, consul de Suède, signe avec le major Huhm (officier des services du Militarbefehlshaber), en accord avec Von Choltitz, commandant du Gross Paris, à l’hôtel Majestic un accord relatif à la libération de 3 000 détenus politiques.

Radio Paris, contrôlée par les Allemands, vit ses dernières émissions . Son studio du 116-118 avenue des Champs Elysées se vide. Les archives de la station sont brûlées. A 9h un speaker allemand annonce en français la prochaine victoire de l’Allemagne grâce à une arme secrète. Radio Paris cesse ses émissions à 14h45.

Le même jour, un dernier convoi part du camp de Drancy, via la gare de Bobigny. Aloïs Brunner, commandant SS du camp, transporte avec lui 51 Juifs, surtout des résistants juifs comme Marc Bloch-Dassault.


Auteur(s) : Département AERI

Les Américains atteignent la Seine (18 août 1944) haut ▲

Alors que la bataille de Normandie fait rage, l'irruption du XVe Corps américain sur les arrières allemands amène le front à une soixantaine de kilomètres de Paris dès le 18 août. Aussitôt les résistants se mettent à la disposition des Alliés. Les patrouilles de reconnaissance repèrent les positions ennemies et préparent la route des colonnes américaines. Précédée par le 106th Cavalry du colonel Vennard Wilson, la 79th division US ouvre la route, avec pour objectif le franchissement de la Seine à Mantes. Ayant contourné les poches de résistance allemandes, le 313e régiment du colonel Sterling Wood, en tête de la 79e division, arrive en vue de la Seine sur les hauteurs de Jouy-Mauvoisin au soir du 18 août. Le 19 août au matin, la 79e division est arrivée sur la Seine, le contact s'établit avec la Résistance, souvent des patriotes isolés, les principaux réseaux ayant été pratiquement anéantis précédemment. Mantes est libéré sans coup férir. A Paris et dans le reste de l’Ile-de-France, l’affiche du colonel Rol-Tanguy proclamant la mobilisation générale est apposée sur les murs. 

Auteur(s) : Bruno Renoult
Source(s) :

DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004