"Organisation"



L'histoire du Vercors résistant se décompose en trois phases :

Le premier Vercors (1942-1943) voit la greffe du projet géostratégique de Pierre Dalloz sur un semis de camps de réfractaires créé en dehors de lui. À Grenoble, un noyau de militants socialistes, réuni depuis l'automne 1940, cours Berriat, dans la pharmacie du docteur Léon Martin, ancien député-maire de la ville, est activé en août 1941 par la visite de Raymond Gernez, ex-député du Nord pour diffuser Le Populaire, organe socialiste clandestin. Ce groupe contacte, au printemps 1942, d'autres noyaux socialisants, spécialement à Villard-de-Lans (le médecin d'origine roumaine Eugène Samuel, l'hôtelier Théo Racouchot, le directeur de banque Edouard Masson, les frères Huillier, etc.) et dans le Royans (l'instituteur révoqué Benjamin Malossane à Saint-Jean-en-Royans, Jean et Louis Ferroul à Saint-Nazaire-en-Royans, Louis Brun à Pont-en-Royans). Ce tissu militant, dans lequel le cafetier grenoblois Aimé Pupin joue les premiers rôles, progressivement affilié au mouvement Franc-Tireur, est à l'origine du camp d'Ambel (C1 en janvier 1943), puis d'autres camps de réfractaires au STO : C2 à Carette, C3 à Autrans, C4 à Cornouze, C6 au col de La Chau.

En parallèle, Pierre Dalloz, architecte installé aux Côtes-de-Sassenage, écrit en décembre 1942 une « Note sur les possibilités militaires du Vercors ». Cette première version, modeste, distingue un « programme d'action immédiate » et un « programme d'action ultérieure » subordonné à l'acceptation du premier et à un futur débarquement allié en Provence. Cette note, transmise fin janvier 1943, par l'intermédiaire Yves Farge à Jean Moulin qui donne son accord, devient le « projet Montagnards » après la rencontre, le 10 février 1943, entre Dalloz, Farge et le général Delestraint, chef de l'AS, qui l'emmène à Londres. Accepté par la France libre, bien financé, ce projet, qui donne une dimension stratégique à des camps isolés en montagne, permet la fusion des deux équipes début mars et la création d'un premier "comité de combat" (Dalloz, Farge, Rémi Bayle de Jessé, les militaires Marcel Pourchier et Alain le Ray). Celui-ci est vite démantelé par les arrestations de la police italienne (Léon Martin, le 24 avril, Aimé Pupin le 27 mai). Pierre Dalloz gagne Paris, puis Alger en novembre, où il rédige une nouvelle note, plus ambitieuse que la précédente. Mais les arrestations en juin de Delestraint et de Jean Moulin cassent cependant le fil entre un projet que les acteurs locaux continuent ou croient continuer d'appliquer, et la hiérarchie de la France libre.

Le second Vercors (1943-juin1944) voit l'institutionnalisation et la militarisation des camps. Un second comité de combat, animé par le capitaine Alain Le Ray (« Rouvier ») chef militaire et Eugène Chavant (« Clément ») chef civil, avec Jean Prévost (« Goderville »), Eugène Samuel (« Jacques ») et Roland Costa de Beauregard (« Durieu »), travaille à transformer les réfractaires en combattants, créer des compagnies civiles de réserve, mobiliser à leurs côtés des segments d'institutions (Églises, gendarmerie, municipalités) encadrant une population qui s'accommode progressivement au maquis. De janvier à juin 1944, le nouveau chef militaire, Narcisse Geyer (« Thivollet ») poursuit cette ligne, malgré des frictions croissantes avec les responsables civils et des habitants découvrant, après les incursions allemandes (22 janvier aux Barraques et 18 mars 1944 à Saint-Julien) et de la Milice à Vassieux en avril 1944, la réalité de la guerre.

Le troisième Vercors (9 juin-21 juillet 1944), le plus connu, transforme la zone en petite République. Le Vercors est mobilisé dans la nuit du 8 au 9 juin, et ses accès routiers bouclés par décision de Marcel Descour (« Bayard »), chef d'état-major régional, qui l'impose à François Huet (« Hervieux »), nouveau chef militaire nommé fin mai. Cette décision controversée a deux origines : le message de Jacques Soustelle ramené d'Alger par Chavant le 6 juin, qui l'assure de la pérennité du « projet Montagnards », et, surtout, une dynamique spontanée de montée au maquis, imprévue dans son ampleur, amenant les effectifs à plus de 4 000 volontaires. Venant surtout de Grenoble et Romans-sur-Isère, ces nouveaux maquisards cumulent enthousiasme et manque d'expérience militaire. L'euphorie, l'assurance d'une aide alliée et d'un débarquement imminent en Provence amènent, dès avant la « restauration » officielle de la République le 3 juillet, à l'institution d'un embryon de contre-État (journal Vercors libre, administration, censure, tribunal et même un camp pour prisonniers allemands et suspects), alors que Huet reconstitue officiellement des régiments réguliers (chasseurs alpins et cuirassiers). La Wehrmacht lance, après une première attaque manquée à Saint-Nizier (Isère), les 13-15 juin, une offensive générale le 21 juillet (opération Bettina) incluant un débarquement aéroporté sur Vassieux, qui en font l'opération la plus importante menée contre la Résistance en Europe occidentale. Celle-ci, marquée par de nombreuses atrocités (Vassieux, La Chapelle, grotte de la Luire) disloque en trois jours le maquis. Dans la nuit du 21 juillet, Chavant envoie son fameux télégramme, affirmant que les services de Londres et Alger « n'ont rien compris à la situation... et sont considérés comme des criminels et des lâches », base de polémiques futures sur la « trahison » du Vercors. En fait, celui-ci est doublement victime (au-delà de l'égarement du projet initial, des promesses inconsidérées et des rivalités entre services) du caractère secondaire qu'occupe à la fois la Résistance dans les plans alliés et le Vercors chez les stratèges de la France libre, et d'une mobilisation prématurée par rapport au débarquement en Provence, encouragée par l'euphorie de juin 1944. Le bilan est lourd : 456 tués (326 Résistants et 130 civils) dans les communes du massif. Les survivants participent à la libération de Romans, Grenoble et Lyon.


                                Organization                                

The history of resistant Vercors is divided into three phases:


The first Vercors (1942-1943) sees the transplant project of geostrategist Pierre Dalloz on a seedling of refractory camps set up outside of Vercors. In Grenoble, a core of social activists, who had been meeting since the fall of 1940, during Berriat, in the pharmacy of Dr. Martin Léon, a former deputy mayor of the city, is activated in August 1941 by the visit of Raymond Gernez, former deputy in the North who broadcasts Le Populaire, a clandestine Socialist program. This group contacts other Socialist cores, especially in Villard-de-Lans, (the Romanian-born doctor Eugene Samuel, the hotelier Theo Racouchot, the bank manager Edward Masson, the Huillier brothers, etc...), and the Royans, (Benjamin Malossane revoked the teacher in Saint-Jean-en-Royans and Jean and Louis Ferroul in Saint-Nazaire-en-Royans, Louis Brun in Pont-en-Royan). This activist atmosphere, in which beloved Grenoble barman Pupin plays a leading role, gradually affiliates with Francs-tireurs, behind camp Ambel, (C1 in January 1943) and other STO, (Service du travail obligatoire) refractory camps: Carette C2, C3 in Autrans, Cornouze C4, and C6 Col de la Chau.

Meanwhile, Peter Dalloz, the architect who installed Côtes -de-Sassenage, writes in December 1942, a "Note on the military capabilities of the Vercors". The first section is modest and distinguishes a "program of immediate action" and a "program of further action" subject to the acceptance of first and future Allied landings in Provence. This memo, sent late January 1943 through Yves Farge to Jean Moulin, who agrees, becomes the "project Montagnards "after the meeting on February 10, 1943 between Dalloz, Farge, and General Delestraint, head of the AS, (l'armée secrète), which takes him to London. Accepted by France Libre, the well-funded project gives a strategic dimension to the remote camps in the mountains, and allows for the merging of the two teams in early March, as well as the creation of a first "comité de combat", ( Dalloz, Farge, Rémi Bayle de Jessé, and soldiers Marcel Pourchier et Alain le Ray). This is quickly dismantled by Italian police arrests, (Léon Martin, April 24, Aimé Pupin, May 27). Peter Dalloz wins Paris and Algiers in November, where he writes a new note, more ambitious than the last. But there are arrests in June, and Jean Moulin and Delestraint break the wire between a project that local players still believe and continue to apply, and the hierarchy of France Libre.


The second Vercors (1943-June 1944) sees the institutionalization and the militarization of the camps. A second combat board is led by Alain le Ray, ("Rouvier"), military leader, and Eugene Chavent, ("Clement"), civilian chief, with Jean Provost, ("Goderville"), Eugene Samuel, ("Jacques"), and Roland Costa Beauregard, ("Durieu"), all of whom work to transform refractory combattants, create civilian reserve companies, and mobilise their sides of the segments of institutions, (churches, police, municipalities), flanking a population that gradually adapts to the maquis. From January to June 1944, the new military leader, Narcissus Geyer, ("Thivollet") continues this line, despite growing friction with the civilian population and the discovery, after the Germpan raids, (January 22 at Barraques, March 18, 1944 at Saint-Julien, and Vassieux Militia in April 1944), of the reality of war.

The third Vercors (June 9-July 21, 1944), the best known, transforms the area into a small republic. The Vercors is mobilised during the night of June 8 to 9, and its access road is sealed off by a decision by Marcel Descours, ("Bayard"), regional Chief of Staff, which requires François Huet, (Hervieux), the new military chief appointed in late May. This controversial decision has two origins: the message brought by Jacques Soustelle in Algiers by Chavez on June 6, which assures the continuity of the "projet Montagnards", and above all, a spontaneous rise in the dynamic maquis, unexpected in magnitude, bringing the number to more than 4,000 volunteers. Mostly from Grenoble and Romans-sur-Isère, these new guerrillas combine enthusiasm and lack of military experience. The euphoria, insurance assistance, and Allied landings in Provence imminently lead to the establishment of an embryonic counter-state, (with Vercours libre newspaper, government, censorship, a court, and even a camp for German suspects and prisoners), while Huet officially restores regular regiments, (Alpine and cuirassiers) even before the "Restauration", or restoration, of the official Republic on July 3. After an initial failed attack, Wehrmacht launches another at Saint-Nizier, (Isère), from June 13-15, a general offensive on July 21, (Operation Bettina), including an airborne landing on Vassieux, which forms the largest operation carried against the Resistance in Western Europe. This one, marked by numerous atrocities, (Vassieux La Chapelle, cave Gleam), breaks up the underground movement in three days. On the night of July 21, Chavant send his famous telegram, stating that the services of London and Algiers "did not understand the situation...and are regarded as criminals and cowards", future controversies based on the "trahison", or betrayal at Vercors. In fact, it is doubly victim, (beyond the error of the initial project, which promised reckless rivalries between services), of the secondary character that occupies the Resistance in the plans of the Allies in Vercors, strategists of France-Libre, and an early mobilisation against the landing in Provence, encouraged by the euphoria of June 1944. The toll is high: 456 killed (326 civilians and 130 resistants) in the communes of the mountains. The survivors will be involved in the Libération at Romans, Grenoble, and Lyon.


Traduction : Grace Hoffman

Auteur(s) : Gilles Vergnon, Alain Coustaury
Source(s) :

Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, éditions de l’Atelier, 2002. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.

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