"Épuration économique et administrative"

Un large consensus rassemble organismes de Résistance et population dès avant la Libération. Il ne saurait être question de laisser impunis ceux qui ont tiré profit de la guerre et de l'Occupation. L'épuration commence dans les entreprises avant même que les combats pour la libération de Marseille ne soient achevés. Des dirigeants d'entreprises sont arrêtés ou assignés à résidence, des comités locaux de libération obtiennent des mises sous séquestre et des réquisitions. 
Le GPRF n'entend pas cependant laisser libre cours à une épuration qu'il ne maîtriserait pas. Il produit deux ordonnances pour encadrer l'épuration économique : celle du 16 octobre 1944 frappe la collaboration économique et instaure des comités régionaux interprofessionnels d'épuration (CRIE), celle du 18 octobre 1944 vise « les profits illicites » englobant « toutes les opérations réalisées en violation de la réglementation des prix, de changes, du commerce de l'or, du rationnement, du ravitaillement, de la collecte et de la répartition des produits. » Le marché noir est directement visé.

Un arrêté du CRR crée le CRIE le 28 février 1945, qui ne disposera jamais des moyens matériels nécessaires à son bon fonctionnement. Des comités de confiscation des profits illicites sont mis en place dans chaque département. La commission départementale de confiscation des profits illicites débute ses travaux  dès le 16 novembre 1944.

Les ordonnances des 16 et 18 octobre ne doivent pas dissimuler les divisions qui traversent très rapidement les rangs de la Résistance. L'épuration économique doit-elle être une simple œuvre de justice ou doit-elle amorcer un changement structurel conforme au programme du CNR qui voulait instaurer « une démocratie économique nouvelle » ?  Les deux conceptions s'affrontent dans les Bouches-du-Rhône.

L'épuration économique se heurte également aux impératifs de la reconstruction. Le GPRF n'entend pas sacrifier l'efficacité à une application rigoureuse des ordonnances. Enfin, les bilans sanctionnant collaboration économique et profits illicites ne doivent pas faire illusion. Les sommes à recouvrer - au demeurant très spectaculaires au niveau régional - s'amenuisent au fur et à mesure des recours devant les instances nationales.

Les sources fournies par les archives départementales montrent l'ampleur du travail accompli dans des conditions matérielles très difficiles par les différents comités chargés de l'épuration économique, mais permettent aussi de comprendre l'amertume d'une partie de la population qui considère que les profiteurs n'ont pas été assez sanctionnés.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Robert Mencherini, La Libération et les années Tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.

Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.

François Rouquet, « L'épuration administrative en France après la Libération. Une analyse statistique et géographique », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol.33 n° 1, 1992, pp. 106-117.

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