"Nice"

Le 24 août, date de la libération de Grasse, Cannes et Antibes par les parachutistes américains de la First Airborne Task Force en collaboration avec les FFI locaux, les résistants niçois eurent la confirmation que la mission de la division américaine devait consister à protéger le flanc Est des troupes débarquées à partir du 15 août sur les côtes varoises et qu’elle ne devrait pas dépasser l’embouchure du fleuve Var. Le jour même, la mouvance communiste (PCF, FTPF, FTP-MOI, Milices Patriotiques, CGT) constitua un comité insurrectionnel devant proclamer le soulèvement lorsque les conditions optimales seraient réunies (approche des troupes alliées, descente des compagnies FTP et ORA retenues à une vingtaine de kilomètres au nord de Nice autour du verrou Plan-du-Var – Levens – La-Roquette-sur-Var, acceptation de la mouvance gaulliste).

L’objectif du comité, présidé par le responsable du PCF René Houat-Duchêne et au sein duquel le responsable départemental FTPF Philippe Giovannini-Souny faisait fonction de chef d’état-major, était double : en premier lieu éviter les destructions retardatrices que les unités de la 148e Ersatz Division (ED) avaient effectuées à Cannes et à Antibes entre le 19 et le 23 août et dont on savait qu’elles seraient plus importantes dans le chef-lieu et particulièrement dommageables pour la reprise économique comme pour la satisfaction des besoins élémentaires des Niçois ; en second lieu, opposer une résistance armée au repli de l’occupant et, le cas échéant, convaincre les unités américaines de pénétrer dans la ville. Ce fut pourquoi les principales entreprises (dépôt SNCF Saint-Roch, dépôt TNL Sainte-Agathe, Usine à Gaz, Etablissements Michel, Poste Thiers, Garage Renault) étaient occupées par leurs salariés armés (Milices Patriotiques) depuis le 25 août et que la grève générale avait été lancée par la CGT. Les parachutistes étant parvenus à Saint-Laurent-du-Var dans l’après-midi du 27 août et les compagnies FFI déployées à Levens étant durement accrochées et dans l’impossibilité de descendre sur Nice, le comité insurrectionnel décida vers 18 heures de déclencher le soulèvement du chef-lieu le lendemain matin, afin de soulager les maquisards en difficulté à Levens et de harceler la garnison niçoise de la Wehrmacht (environ 1 500 hommes) ainsi que les troupes de la 148e ED retraitant de l’arrondissement de Grasse vers la frontière italienne. Le comité insurrectionnel ne pouvait alors compter que sur 50 FTPF et 60 FTP-MOI, armés de mousquetons, de pistolets, d’une vingtaine de mitraillettes et de quatre fusils-mitrailleurs mais il comptait sur le patriotisme de la Police et de la Gendarmerie, sur le soutien de la population et le concours des forces militaires de la mouvance gaulliste (CFLN, Mouvement Combat), qui fut prévenue peu après.

Ce fut pourquoi, vers 6 heures, environ 350 FFI entamèrent la guérilla urbaine, harcelant les patrouilles de l’occupant, ses déplacements en camions, ses casemates disséminées dans le centre-ville, récupérant de nombreuses armes automatiques et des caisses de munitions tandis que 800 membres des Milices patriotiques défendaient avec succès leurs entreprises transformées en citadelles, l’Hôtel de Ville, la Préfecture, l’Intendance de Police et le Lycée de Garçons étant occupés par des combattants sans uniforme arborant le brassard tricolore portant le sigle FFI. Vers 10 heures, les policiers du Corps Urbain se rallièrent aux insurgés, désormais près d’un millier, et de multiples accrochages intervinrent, démoralisant les occupants dont beaucoup de soldats étaient des Polonais ou des Tchèques incorporés de force dans la Wehrmacht. A 19 h 30, le Feldkommandant Nickelmann donna l’ordre d’abandonner une ville « infestée de terroristes », tandis que la Kriegsmarine faisait sauter le port. Vers 23 heures, les dernières unités allemandes ayant combattu à Levens traversèrent le centre-ville en le mitraillant copieusement afin de s’ouvrir la route de Villefranche-sur-Mer. 

Les insurgés se retrouvèrent donc maîtres d’une grande ville pour la libération de laquelle 32 d’entre eux perdirent la vie et 280 furent blessés ; l’ennemi avait perdu 29 tués et 105 prisonniers pour les Allemands, 4 tués pour les miliciens fascistes-républicains du bataillon Nizza. Après des échanges avec les insurgés, l’envoi de patrouilles de reconnaissance et l’autorisation donnée par le général Patch, le 509e bataillon de parachutistes fit son entrée dans le chef-lieu le 30 août vers 15 heurs, accueilli par la population comme s’il avait été son libérateur. La mouvance communiste disposa d’une majorité relative dans les assemblées désignées (Comité départemental de Libération, Délégation spéciale de Nice) et essaya d’exploiter le prestige issu de la réussite de l’insurrection avec une affiche Le Front National libérateur de Nice et une série de timbres-poste surchargés FN-28 août 1944.

Auteur(s) : Jean-Louis Panicacci
Source(s) :

Jean-Louis Panicacci, « La libération de Nice : 28 août 1944 (Soulèvement patriotique ou journée révolutionnaire ?) », Provence Historique, fascicule 144, avril-juin 1986, pp. 213-223.

Joseph Girard, La Résistance et la libération de Nice. La fin d’une légende ?, Nice, Serre éditeur, 2006.

Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre, 1939-1945, Paris et Riom, De Borée, 2013.

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