"Dernières semaines avant la Libération "



Le transfert d’une grande partie des troupes allemandes vers le front de Normandie a pour conséquence l’abandon de secteurs entiers de la région toulousaine. L’ennemi cantonne ses effectifs, encore nombreux, dans des garnisons principales. Les mouvements de troupes sont de plus en plus désorganisés et moralement fragilisés par une Résistance soutenue par la majeure partie de la population, renforcée par de nouvelles recrues chaque jour plus nombreuses et, ayant une bonne connaissance du terrain. Bien que le parachutage d’armes soit en nette progression depuis le 6 juin, l’armement et, d’une manière générale l’ensemble de l’équipement des Résistants et de ses maquis, demeure rudimentaire. Serge Ravanel sait que « la région toulousaine présente pour les Anglais un intérêt secondaire ; elle est nécessairement défavorisée dans les domaines de l’armement et des parachutages au bénéfice de la zone Nord et de la Bretagne » (1). Conscient de ces conditions, le chef régional demande à tous ses responsables de départements et de secteurs d’adopter, selon leur propre initiative, une « action exclusivement sous forme de guérilla » (2) semblable en tous points à celle engagée depuis plusieurs semaines. Elle consiste à « créer une ambiance d’insécurité qui provoquera chez l’ennemi une réduction de la vitesse de marche des colonnes, une immobilisation du personnel et du matériel consacrés à la sécurité des organes statiques, une usure générale due à la fatigue non compensée par un repos suffisant. Les résultats de la guérilla ne seront pas évalués en morts, blessés et prisonniers mais en hommes-heures perdus. C’est une notion à acquérir par tous les cadres. Les procédés employés sont le harcèlement à moyenne distance d’éléments mobiles de forces égales ou légèrement supérieures ; l’attaque à faible distance ou au corps à corps d’éléments mobiles de force inférieure ; l’anéantissement des faibles détachements et des isolés ; la mise hors d’usage d’engins mécaniques de transport ou de combat ; la destruction partielle ou totale des postes de commandement, des dépôts, des postes de garde et des cantonnements au moyen de coups de main » (3).
Par ailleurs, conformément au commandement supérieur, Ravanel précise que « les sabotages (voies ferrées, usines d’aviation allemandes fortement implantées dans la région) comme les exécutions de miliciens doivent être effectués à outrance… [En outre, il est nécessaire], de pousser la population à considérer la Résistance comme légale et qu’il est de son devoir de l’aider au maximum » (4).
Acculés, les « Boches se conduisent comme des véritables sauvages » (5). Des raids de commandos spécialisés tels que le groupement « Wilde » attaquent les maquis comme les populations, faisant un nombre considérable de victimes. « La population est scandalisée et les jeunes demandent des armes pour venger leurs camarades » (6). Ces innommables interventions comme celles des services de la Gestapo relayés par la milice perdurent jusqu’à la Libération. « Jusqu’aux dernières heures de l’Occupation, on arrêtera donc et on fusillera » (7).

Sources : (1) Note de Serge Ravanel adressée à tous les départementaux et à toutes les zones le 14 juin 1944. (2) Op cit. (3) Note du chef départemental du Lot-et-Garonne adressée à tous les chefs de l’Armée secrète et des maquis 5/05/44. (4) Note de Serge Ravanel adressée à tous les départementaux et à toutes les zones le 14 juin 1944. (5) Rapport du chef MLN adressé au chef régional concernant le département du Gers daté du 12/07/44. (6) Op cit. (7) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.



                                The Last Weeks before the Liberation


When the Germans transferred a large part of their troops North to the front in Normandy, they left many areas around Toulouse completely defenseless, but the enemy still had large numbers of men in principal sectors of the region. The movement of the German troops was becoming more and more disorganized, and their morale was growing weaker because of the Resistance. Now a major percentage of the population, the Resistance acted daily to recruit new members, all the while gaining new ground. Even though the English paratroopers had been involved in France since June 6th, the Resistance and their groups still lacked basic equipment and weaponry. Serge Ravanel knew that «to the English, Toulouse was not a priority. Normandy and Bretagne were more important because of their proximity to the front » (1). Aware of these conditions, Ravanel asked all of his departmental leaders and deputies to launch their own «guerilla warfare initiatives» (2) in the coming weeks. These attacks «created an atmosphere that completely shook the morale of the enemy. They could not mobilize as quickly and their security systems were greatly weakened. The Germans could never relax and it began to show. Our success was not measured in the numbers killed, wounded, or captured but rather in man hours lost. The idea was to disrupt everything. We fought from a distance or face to face; we fought them with equal, or sometimes greater, force; we annihilated those who had been injured or isolated; we destroyed their engines whether for transport or combat; we burned post offices, depots, guard stations, and billets to the ground » (3).

In addition, Ravanel ordered that under his command «all sabotages (of German factories, railroads etc.), like the executions of the Milice, had to be done out of outrage...it was necessary that the population believe that what the Resistance was doing was legal and that it was necessary for the greater good» (4). And «the Germans were acting like savages » (5). Specialized commando raids like the « Wild » group attacked civilians as well as the maquis, racking up a number of victims. «The population was horrified. Young men demanded to be armed in order to avenge their comrades» (6). Such attacks led by the Gestapo as well as the Milice lasted until the Liberation. «Even in the last hours of the Occupation, we would only stop so that we could rearm.» (7).


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

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