"Construire l’avenir avec des hommes nouveaux"



Avec ses frères d’armes, Serge Ravanel souhaite s’investir pleinement dans la reconstruction de son pays. Dans son esprit, elle doit en toute logique s’inscrire dans le cadre du programme du CNR, défini le 15 mars 1944, dont l’objectif est de : « mettre en place le gouvernement du général de Gaulle, de le soutenir dans sa volonté de rétablir l’indépendance nationale, et de rendre à la France sa place dans le concert des nations. » (1). Il appelle aussi à poursuivre le travail d’unité acquis grâce à cette dynamique de la Résistance. Ce programme du CNR constitue pour Serge Ravanel bien plus un guide des droits et devoirs du citoyen qu’un programme politique. « Il est un message de confiance dans les destinées du pays. » (2). Fidèle à ses convictions et à la ligne de conduite qu’il s’est fixé depuis le début de son engagement dans la lutte, Ravanel poursuit l’unification militaire de ces hommes nouveaux issus de la Résistance et leur mise en place dans ce contexte de liberté. Il place « toute sa confiance en cette fraction de la population qui a mûri et appris [pendant la guerre] l’unité et le sens de l’intérêt général. Il la sait prête à se dévouer » (3). Les acquis de la Résistance constituent, selon lui, une base sur laquelle la politique comme l’armée du lendemain de la Libération peuvent s’appuyer et permettre ainsi la restauration et la consolidation de la République.

Chef régional des FFI, issu du MLN, Serge Ravanel s’efforce de remplir sa mission dans le respect de sa double hiérarchie : d’une part le commandement militaire né de la Résistance intérieure, d’autre part, celui de la Résistance extérieure. Autrement dit, la constitution d’une nouvelle armée suppose de « faire entrer dans un moule unique » (4) les officiers de carrière et les officiers issus de la Résistance accompagnés de leur unités combattantes. Entreprise vaste et complexe mais l’optimisme et les convictions d’unité de Ravanel lui donnent l’énergie d’agir et l’assurance de gagner. Il est alors persuadé que « l’expérience acquise leur permettrait de réaliser une unité semblable dans la nouvelle armée. » (5). Dans l’optique de cette unification, il met en place dans les différents bureaux de son état-major régional un triumvirat constitué, à chaque niveau, d’un responsable accompagné de deux amis de la Résistance. L’objectif de la démarche consiste à conserver dans cette nouvelle armée l’esprit né de la Résistance tout en effectuant un brassage avec des membres des « deux camps ». Dans le cadre de la création d’une école régionale des cadres des FFI, il adresse à tous les chefs départementaux une note rappelant à l’ensemble des officiers et sous-officiers son « intention de les faire participer à un travail commun… et à l’élaboration d’un code de vie militaire tenant compte des nécessités de l’instruction militaire et de la psychologie du Français. » (6).

Cette démarche volontaire d’unifier l’ensemble des forces armées nécessite l’adhésion et la foi de tous les protagonistes. Or, exception faite de quelques officiers de carrière qui comprennent et mesurent, comme Ravanel, l’intérêt « de combiner les compétences des uns, les qualités de dynamisme des autres et le patriotisme de tous » (7), rares sont ceux qui croient en la faisabilité de cette entreprise et acceptent de porter avec conviction ce projet. Trop puriste, et certainement naïf ou « complètement inconscient », Serge Ravanel ne perçoit pas immédiatement que la Libération les a fait entrer dans une ère radicalement nouvelle.
Une ère où l’Esprit de Résistance, dont lui et ses camarades sont profondément imprégnés, ne parvient pas à se déployer.

Sources : (1) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (2) Op cit. (3) Témoignage de Serge Ravanel et de Raymond Aubrac recueilli par Costa Macros sur les valeurs de la Résistance et le programme du CNR. (4) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (5) Op cit. (6) Note de Serge Ravanel adressée à tous les chefs départementaux FFI concernant la création d’une école régionale de cadres. 3/09/44. (7) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.


                           Building a New Future

Like his brothers in arms, Serge Ravanel wanted to throw himself into rebuilding his country. This meant followig the CNR in their new objective, declared March 15 1944: «install de Gaulle's government, help them to reestablish national freedom, and to bring France back to her rightful place in the world » (1). It also meant working under the same unity that the Resistance had fostered over the years. The CNR's agenda meant much more to Ravanel than simply guidelines for the citizens of France; it was a political message as well. «It was a vote of confidence for France's future »(2). Always faithful to the same convictions from the first days of the war, Ravanel sought to bring the military groups unified during the Resistance into the new context of a free France. He «had complete confidence in these people who had learned how to unite during the war in order to reach a common goal. They knew how to dedicate themselves to a cause » (3). Ravanel believed that what the Resistance had achieved throughout the war could help rebuild and restore the Republic, just as it had helped them during the Liberation.

As FFI's regional leader, issued by the MLN, Serge Ravanel continued to try and fulfill his duties in respect to the double hierarchy: the military command of the Resistance interior and also that of the Resistance exterior. In other words, the creation of a new army meant that «everyone would start at the same place » (4) so that career military officers and Resistance officiers would join in the ranks together. Although this was a vast and complicated enterprise, Ravanel knew that it would succeed because of the incredible unity he had witnessed during the war. He believed that the integration would «create a new, cohesive army» (5). In light of these ideals, Ravanel created a triumvirate in each department on every level that consisted of one leader flanked by two Resistance members. Ravanel did this in the hope of preserving some of the Resistance's spirit and drive in the new army by teaming up men from «both camps.» When he spoke to his departmental chiefs at the groundbreaking of a regional military school for the FFI, he echoed the same sentiments he expressed when addressing officers: «how important it was to work together...and the neccessity of understanding and incorporating the military's Code of Honnor into the French psyche» (6).

But this willing integration of the new French army required everyone's cooperation and faith in the project. With the exception of the few officiers who understood and appreciated Ravanel's vision to «combine one's abilities with another's skill for a common goal» (7), most did not believe such an undertaking was possible and refused to support it. Too much of a purist, and naive or «completely out-of-touch, » Serge Ravanel did not see that the Liberation was becoming more and more radical. The Resistance era that Ravanel and his comrades had known was over.


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

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